Qu’est ce que l’écoféminisme ? Part 2

Voir aussi :
Qu’est-ce que l’écoféminisme (part. 1)
Qu’est-ce que l’écoféminisme (part. 3)
L’écoféminisme : une pensée féministe de la nature et de la société[1]
Anne-Line Gandon
Résumé

L’écoféminisme, terme issu de la contraction des mots « écologie » et « féminisme », a été introduit par Françoise d’Eaubonne en 1972. Selon la thèse essentielle de l’écoféminisme, les femmes comme la nature sont victimes de la domination masculine. Ainsi, aucune révolution écologique ne saurait faire l’économie d’une révolution féministe qui, elle seule, peut apporter un remède au système de domination des hommes sur la nature et les femmes.
L’écoféminisme a ensuite été repris par des féministes anglo-saxonnes qui lui ont donné un relief politique et en ont fait un outil de revendication sociale.
Abstract
Ecofeminism as a melting of ecology and feminism, was first introduced by Françoise d’Eaubonne in 1972. According to the essential thesis of ecofeminism women and nature are both victims of the men domination. Then, any ecological revolution could not be achieved without a previous feminist revolution insofar as feminism is the only solution to the men domination on nature and women.
Ecofeminism was then improved by Anglo-saxon feminists who added to it a politic facet and let it become a tool of the social claim.
Je suis une maudite Sauvagesse.
Je suis très fière quand, aujourd’hui, je m’entends traiter de Sauvagesse.
Quand j’entends le Blanc prononcer ce mot, je comprends qu’il me redit sans cesse que je suis une vraie Indienne et que c’est moi la première à avoir vécu dans le bois…
Or toute chose qui vit dans le bois correspond à la vie meilleure.
Puisse le Blanc me toujours traiter de Sauvagesse.
An Antane Kapesh[2]
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C’est dans l’ouvrage de Françoise d’Eaubonne, Le féminisme (1972), que l’on trouve pour la première fois la contraction inédite de l’écologie et du féminisme dans le terme « écoféminisme ». Contraction aussi de deux pensées dont l’écrivaine se réclame, soit celles de Serge Moscovici (La société contre nature, 1972) et de Simone de Beauvoir (Le deuxième sexe, 1949) dont elle a été l’amie et après sa mort, la biographe (Une femme nommée Castor (1986)).L’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne soutient que la révolution féministe est nécessaire à la révolution écologique, puisque c’est la domination des hommes sur les femmes et la nature qui fait la crise environnementale qui se résume, selon elle, en deux fléaux, soit la surpopulation et l’agriculture intensive.
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Ainsi, l’écoféminisme prend le risque d’assimiler les femmes à la nature, mais pour mieux dénoncer la domination masculine. En effet, De Beauvoir (1949) n’a réussi à penser l’émancipation féminine qu’au regard d’une émancipation à l’égard de la nature. Or, ce modèle d’émancipation, sous couvert de neutralité, est masculin (Rodgers 1998 ; Gothlin 2001). Il faudra attendre Nicole-Claude Mathieu (1973) pour que cette neutralité soit démasquée.De nombreuses philosophes anglo-saxonnes, comme Mary Mellor, Carolyn Merchant, Val Plumwood, Ariel Salleh, Karren Warren, mais aussi l’Indienne Vandana Shiva[3], ont repris le terme « écoféminisme » pour mettre en lien la relation qu’il y a entre l’exploitation et la domination de la nature par les hommes ainsi que l’exploitation et l’oppression des femmes par les hommes. Ces analyses politiques et économiques vont se doubler d’une réinvention du spirituel ou d’une réinterprétation du religieux, ou des deux à la fois, où, là aussi, la suprématie de l’homme sur les femmes et la nature est de rigueur.En partant des racines françaises de l’écoféminisme, nous verrons comment les féministes anglo-saxonnes sont parvenues à faire de l’écoféminisme une pensée capable de relever les grands défis écologiques, économiques et éthiques contemporains.
La genèse de l’écoféminisme
Les sources
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Nous commencerons par l’exploration de la pensée princeps de l’écoféminisme que nous attribuons à D’Eaubonne, comme le font par ailleurs Mellor (1997) ainsi que Mies et Shiva (1993). D’Eaubonne (1974) tente de faire la synthèse de deux pensées, soit le féminisme de Simone de Beauvoir et l’écologisme politique de Moscovici (1972, 1977, 2002).
La pensée de Simone de Beauvoir
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D’Eaubonne reprend l’analyse de Simone de Beauvoir dans la mesure où la première reprend l’accusation que la seconde porte contre l’essentialisation des rôles sociaux accordés aux hommes et aux femmes, et la naturalisation du rapport de domination des hommes sur les femmes. Nous insistons bien sur cette remise en cause de l’essentialisme dans la mesure où elle est la principale critique formulée par certaines féministes à l’encontre de l’écoféminisme. Sturgeon (1997) fait une synthèse audacieuse de ce débat.
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De Beauvoir (1949) rend tout à fait incompatible la société et la nature, renvoyant très distinctement la première à la transcendance et à la liberté, et donc l’émancipation, et la seconde à l’immanence et à la contrainte (Rodgers 1998 ; Gothlin 2001). Pour De Beauvoir, la seule échappatoire possible pour les femmes est de s’émanciper de l’immanence dans laquelle la société patriarcale les a cantonnées. Immanence qui comprend pour elle l’enfantement et l’ensemble des tâches domestiques que les hommes ont « confiées » aux femmes, naturellement, dans la suite logique de leur rôle, naturel, de mère. De Beauvoir ne remet pas en question le caractère dit naturel de la maternité, confondant ainsi la capacité physique des femmes à mettre les enfants au monde et le fait d’être mère. Pour De Beauvoir, il ne peut donc y avoir de liberté que contre-nature, et ne pas avoir d’enfants pour une femme l’est.
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De plus, De Beauvoir croyait fortement à la nécessité pour les femmes d’être indépendantes économiquement. Elle les encourage donc à développer cette capacité à transcender leur état de nature, et ce, sur le modèle masculin, c’est-à-dire travailler à transformer la nature et en tirer une rémunération.L’émancipation des femmes selon De Beauvoir n’est possible que par le travail sur la nature afin qu’elles puissent la transcender et non plus la subir comme elles le font par l’entremise de l’enfantement, exigence instinctuelle de l’espèce. Elle ne se méfie pas de ces concepts (nature, immanence et transcendance) construits socialement et donc potentiellement androcentrés.
