Qu’est-ce que l’écoféminisme (part. 3)

Voir aussi :
Qu’est-ce que l’écoféminisme (part. 1)
Qu’est-ce que l’écoféminisme (part. 2)

Voici une analyse par Hypathia du livre de Françoise d’Eaubonne "Les Femmes avant le patriarcat".
Les femmes avant le patriarcat





Appuyée sur une documentation abondante : Tacite, Mircéa Eliade, Dr W Lederer, Lévi-Strauss, Simone de Beauvoir, Jean Markale, Maurice Bardèche, Léo Abensour, Marx, Jung, etc... Françoise d’Eaubonne raconte l’histoire des femmes avant le patriarcat, puis comment, après ce qu’elle appelle le Grand Renversement, les choses vont sérieusement se détériorer, les hommes s’appropriant les femmes et leur fécondité sans rien leur devoir "le fruit du pommier appartenant au propriétaire du pommier" comme dit cyniquement Napoléon dans le Code Civil.
Evidemment, personne n’étant revenu vivant du Paléolithique, ou en assez bon état pour témoigner, il faut tout mettre au conditionnel ! Il nous reste toutefois les pierres taillées et outils, les poteries, les dessins sur les parois des grottes, les statues et objets de culte, ainsi que les mythes et légendes qui ne sortent pas de nulle part, mais qui sont les résultats de traditions orales préexistant à l’écriture. Le matriarcat, figure inversée du patriarcat oppresseur n’aurait jamais existé. Ne pas le confondre avec la matrilinéarité, les sociétés matrilinéaires pouvant être redoutablement misogynes. En revanche, ce qui aurait existé, c’est une terreur ou un émerveillement devant le privilège exorbitant des femmes à porter la vie, donc à avoir accès à l’éternité quasiment tous les printemps : culte des Grandes Mères, des grandes déesses. Évidemment, je vous parle d’un temps où les mecs n’avaient aucune idée qu’ils étaient pour quelque chose dans le processus. Ils vont d’ailleurs mettre un temps fou à le découvrir (Malraux prétendait que c’est un miracle qu’ils s’en soient rendu compte, puisque pratiquement à chaque fois qu’un homme couche avec une femme, il ne se produit RIEN du tout niveau procréation !).
Ils vont tout de même commencer à se douter de quelque chose en observant les animaux, la chasse seule ne permettant pas cette observation. Il faut pour cela inventer le pastoralisme et l’élevage, après la chasse qui divise déjà les sociétés en deux, chasseurs et cueilleurs. Les chasseurs vont devenir pasteurs nomades (les sociétés nomades encore de nos jours, sont extrêmement misogynes) ; les femmes, non exclues de la chasse, mais obligées sans doute de se sédentariser quand elles sont enceintes sous peine d’accidents pour le groupe entier vont, elles, inventer l’agriculture. Elles sèment le blé, qui pourrit dans la terre et.... renaît en donnant une récolte chaque année. Elles seraient donc inventrices des rites funéraires : on met le mort en terre, en espérant une renaissance... ("Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit" - Saint Jean l’aurait piqué aux Grandes Mères ?). Elles seraient également à l’origine des villes, des cultes de plein air, alors que les cultes masculins seront rendus plus tard dans des temples. Le principe féminin est toujours associés aux eaux : sources, marais, fleuves, crues du Nil fécondant les terres dans l’ancienne Egypte.
L’appropriation de l’agriculture par les hommes avec l’invention de la charrue aurait scellé les destin des femmes, Grandes Mères et déesses ; l’appropriation de la fécondité des femmes suivra, ainsi que celle de la Nature. Dépossédées de leur caractère sacré, elles seront échangées et circuleront comme des marchandises ou du bétail, puisque c’est ainsi que ce seraient constituées les sociétés humaines selon Claude Lévi-Strauss.
Au Grand Renversement, elles auraient résisté, ne voulant pas être réduites. Françoise d’Eaubonne consacre un chapitre entier au mythe des Amazones qui irrigue pratiquement toutes les régions du monde et ses différentes cultures, avec des résurgences contemporaines. Des femmes se seraient constituées en sociétés non mixtes, sauf à certaines périodes de l’année. Comme elles sont obligées de se défendre, elles apprennent à combattre. Il y a abondance et persistance de légendes d’Iles de femmes dans pas mal de cultures.
La résistance à ce renversement se signalerait aussi par l’opposition entre cromlechs de pierres levées (menhirs), et les sites mégalithiques de tables d’autels (dolmens), les uns étant solaires et phalliques, les autres étant féminins, au vu de la forme des tunnels de pierres couvertes qui évoqueraient le sexe des femmes. Françoise d’Eaubonne remarque d’ailleurs que (presque -les exceptions sont rares) tous les dolmens portent des noms de femmes : la Grotte de la Dame, les pierres des fées,... et à 35 km de chez moi, le site de la Roche aux Fées. Cette période transitoire de semi-patriarcat aurait duré extrêmement longtemps, et les femmes ne seraient pas forcément seules dans cette résistance. C’est pas mal quand on rentre de la chasse (les cadavres se corrompent très vite) de trouver à manger de la farine et du pain, produits de graines qui se conservent longtemps sans s’altérer en poisons. De bons procédés et des cadeaux doivent s’échanger. Des civilisations philogynes, comme celle de la Crète, des Celtes résistant au Droit Romain patriarcal (avec entre autres la résistance de Boadicée, Vercingérorix au féminin, moins connue que lui, mais tout aussi valeureuse) et l’Egypte célébrant le culte d’Isis, déesse solaire, agraire et chtonnienne, constitueront des îlots résiduels de paix et de relatif pouvoir pour les femmes et les grandes déesses, avant que le patriarcat n’établisse définitivement son empire sur tous les continents et toutes les cultures. Les trois religions à dieu mâle n’auront plus qu’à renforcer et parachever son emprise.
Selon Françoise d’Eaubonne, inventrice de l’éco-féminisme, son agressivité, son expansionnisme sans frein, nous font vivre à crédit dans un univers fini et limité, la surpopulation concomitante à la destruction de la nature et la raréfaction des ressources font peser un danger mortel sur notre espèce (sans parler des autres) et sur notre survie sur la planète.
Après le patriarcat : UN BON SAUVAGE
"Les femmes ? disait un Chef Chippeway, une seule peut tirer ou porter autant que deux hommes. Elles dressent nos tentes, fabriquent nos vêtements, nous les raccommodent et nous tiennent chaud la nuit. Nous ne pouvons absolument pas nous déplacer sans elles. Elles font tout et ne nous coûtent pas grand chose à nourrir. Comme elles font constamment la cuisine, il leur suffit, en temps de disette, de se lécher les doigts".
Cité dans Les femmes avant le patriarcat par Françoise d’Eaubonne, citant elle-même Will Durant, historien et philosophe américain.


Cet article n’est qu’un résumé succinct de la riche et érudite monographie de Françoise d’Eaubonne : il faut évidemment lire le livre. Il est épuisé chez l’éditeur, mais se chine très bien chez les bouquinistes et sur Internet, ses sites de vente en ligne, à prix modéré.
Je rajoute un lien qui va bien avec mon article : une étude interculturelle sur l’inclinaison ou non au viol dans les sociétés humaines, chez Antisexisme.
Source : http://hypathie.blogspot.fr/2013/01/les-femmes-avant-le-patriarcat.html

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