La pensée de Serge Moscovici
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Cette analyse de Simone de Beauvoir, D’Eaubonne va la mettre en perspective avec la déconstruction de la notion de nature proposée par Moscovici (1972, 1977). Ce dernier est reconnu par D’Eaubonne comme celui qui est à l’origine de la pensée écoféministe. Elle écrit que, pour Moscovici, l’égalité des sexes « répond à un besoin de justice et à un voeu de coeurs ; elle ne se fonde pas sur une théorie analytique, une démarche scientifique de l’esprit » (D’Eaubonne 1974 : 9). Cette filiation entre Moscovici et l’écoféminisme est aussi reconnue par Ferry (1992) et Dibie (2002).Moscovici soutient que la nature n’existe pas en elle-même, elle est une construction sociale. Elle n’existe ni en dehors de la société ni au-delà de l’action que l’être humain a sur elle : « il n’y a pas de rapport de l’homme à son milieu qui ne résulte de l’initiative humaine, non qu’il l’ait engendré, mais parce que l’homme s’est constitué ce qu’il est physiologiquement, psychiquement, socialement, en l’engendrant » (Moscovici 1972 : 12). Ainsi, l’être humain n’est pas en dehors de la nature, ni même le maître et le possesseur, il en est le produit, il est le « créateur et sujet de son état de nature » (Moscovici 1977 : 20) : il n’y a donc ni nature authentiquement naturelle ni société authentiquement culturelle. Moscovici dénonce l’abus que l’on fait de la nature dans la sphère sociale. Selon lui, la nature ne porte pas en soi les inégalités sociales, car c’est bien la société qui crée les inégalités (Moscovici 1972 : 37) :
Les rapports entre les hommes et les femmes, entre générations et entre sociétés, le contrat social, les pratiques cynégétiques, la guerre ou le mariage sont décrits comme des effets de la sélection naturelle, qui passe pour être le principe explicatif de tout ce qui arrive là où il y a des êtres vivants – le zoomorphisme remplace l’anthropocentrisme comme cadre de pensée.
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De plus, Moscovici mentionne que l’être humain est un produit de la nature, que les facultés intellectuelles et les transformations physiques que l’espèce humaine a connues sont issues des interactions entre la nature et le corps humain et qu’elles sont dues à celles-ci. Ainsi, Moscovici (1972 : 140) affirme que « l’art d’un homme devient toujours la nature d’un autre homme ». Toutefois, les hommes et les femmes ne jouissent pas de la même autodétermination. Si l’homme est bien son propre produit, la femme ne l’est pas (Denis 1974 : 1925) : « l’homme est son propre produit, mais pour s’autoproduire, il a fabriqué du produit autour, du paysage de fond, de la matière de base. Nous les femmes, nous sommes produites mais non auto-produites, nous sommes de la matière d’échange, de la provision et peut-être aussi de la limite. » Les femmes font partie de la nature dont les hommes se servent pour se produire en tant qu’êtres dits authentiquement culturels.
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Moscovici (1972, 1977) déconstruit la notion de nature et dénonce l’autodétermination que pensent avoir les hommes à l’égard de la nature. Il réhabilite la nature comme objet de réflexion sociale et comme sujet de constitution de la société.Pour résumer, Moscovici montre que la nature est en fait une notion, et seulement une notion, puisqu’elle n’existe pas. C’est une notion éminemment sociale et, de ce fait, elle est utilisée pour légitimer l’ordre social en le naturalisant. Le rapport de la société à la nature n’est pas homogène, si tous les êtres humains sont des produits de la nature, les femmes ne participent à cette production de la culture que comme objets de la volonté masculine.D’Eaubonne va donc réaliser la synthèse entre l’écologisme de Moscovici et le féminisme de Simone de Beauvoir. Les deux critiquent l’idée de nature, mais le premier pour en faire le principe vertueux et nécessaire à la société, la seconde pour en faire le principe à dépasser et à transcender.
La pensée de Françoise d’Eaubonne
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D’Eaubonne, qui a publié à maintes reprises au sujet de l’écoféminisme (1972, 1974, 1976, 1978), commence par dénoncer l’organisation sexiste de la société qui a conduit à la domination des hommes sur les femmes et au saccage de la nature. Selon elle, la matrice idéologique qui permet la domination des hommes sur les femmes est la même que celle qui permet la domination des hommes sur la nature (D’Eaubonne 1978 : 15) : « Le rapport de l’homme à la nature est plus que jamais, celui de l’homme à la femme. » La destruction de la nature n’est donc pas imputable à l’ensemble de l’humanité, mais aux hommes, qui ont construit une civilisation sexiste et scientiste et, plus largement, une société de domination.
L’écoféminisme est féministe
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D’Eaubonne reprend certes la réalité des rapports sociaux de sexes, mais elle ne parle pas tant des hommes et des femmes que des valeurs de destruction masculines et des valeurs de vie féminines. Elle veut faire muter cet ordre des valeurs afin que la société puisse enfin être apaisée et envisager son rapport à la nature de façon sereine.D’Eaubonne le formule comme suit en parlant des conséquences de la pollution (1972 : 353-354) :
Oui l’addition va être lourde, dans un monde sexiste où l’homme s’était réduit et identifié au Masculin destructeur pour laisser à la femme le Féminin conservateur, il avait cru investir dans la création des techniques ses forces d’agressivité et de destruction […] Les valeurs du féminin, si longtemps bafouées, puisque attribuées au sexe inférieur demeurent les dernières chances de survivance de l’homme lui-même. Mais il faudrait faire très vite ; encore plus que de révolution, nous avons besoin de mutation.
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Il nous semble important de souligner que réhabiliter la nature ne suppose pas que l’on naturalise les identités sexuées des hommes et des femmes. À ce titre, D’Eaubonne tire les leçons des analyses des anthropologues féministes comme Mead (1928, 1949) et Mathieu (1973) et précisément de cette critique de la naturalisation abusive des identités sexuées et des rapports sociaux de sexe.
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Mentionnons aussi que D’Eaubonne ne veut pas d’une révolution puisque, se fiant aux propos de Reimut Reich, aucune révolution n’a changé quoi que ce soit aux rapports sociaux de sexe (D’Eaubonne 1976 : 225). Or, pour ce qui est du féminisme et de l’écoféminisme, l’égalité des hommes et des femmes est une condition sine qua non à un changement radical de civilisation puisque c’est « [e]nsuite, et ensuite seulement [que] pourra être envisagée une société de démocratie directe, objectif toujours visé et toujours perdu par les révolutions qui ignorent la “ moitié du ciel ”… et la totalité de l’environnement » (D’Eaubonne 1978 : 15).D’Eaubonne ancre donc d’emblée les causes de la destruction de l’environnement dans les rapports sociaux asymétriques de sexe et dans ce que Héritier (1996) entendra sous le concept de valence différentielle des sexes. Selon D’Eaubonne (1974, 1976, 1978) les deux conséquences écologiques de l’emprise sociale des hommes sur les femmes et sur la nature sont la surproduction agricole et la sur-reproduction de l’espèce humaine. Ainsi, la mutation des rapports sociaux de sexe est une nécessité si l’espèce humaine veut survivre (D’Eaubonne 1972 : 11) : « c’est une urgence de souligner la condamnation à mort, par ce système à l’agonie conclusive, de toute la planète et de son espèce humaine, si le féminisme, en libérant la femme, ne libère l’humanité tout entière, à savoir, n’arrache le monde, à l’homme d’aujourd’hui, pour le transmettre à l’humanité de demain. » Selon D’Eaubonne, la grande défaite des femmes est la perte du contrôle qu’elles ont pu avoir dans les premiers temps des civilisations sédentaires sur leur corps et donc la procréation, et sur les sols qu’elles avaient la tâche de cultiver, l’un étant dans la continuité de l’autre. À la suite de la découverte par les hommes du lien entre rapports sexuels et procréation, ils se sont considérés comme la cause de toutes choses et donc comme les maîtres : maîtres de la fertilité des femmes et de la terre.D’Eaubonne s’attache aussi à replacer les rapports sociaux de sexe dans leur histoire afin de montrer qu’il y a eu des luttes entre les sexes ; luttes des sexes qui ont préexisté aux luttes des classes : les sociétés amazones gynocratiques et les civilisations celtes égalitaires contre les sociétés patriarcales romaines et grecques. D’Eaubonne (1999) dénonce aussi le sexocide des sorcières perpétré par l’Inquisition[4].
L’écoféminisme est un humanisme
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Si D’Eaubonne replace les relations entre les hommes et les femmes dans l’histoire des guerres de civilisation, entre civilisations « gynocratique » et « androcratique »[5], elle n’appelle pas à la lutte d’un sexe contre l’autre, mais au pacifisme et à la non-violence. L’écoféminisme est, pour elle, un nouvel humanisme (1974, 1976) qui doit porter une société assainie des luttes pour le pouvoir. Autrement dit, le féminisme ne doit pas plaider pour un particularisme au féminin, mais pour un universalisme dont chacun des sexes pourra être porteur.D’Eaubonne rend le passage par le féminisme et par la prise de conscience féministe nécessaire à la survie de l’espèce humaine parce qu’elle : « ne se contente plus de recouper mais s’identifie à la Question Numéro 1, au Problème Originel ; la base même du besoin indispensable de changer le monde, même pour l’améliorer, mais pour qu’il puisse y avoir encore un monde » (D’Eaubonne 1974 : 249). Cette prise de conscience particulière à chaque femme l’amène à ne pas lui rester propre, mais à la faire devenir porteuse de l’universel.
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Les mouvements des femmes ont comme objectif essentiel, selon D’Eaubonne (1974), la disparition du salariat, des hiérarchies compétitives et de la famille. Il faut donc refonder la société sur des bases neuves, et cela commence par le renversement des systèmes productifs et reproductifs gérés par les « Mâles ».D’Eaubonne évoque les premières civilisations qui faisaient la part belle aux femmes, matriarcales voire gynocratiques. Elle évoque à plusieurs reprises les peuples d’amazones que l’Histoire, écrite par des hommes, a transformé en mythes. Cependant, D’Eaubonne n’éprouve pas de nostalgie pour ces sociétés d’amazones. Leur existence lui permet de montrer que les femmes ont résisté à la domination masculine, qu’il y a eu effectivement lutte entre les sexes et que les rapports de sexe sont bien ancrés historiquement.
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Cela permet aussi à D’Eaubonne d’imaginer un monde où les femmes auraient gagné sur les hommes. Selon elle, si cela avait été le cas, la destruction de la nature à laquelle nous assistons maintenant n’aurait pas lieu, mais cette civilisation gynocratique aurait été tout aussi imparfaite que celle d’aujourd’hui, parce qu’elle aussi aurait été sexiste (D’Eaubonne 1976 : 17) :
L’échec de l’espèce humaine à gérer et à épanouir avec équité, dans la paix et la justice, son patrimoine terrestre, correspond sans doute aucun à la tournure phallocratique prise par l’Histoire, avec son aboutissement de surexploitation et de profit, l’idéologie de sa société de classes née après la fin des civilisations féminines ; mais une évolution gynocratique n’avait pas été souhaitable. Nous croyons fermement que seule la co-gestion égalitaire des deux sexes peut répondre aux désirs, capacités et potentialités de l’espèce humaine tout entière.
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D’Eaubonne n’appelle donc pas de ses voeux une société matriarcale ou gynocratique, ou les deux à la fois, ni même une revanche (1976 : 221) :
Il n’est pas question de répéter l’histoire : nous l’avons dit, la gynocratie a fait son temps, tout comme le communisme primitif […] Le seul objectif est de détruire jusqu’à la notion de pouvoir : alors, et alors seulement, le prolétariat pourra se nier en tant que prolétariat, et les femmes s’assumer en tant qu’universalité : la race humaine.
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Ainsi, D’Eaubonne encourage les femmes à partir de leur expérience subjective et radicale de la féminitude, puis à devenir porteuse de l’universalité. Celle-ci aura dépassé les conflits entre les sexes tout en admettant la nature comme constitutive de la réalité sociale et politique.
L’écoféminisme repose la question du corps
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Comme nous l’avons déjà évoqué avec De Beauvoir et la question de la maternité, le corps a été une notion quasiment taboue pour les féministes. Comme le mentionne Field (2000 : 39), le corps a tellement été mêlé à l’essentialisme qu’il y a une réelle phobie autour de ce sujet : « Feminists long ago identified the association of “ woman ” and “ the body ” as contributing to women’s exclusion from the cultural sphere (insofar as culture is associated with mind-rather than the body-) related activities »[6].L’écoféminisme prend le risque d’avancer que le corps, qu’il soit celui d’une femme ou d’un homme, n’est pas aliénant en lui-même. Ce sont bien les usages sociaux qui lui sont dictés qui en font une cage. Pour ce qui est de la capacité d’enfantement propre aux femmes, elle devient un piège à cause du « lapinisme » masculin (D’Eaubonne 1974). Cependant, cette question du corps et de l’enfantement est absolument cruciale pour l’écoféminisme et, à ce titre, elle va cristalliser les débats qui vont avoir lieu entre les différents courants écoféministes.
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Et c’est justement sur ce point que D’Eaubonne prend un point de vue légèrement différent de celui de Simone de Beauvoir. Comme nous l’avons souligné précédemment, De Beauvoir encourage les femmes à transcender le corps, notamment sur cette question de la maternité[7]. En effet, pour elle, la maternité est une aliénation du sujet et une subordination à l’espèce humaine. De Beauvoir rejette la nature en dehors de la sphère sociale, conformément à la pensée dichotomique masculine. La seule issue pour les femmes est donc de se libérer de l’emprise de la nature, pour devenir à leur tour des hommes. Elle ne remet donc pas en cause la dichotomie arbitraire entre nature et culture, entre immanence et transcendance, qui est l’oeuvre de l’idéologie et de la philosophie masculine. À la décharge de Simone de Beauvoir, nous tenons à préciser que les écrits mettant en cause cette dichotomie ne sont venus que postérieurement au Deuxième sexe (1949). Nous pensons principalement à Mathieu (1973) avec « Homme-culture et femme-nature ? », mais aussi à Tabet (1985) qui montre que la reproduction n’est jamais laissée au hasard de la nature. Elle est de toute façon conditionnée par la société, et donc par les hommes qui ont le pouvoir de décider, et ce, que le taux de fertilité soit faible ou élevé.
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La maternité n’est donc pas une fonction naturelle aux femmes, mais une fonction sociale. D’Eaubonne ne s’y trompe pas, réhabiliter la nature comme constitutive de la société sans entamer une critique radicale de la dichotomie culture/nature serait suicidaire pour les femmes. Il s’agit donc bien, pour elle, de reprendre la critique de la notion de nature de Moscovici qui en fait une notion essentiellement sociale, tout en conservant bien sûr l’héritage féministe de Simone de Beauvoir. Parce que, et nous ne voulons pas qu’il y ait une quelconque ambiguïté à ce sujet, l’écoféminisme ne consiste pas à dire que les femmes sont plus proches de la nature que les hommes. Mellor le mentionne en préface de son livre (1997 : VII) : « In arguing for the radical potential of a link between feminism and ecology I do not claim that women are somehow essentially closer to “ nature ”, but rather that it is not possible to understand the ecologically destructive consequences of dominant trends in human development without understanding their gendered nature[8]. » Il s’agit pour les écoféministes de trouver une autre dialectique entre le corps et l’esprit et donc de revenir sur l’histoire déjà très ancienne de la métaphysique occidentale.Cette différence de positionnement autour de la maternité et de la procréation est cruciale. Elle cristallise les positions des différents mouvements écoféministes, mais aussi écologistes et féministes, comme on peut le voir maintenant sur les méthodes de procréation assistées. Pour ce qui est du positionnement de Françoise d’Eaubonne et de Simone de Beauvoir, au final elles veulent toutes les deux la même chose : que les femmes prennent le pouvoir sur leur corps et qu’elles soient libres de décider de faire des enfants ou non. La différence entre les deux auteures est que De Beauvoir attribue à la nature ce que D’Eaubonne attribue au système social de domination des hommes sur les femmes.
L’écoféminisme aujourd’hui
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D’Eaubonne a beau avoir été une écrivaine française, la notion d’écoféminisme va, à notre connaissance, avoir un succès plus que limité en France. Ce sont plutôt les féministes anglo-saxonnes qui vont faire vivre ce courant de pensée. On peut supposer que l’influence de Simone de Beauvoir chez les féministes françaises a été telle qu’il a été impossible pour D’Eaubonne de revenir sur la dichotomie nature/culture, à l’heure où Françoise Sagan incarnait la femme libre au volant d’une voiture roulant à vive allure…Nous essaierons donc, dans un second temps, de mettre en évidence les différents positionnements que l’écoféminisme a engendrés. Cependant, nous n’avons aucunement la prétention de faire ici une revue exhaustive du sujet. Nous reprendrons plutôt les deux courants que Mellor (1997) a fait ressortir, soit un courant qui ancre l’écoféminisme dans le mouvement de libération économique et politique des femmes et un courant spirituel (mythique et poétique).
L’écoféminisme économique et politique
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Parmi les écoféministes les plus connues de ce mouvement, il y a, entre autres, Mies et Shiva (1993), Mellor (1992, 1997), Warren (1994), Plant (1989) et Salleh (1996)[9]. Cet écoféminisme est caractérisé comme ceci par Mellor (1997 : 178) : « In bringing together ecology and feminism, ecofeminists see women and nature as subjects to the destructive socio-economic and technological systems of modern male-dominated society[10] ». Il s’agit donc de libérer les femmes, assimilées et ajoutées à la nature, de l’emprise socioéconomique et technologique des hommes. En France, c’est la parution traduite en 1998 d’Écoféminisme de Mies et Shiva qui va réactualiser ce courant de pensée.Salleh (1996) pose l’armature de cet écoféminisme : selon elle, l’écoféminisme permet de dire que les femmes et l’environnement subissent les mêmes forces d’oppression et d’exploitation devant le capitalisme financier et la mondialisation. Comme la nature, les femmes sont des externalités économiques, c’est-à-dire que le système économique les exploite, mais sans rétribution. La main-d’oeuvre féminine n’est pas payée ou est sous-payée, et le travail de femme au foyer qui rend chacune responsable de l’éducation des enfants ne l’est pas non plus. Le travail des femmes est invisible. Pour ce qui est de la nature, elle fournit toute la matière première nécessaire à l’activité de l’être humain sans qu’il n’ait jamais eu à en payer le coût écologique. Les femmes et la nature sont donc absolument nécessaires au bon fonctionnement de l’activité économique, mais sans être reconnues comme des actrices économiques à part entière. Elles sont d’autant plus nécessaires et inévitablement exploitées quand l’économie est du type capitaliste puisqu’il s’agit alors de tirer des marges bénéficiaires toujours plus grandes. Rappelons que les femmes ne reçoivent que 5 % de la totalité des salaires versés et qu’elles ne sont propriétaires que de 1 % des propriétés mondiales, alors qu’elles représentent les deux tiers (66 %) de la force de travail.
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Salleh (1996) établit les présupposés de l’armature du capitalisme comme suit : l’histoire est différente de la nature ; l’homme est un objet historique et la femme est un objet passif ; l’homme produit et la femme reproduit. À ces présupposés, elle oppose ceux de l’écoféminisme : la nature et l’histoire sont des unités matérielles ; la nature, les femmes et les hommes sont des sujets actifs et passifs ; le métabolisme femme-nature détient la clé du progrès historique ; et les travaux de reproduction orientés par leur soin sont des modèles de durabilité. En ce qui concerne le métabolisme femme/nature, Salleh écrit (1996 : 126) qu’il « s’agit d’admettre une différence sexuelle complexe socialement élaborée, qui privilégie provisoirement les femmes comme agents historiques par excellence ».Ainsi, l’écoféminisme anglo-saxon est dans la continuité de celui de Françoise d’Eaubonne tout en prenant corps dans une analyse des relations économiques et sociales. Dans les classes sociales externes au système économique, Salleh (1996) ajoute les personnes qui habitent les pays du Sud et celles qui émigrent de ces pays pour aller habiter les pays du Nord.
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Salleh (2001) complète son analyse par un questionnement sur le lien entre écoféminisme et marxisme. En effet, Marx définit la nature notamment comme « [a] man’s inorganic body »[11] (Salleh 2001 : 443) et privilégie un usage anthropocentrique de la nature puisqu’il s’agit d’utiliser la nature de façon industrielle et comme un tout inorganique. En cela, la vision écoféministe de la nature se rapproche de celle qui est dite « écocentrée » et qui conçoit la nature comme un tout organique. Cette vision anthropocentrique sacre l’homme blanc comme sujet absolu de l’Histoire et de la nature, et renvoie à la nature les Femmes, la Nature, les Noirs, les Animaux, etc., qui ne sont qu’un ensemble de ressources (matière première et force de travail).
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Comment réconcilier le marxisme qui a tout de même permis aux femmes de se penser comme une classe et l’écoféminisme qui veut réhabiliter la nature dans l’Histoire ? Salleh (2001) suggère qu’il faut penser le rapport de l’homme blanc à la nature qui a été laissé de côté par Marx.Mies et Shiva définissent l’écoféminisme comme suit (1993 : 27) :
Nous voyons comme des problèmes féministes la dévastation de la terre et de ses êtres par les guerriers d’entreprises et la menace d’annihilation nucléaire par les guerriers militaires. C’est la même mentalité masculiniste qui voudrait nous dénier notre droit sur notre propre corps et notre propre sexualité et qui dépend de multiples systèmes de domination et de pouvoir étatique pour arriver à ses fins.
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Ces auteures ancrent donc très clairement la question de la liberté des femmes et du respect de la nature dans les enjeux sexués de pouvoir. Il s’agit aussi de critiquer l’idéologie capitaliste qui nous fait croire que nous sommes toutes et tous des égaux devant la nature, que nous sommes toutes et tous libres de l’exploiter pour nous enrichir comme Robinson Crusoé sur son île, alors qu’il faut tenir compte des biais de sexe, de classe et de race (McMahon 1997).
L’écoféminisme spirituel
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L’écoféminisme spirituel consiste à repenser le sacré, que ce soit en critiquant les principales religions pratiquées de façon qu’elles opèrent une réhabilitation de la nature et des femmes ou en le réinventant en marge de ces grandes religions monothéistes. Comme Warren (1993) le mentionne, si l’écoféminisme est multiple, l’écoféminisme spirituel l’est tout autant.En effet, il y a un lien entre la religion et les pratiques que nous avons de la nature. Gilleo (1999) mentionne cet épisode de la Bible où Jésus calme la tempête qui se lève sur le lac de Galilée. Ce passage de la Bible fait des êtres humains des êtres extérieurs à la nature, qui non seulement ne la subissent pas, mais en plus la contrôlent. Contre une entité incarnée en un homme, Carol P. Christ imagine une déesse qui aurait (2006 : 289) : « the metaphoric power to transform the dualistic understandings of God and the World body and soul, rational and irrational, and male and female[12] ».L’écoféminisme spirituel veut revenir à des croyances qui n’instaurent pas un rapport de domination entre les hommes et les femmes, ainsi qu’entre les êtres humains et la nature. En effet, dans les religions monothéistes, le Dieu unique est un homme de sexe masculin et les femmes tiennent les rôles de pécheresse et de tentatrice, quand ce ne sont pas ceux de servante et de mère. Pour ces religions, il s’agit donc de les réinterpréter de manière qu’elles ne soient plus oppressives. Plaskow (1993) défend une critique féministe du judaïsme qui est aussi une vision politique de la société : repenser le religieux, c’est également avoir une vision politique. Elle récuse l’opposition entre le spirituel et le matériel, pour adopter une compréhension non dualiste du monde.
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Une certaine forme d’écoféminisme spirituel renoue avec des croyances du type polythéiste ou animiste. La religion ne doit pas célébrer « l’Homme/l’homme », mais la nature, celle-ci étant une divinité immanente et asexuée. Les hommes et les femmes peuvent intercéder directement auprès d’une telle divinité. Comme Mellor (1997) et Warren (1993) le soulignent, un certain écoféminisme spirituel peut véhiculer une forme de sexisme dans la mesure où il comporte une vision mystifiante de la Femme.Pour résumer, l’écoféminisme spirituel, qu’il s’inscrive dans un courant religieux existant ou qu’il invente une nouvelle forme de sacré, se donne pour défi d’aller au-delà d’une compréhension hiérarchisée et dualiste du monde.
L’écoféminisme dans les débats contemporains
L’écoféminisme et l’écologie
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L’écoféminisme s’est donc invité dans les débats sur l’écologie et la nature, débats soutenus majoritairement par des hommes, qu’il s’agisse des pionniers de l’écologie militante, tel Henry David Thoreau, ou de l’écologie scientifique, tel Ernest Haeckel. En ce qui concerne leur successeur, parmi les plus connus et médiatisés, il y a le penseur de la deep ecology, Arne Naess, celui de l’hypothèse Gaïa, James Lovelock, et celui qui est à l’origine de la pensée de la décroissance, Nicholas Georgescu-Roegen. En France, l’écologie a été soutenue par des hommes tels que René Dumont, Serge Moscovici, Brice Lalonde et, à l’heure actuelle, par Nicolas Hulot, figure hautement médiatique. Les mouvements associatifs écologiques comme Greenpeace ou les Amis de la Terre sont très majoritairement masculins, notamment les cadres permanents des structures (Teverson 1991).
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Une illustration flagrante de cette surreprésentation masculine concernant les affaires écologiques est le taux d’hommes qui ont participé aux débats du Grenelle de l’environnement en octobre 2007 en France : 85 % des personnes présentes étaient des hommes.Cela dit, le Parti vert français a été un des premiers à présenter une femme aux présidentielles (1995) et à avoir une secrétaire générale (1993), Dominique Voynet, et c’est encore le cas avec Cécile Duflot qui lui a succédé. Les Verts allemands et européens en général sont les partis où les femmes sont les mieux représentées (Mellor 1992). Élisabeth Laville (2002) mentionne le rôle des femmes qui ont d’abord agi en marge des systèmes économiques traditionnels, dans la mise en oeuvre du développement durable et la prise de conscience sociale des entreprises. L’écologie semble donc être une cause sociale, économique et politique qui intéresse particulièrement les femmes et, surtout, dans laquelle elles paraissent être les mieux admises. Le fait que les femmes sont particulièrement engagées dans le soutien et la promotion de l’écologie a même été avancé par Norgaard (2005) qui, dans une étude transnationale, montre qu’il y une corrélation entre le taux de représentation des femmes en politique et la sensibilité des États à l’écologie. Plus un pays a de femmes élues, plus il est favorable à une législation pour la sauvegarde de l’environnement.Cette prise de pouvoir de nombreuses femmes sur le discours politique, notamment lorsqu’il porte sur la nature, s’exprime surtout dans la critique de la notion d’anthropocentrisme, qui, pour les écoféministes, est une notion fausse (Plumwood 1997). En effet, elles accusent particulièrement les écologistes qui encouragent à penser la nature autrement que de façon anthropocentrée, c’est-à-dire de façon écocentrée ou biocentrée, de ne pas critiquer la notion d’anthropocentrisme qui est d’abord un androcentrisme. Ce sont bien les hommes qui ont pensé le rapport à la nature de manière à pouvoir la dominer et la maîtriser, et non les femmes.
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La critique de la pensée écologiste mettant en cause l’anthropocentrisme est une chose. Cependant, certaines écoféministes critiquent vertement aussi le mouvement de la deep ecology ayant à sa tête James Lovelock et Arne Naess. Tous deux prônent la décroissance, certes, en matière économique, mais aussi en matière démographique. Or, ni Lovelock ni Naess ne prend en considération les rapports sociaux de sexe qui sont la cause de l’hyperfécondité des femmes. En niant cela, la deep ecology risque d’être sexiste (Doubiago 1989) mais aussi raciste si elle ne tient pas compte des rapports sociaux de race (Mellor 1997).Bien entendu, les écoféministes sont pour l’accès à la contraception et à l’avortement et pour la mise en place de politiques de planification familiale dignes de ce nom. Cela dit, elles dénoncent la dérive androcentrique et totalitaire de ces penseurs de la décroissance démographique pour qui seul le résultat compte (Mies et Shiva 1993 ; Mellor 1997). Une baisse de la fécondité obtenue par la force et le chantage alimentaire dans les pays du Sud, comme en témoignent Mies et Shiva (1993), est tout sauf respectueuse du droit des femmes. Ainsi, l’écoféminisme essaie de réconcilier deux pôles souvent présentés comme opposés et incompatibles dans l’écologie « pure et dure[13] », l’un se préoccupant du bien-être des humains, l’autre du bien-être de la nature (plantes, minéraux et animaux). Elles montrent que l’un est indissociable de l’autre.
L’écoféminisme et la science
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La science ayant toujours été exercée par les hommes, elle est essentiellement sexiste ; de plus, n’étant reconnu comme scientifique que ce qui répond aux canons de la vérité occidentale, elle peut se faire l’ambassadrice d’une forme contemporaine de colonialisme (Jay-Gould 1983 ; Plumwood 1997). Nous ne reviendrons pas ici sur la longue histoire du hiatus entre la médecine et le corps des femmes qui a contribué à sa méconnaissance comme à son ignorance.
La science n’est pas neutre
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La science et la technique sont des outils de domination en soi, elles sont les héritières de la philosophie mécaniste des Lumières, qui fait des hommes les « maîtres et possesseurs de la nature » (Descartes 1637 : 116). La science occidentale est le summum du modèle de transcendance et d’objectivation de la nature (Shiva 1993). Or, pour l’écoféministe Mellor (1997 : 124), « knowledge of the natural world is a “ conversation ”, not a discovery[14] ».Comme le soulignent aussi Mies et Shiva (1993), la science occidentale est celle des hommes blancs qui maintient une dichotomie farouche entre savoir et ignorance. Tout comme le monde occidental défend un modèle économique qui suppose une concentration du capital, il y a une concentration du savoir dans le modèle scientifique occidental. Ainsi, les femmes qui ont toujours été exclues de la sphère du savoir, toujours considérées comme incapables de faire des sciences, n’ont plus qu’à subir et à suivre les caprices de cette science (Mies et Shiva 1993 ; Mellor 1992).
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Cela amène certaines écoféministes à proposer que les problèmes écologiques ne sont pas seulement l’affaire de la science, mais aussi celle du politique. Donner les pleins pouvoirs à la science et à la technique reviendrait à priver les citoyennes et les citoyens des débats qui doivent avoir lieu sur un nouvel ordre écologique : il faut donc envisager une nouvelle façon de produire du savoir, notamment par des forums hybrides (Callon, Lascoumes et Barthes 2001). Des sujets comme les organismes génétiquement modifiés (OGM) et l’énergie nucléaire doivent être des choix de société et non imposés par la science dans la mesure où ils engagent la population actuelle et les générations futures. Il faut éviter une monopolisation du pouvoir par les hommes dits de science sur la société (Sandilands 2000). Les écoféministes, pas plus que les écologistes et les féministes, ne sont opposées à la science et au « progrès ». Warren (1997), quant à elle, représente l’écoféminisme au croisement de trois préoccupations, dont l’une est la science qui comprend le développement et la technologie.Nous allons voir ci-dessous plus précisément ce qu’il en est de la science qui porte sur le corps des femmes et notamment les méthodes de procréation assistée (MAP).

L’écoféminisme est une éthique : le cas de la médicalisation de la natalité
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Mies et Shiva (1993) dénoncent l’ingérence des hommes de science, et donc des intérêts masculins, sur la santé des femmes, et ce, jusque dans leur intimité. Ces auteures accusent les scientifiques de supposer l’incapacité des femmes à prendre soin d’elles-mêmes et des enfants qu’elles mettent au monde. À leur avis, le monopole que les hommes ont sur le savoir médical entraîne une mainmise absolue de ces derniers sur le corps des femmes (Mies et Shiva 1993), d’où l’importance de renverser ce rapport de force et de faire en sorte que les femmes aient accès au savoir médical.
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Mies et Shiva (1993) dénoncent aussi la domination économique des hommes sur la production du vivant. Si, jusque-là, celle-ci était le dernier champ intouché par le capitalisme économique, cela s’est transformé dans la mesure où le capitalisme cherche de nouvelles ressources à exploiter pour obtenir des points de croissance. Les hommes, détenant le pouvoir économique et le savoir, utilisent donc le corps des femmes comme une simple matière première, que l’on peut acheter, échanger, objectiver.
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Testart (2007), qui a contribué à la réussite en 1981 du premier bébé-éprouvette, remet aussi en question cette ingérence des scientifiques dans l’intimité des couples et du corps des femmes. Il mentionne que certains couples lesbiens procèdent à des inséminations vaginales de façon artisanale, et ce, afin d’échapper à ce droit de regard des hommes sur les femmes, avec des statistiques de réussite supérieures à celles qui sont faites par les hommes en blouse blanche. Testart (2007) dénonce aussi l’« appariement vétérinaire » qu’impose le pouvoir médical.Pour Mies et Shiva (1993), l’émancipation des femmes est donc mise à mal par cette emprise de la science sur leur corps. Il ne s’agit pas pour autant de prôner un retour au couple hétérosexuel comme seule parentalité possible, de rejeter la contraception, etc., sous prétexte de copier et de laisser faire « la nature ». Elles dénoncent la mainmise du pouvoir des hommes sur le corps des femmes par l’intermédiaire de la médicalisation excessive, et qui est amenée à l’être de plus en plus puisqu’elle est prometteuse de croissance économique.
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Les femmes doivent prendre part à la recherche et aux débats qui ont trait à ce sujet. Mies et Shiva (1993) dénoncent en fait les excès masculinistes qui sévissent dans ce domaine, comme la stérilisation forcée des Indiennes, les essais contraceptifs qui sont faits sur ces femmes par les grands laboratoires occidentaux et, bien sûr, l’élimination des foetus de sexe féminin. Mies et Shiva (1993) sont donc dans la continuité de Françoise d’Eaubonne qui accusait la perte de pouvoir des femmes sur les naissances et l’enfantement. Ce pouvoir médical, autrefois majoritairement masculin, a été un moyen pour les hommes de garder un pouvoir et un droit de regard sur les femmes, de maîtriser ainsi leur émancipation. L’épistémologie des sciences médicales montre très bien comment, par exemple, la recherche et la commercialisation des contraceptifs ne s’adaptent pas aux demandes des femmes, mais aux exigences des industries pharmaceutiques et du marché financier qui sont dans les mains des hommes, comme Testart (2007, 2008) en témoigne, dans la lignée des analyses de la production de la science de Latour (1979, 1987). Ainsi, les femmes ne deviennent pas plus sujets de leur maternité quand celle-ci est technologique que lorsqu’elle était, prétendument, voulue par « la nature » (Tabet 1998).
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Tancred et Messing (1996) montrent bien, elles aussi, comment la technologie contribue à creuser les inégalités entre les hommes et les femmes. Cela rejoint la réflexion de Tabet (1998) sur le recours aux outils par les hommes pour créer puis conforter leur domination sur les femmes.Ce positionnement de Mies et Shiva (1993), partagé par Mellor (1997), s’oppose à celui de Firestone (1979). Selon cette dernière, l’inégalité des sexes est principalement due à l’enfantement qui est à la charge des femmes : une technologie reproductive efficace pourrait donc être la solution aux inégalités hommes/femmes. Autrement dit, Firestone (1979) pense que l’utérus artificiel est la solution pour rendre les hommes et les femmes égaux. Là où la nature a échoué, la technologie peut réussir.
L’écoféminisme et le développement durable
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Une nouvelle notion a fait son apparition au cours des 30 dernières années, soit le développement durable. D’abord marginale, elle est devenue une notion essentielle d’orientation des politiques publiques et des stratégies de développement des entreprises. Le développement durable étant au croisement de trois piliers, c’est-à-dire l’écologie, la société et l’économique, l’analyse des inégalités entre hommes et femmes comme point de départ d’une réflexion devant aboutir à un meilleur respect de l’environnement semble caractéristique d’une démarche de développement durable. Ce dernier, qui cherche à réduire l’impact environnemental des activités humaines tout en remettant en question l’organisation des sociétés et leur fonctionnement économique, semble être un terrain fertile pour l’écoféminisme. Braidotti et autres (1994) mentionnent l’écoféminisme comme une réponse possible à la crise environnementale.Comme Mekoua le précise (2006 : 67), « conjurer l’amputation que le patriarcat inflige au genre humain reste donc la finalité ultime du développement durable. Cependant qu’une transformation de la condition des femmes pourrait porter la dialectique du développement durable, des fortes résistances se dressent toujours face à cette perspective ». La mise en oeuvre du développement durable suppose que l’on tienne compte des rapports sociaux de sexe (Falquet 2002 : 29) : « Dans une perspective de genre, le développement durable implique des changements dans le rapport des hommes et des femmes à la propriété, au travail, à la culture et au développement personnel. » Autrement dit, les changements attendus par le développement durable impliquent très logiquement que l’on revoie le fonctionnement des sociétés et surtout les inégalités entre les hommes et les femmes. Le développement durable incite à plus de justice sociale, à une meilleure répartition actuelle des richesses de même qu’à une production et à un partage de ces richesses qui n’entament pas le bien-être des générations à venir, comme le mentionne le rapport Brundtland. Or, selon Falquet (2002 : 25), « [l’]’équité de genre est un impératif si l’on prétend réellement lutter contre la pauvreté » en raison des très fortes inégalités socioéconomiques qu’il y a entre les sexes. Dans cette approche écoféministe du développement durable, il s’agit d’inventer un mode de développement qui soit autre qu’occidental et patriarcal et un développement durable qui prenne en considération une analyse différenciée selon les sexes dans toutes les activités, peu importe le domaine, pour ne pas qu’il soit réduit aux préoccupations environnementales seulement. À l’heure où les préoccupations environnementales occupent une grande partie des scènes médiatiques et politiques, il convient que nous nous interrogions sur la façon dont l’écoféminisme peut trouver sa place. Celui-ci plaide pour une écologie qui échappe à deux écueils des mouvements écologistes : l’écoféminisme ne prône ni une utopie scientiste, qui conduit à l’artificialisation du vivant ainsi qu’à la mainmise des hommes sur la nature et le pouvoir politique, ni une utopie restauratrice, qui naturalise les relations sociales et sacralise la nature. L’écoféminisme peut être à la source d’une troisième voie qui sera réellement révolutionnaire et porteuse d’espoir pour les générations futures.
Note biographique
Anne-Line Gandon
Est doctorante à l’Institut de psychologie de Lyon 2, en France. Elle effectue ses recherches avec le Groupe de recherche en psychologie sociale (GREPS, EA 4163), sous la direction d’Annik Houel, et avec la communauté urbaine de Lyon. Ses recherches portent sur le lien entre l’écoféminisme et les stratégies de mise en oeuvre du développement durable.
Notes
[1]
Je remercie Annie-Claude Bernard pour ses relectures avisées.
[2]
Kapesh (1976 : préface).
[3]
Nous n’avons pas la prétention d’être exhaustive dans le présent article. Nous sommes d’autant plus modeste que la littérature écoféministe anglophone est tout à fait méconnue en France.
[4]
Notons que D’Eaubonne a fait « demande honorable » au pape Jean-Paul II en 1999 concernant cette facette soit ignorée, soit sous-estimée, de l’Inquisition. Le Vatican n’a jamais accédé à cette requête.
[5]
D’Eaubonne (1976) différencie la gynocratie et l’androcratie du matriarcat et du patriarcat. En effet, la gynocratie et l’androcratie sont des sociétés où le pouvoir est dans les mains des femmes ou des hommes. Le matriarcat et le patriarcat désignent des sociétés matrilinéaires ou patrilinéaires. Une civilisation peut donc être à la fois gynocratique et patriarcale, androcratique et matriarcale.
[6]
Notre traduction : « Les féministes ont depuis toujours identifié l’association de “ femme ” au “ corps ” à l’exclusion des femmes de la sphère culturelle (dans la mesure où la culture est associée à l’esprit plutôt qu’au corps) et des activités lui étant associées. »
[7]
Comme le souligne Mellor (1997), De Beauvoir a écrit sur la mort, soit celle de sa mère (Une mort très douce, 1964), puis celle de Jean-Paul Sartre (La cérémonie des adieux, 1981) et non sur la naissance.
[8]
Notre traduction : « En défendant la radicalité possible d’un lien entre féminisme et écologie, je n’avance pas que les femmes ont une manière d’être essentiellement plus proche de la “ nature ”, mais plutôt qu’il est impossible de comprendre les conséquences écologiquement destructrices de la tendance dominante du développement humain sans saisir leur nature « genrée ». »
[9]
Cette liste n’est pas exhaustive, pas plus que la bibliographie de chacune de ces auteures.
[10]
Notre traduction : « En réunissant l’écologie et le féminisme, l’écoféminisme voit les femmes et la nature comme sujets de la destruction des systèmes socio-économiques et technologiques d’une société moderne de mâles dominants. »
[11]
Notre traduction : « le corps inorganique d’un homme ».
[12]
Notre traduction : « le pouvoir métaphorique de transformer la compréhension dualiste de Dieu et du Monde, corps et âme, rationnel et irrationnel, et homme et femme ».
[13]
La revue Verts Europe d’avril 1990 rapporte un entretien avec Jean-Pierre Rafin, élu député européen vert en 1989. Il déclare ceci : « Ce n’est pas pour les femmes battues ou les homosexuels ou les combats de libération de certains peuples que je suis venu chez les Verts. C’est plus pour l’aspect protection de la nature, environnement, gestion des ressources naturelles qui m’a attiré. Je me sens très bien chez les Verts. »
[14]
Notre traduction : « La connaissance du monde naturel est un “dialogue”, pas une découverte. »
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Auteur : Anne-Line Gandon
Titre : L’écoféminisme : une pensée féministe de la nature et de la société
Revue : Recherches féministes, Volume 22, numéro 1, 2009, p. 5-25
URI : http://id.erudit.org/iderudit/037793ar
DOI : 10.7202/037793ar
Tous droits réservés © Recherches féministes, Université Laval, 2009
Source : https://www.erudit.org/revue/rf/2009/v22/n1/037793ar.html



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