(http://sites.arte.tv/real-humans/fr), publiée dans le Monde Libertaire de Janvier 2017.
Par Mélusine Vertelune
Human-like Robots
Mélusine Vertelune
Fifth Estate #398, Summer, 2017, Vol. 52 No. 1, page 36
Äkta Människor (Real Humans)
SVT 1 Sweden, 2012. Syndicated in 50 countries including U.S.
Par Mélusine Vertelune
Suite au visionnage des 20 épisodes composant
les deux saisons, me viennent surtout des questions. En fait c’est
terrifiant quand on sait qu’il y a des scientifiques qui essaient
réellement de créer des robots anthropomorphes (surtout au Japon) dotés
d’une forme d’intelligence artificielle telle qu’elle pourraient nous
amener d’ici quelques années - s’ils atteignent leur but - à douter de
la présence d’une vie psychique véritable à l’intérieur de ces machines.
Au-delà des objectifs affichés (recherche scientifiques à des fins
médicales principalement), je me demande pourquoi des gens ont envie
d’avoir des objets animés qui ressemblent à des humain.e.s et qui
interagissent avec leur environnement comme s’ils étaient vivants.
Surtout lorsque les robots sont fabriqués d’une façon qui imitent
fidèlement la morphologie humaine. Y a-t-il chez eux une jouissance à
envisager d’exploiter, maltraiter ou humilier, en toute impunité, des
robots probablement devenus vivants et ressemblant à des humain-e-s ?
Nous avons déjà de rudes combats à mener pour que de
nombreuSEs humainEs ne soient plus massivement considéréEs et traitéEs
comme des objets (esclavage de toutes sortes, tortures - dont le viol
sous toutes ses formes y compris tarifé, pornographie, pédocriminalité,
violences parentales dites "éducatives", féminicide, infanticide,
Gestation Pour Autrui, trafique d’organe, mariages forcés, grossesses
imposées, voilement, mutilations génitales, polygamie, etc...). Nous
devrions aussi nous libérer de ce que nous avons l’habitude d’appeler
"anthropocentrisme" mais qui serait plus juste de qualifier
d’androcentrisme.
L’androcentrisme est un dogme dont la fonction
politique est d’exclure les humainEs de leur propre espèce tout en
justifiant le fait de considérer et traiter les autres animaux comme des
objets. Nous aurions intérêt, pour chacun.e d’entre nous, pour les
autres animaux et pour la planète toute entière, à nous réconcilier avec
notre animalité, à prendre conscience que le conflit entre culture et
nature est une fiction mensongère inventée par le patriarcat pour nous
condamner à mener des vies de zombi.e.s soumisES et résignéEs pour les
unes, insensibles, égoïstes et violents pour les autres... Mais voilà
que des scientifiques nous bricolent ces étranges robots, version
inversée des Cybermen de Docteur Who. Des robots humanisés, des
humain.e.s robotisé.e.s... Tout ça me donne envie de revendiquer ma
joie d’être un organisme vivant doté d’une vie psychique qui, grâce à sa
chaire sensible et mortelle, est reliée à l’univers dans lequel elle
évolue. Oui, je suis heureuse d’être un animal - c’est à dire le
contraire exacte d’une chose.
(*) Avec le recul j’ajoute que, parmi les fictions
mensongères sous forme d’oppositions artificielles et mortifères
inventées par le patriarcat pour faire de nous des zombi-e-s il y a, en
plus du pseudo conflit entre "Nature" et "Culture", la pseudo
incompatibilité entre "Raison" et "Émotions" et la pseudo séparation
entre "Matière" et "Esprit". Ces 3 gros mensonges sont tous plus ou
moins enracinées dans l’idée fondamentalement créationniste selon
laquelle les humain-e-s ("L’Homme" comme disent les plus archaïques) ne
seraient pas vraiment des animaux. Le fait est que plus on adhère
(consciemment ou inconsciemment) a ces croyances mortifères, plus on se
retrouve amputé-e d’une part de soi-même pourtant primordiale. C’est
ainsi que beaucoup d’entre nous deviennent finalement des être
tristement morcelé-e-s, entravé-e-s par les injonctions de la culture
patriarcale et piégé-e-s dans leur propre soucis de correspondre à une
morale qui dénigre la "magie" de la chaire vivante, éprouvante et
indomptable. Pour être pleinement vivant-e-s, capables de suffisamment
de colère pour nous révolter, de suffisamment d’empathie pour nous
solidariser, de suffisamment d’imagination pour nous organiser, il est
temps de recoller les morceaux ! Ce qui implique le fait d’accepter que
certains dogmes trépassent pour que le rêve d’une Humanité sans
domination cesse enfin d’agoniser.
Traduite en anglais par Sandy pour le Fifth Estate Magazine
https://www.fifthestate.org/Human-like Robots
Mélusine Vertelune
Fifth Estate #398, Summer, 2017, Vol. 52 No. 1, page 36
Äkta Människor (Real Humans)
SVT 1 Sweden, 2012. Syndicated in 50 countries including U.S.
After watching twenty episodes from two seasons of
the Swedish TV series, "Real Humans," I am left with several questions.
It’s terrifying to know that there are scientists, particularly in
Japan, who are working on creating robots to be both intelligent and
human-like.
In a few years, if the scientists reach their goal,
it could become difficult to doubt the presence of a genuine mental life
inside these machines. But, beyond the stated objectives of medical
research, I wonder why anyone would want to have machines that resemble
humans and interact with their environment as if they were alive.
Above all, when robots are manufactured in a way that
accurately imitates human morphology, would those who procure them
anticipate pleasure in abusing or humiliating them, without having to
worry about risking punishment ? Would the robots deserve any
protection ?
We already have to fight many different struggles, so that human beings will no longer be considered and treated as objects.
We are still fighting against slavery of all kinds,
torture (including commercialized rape), pornography,
pedophilic-criminality, parental violence termed "educative,"
feminicide, infanticide, commercialized surrogate motherhood, organ
trafficking, forced marriages, imposed pregnancies, veiling, genital
mutilation, polygamy, etc.
It is vital that people break with what is called
anthropocentrism, but which would be more accurately described as
androcentrism (viewing living beings as machines). The political
function of this dogma is to separate the human species from other
animals while justifying considering those other animals to be objects.
People need to learn to be truly concerned about other human beings as well as about other animals and the entire planet.
It is important to become reconciled with our
animality, to realize that the conflict between culture and nature is a
false dichotomy invented by patriarchy, one that condemns some people to
lead zombie lives, submissive and resigned, while others are
insensitive, egotistical, and violent.
But these scientists, instead of trying to create a
living being as did Doctor Who [in the British sci-fi TV series], are
working on developing humanized robots, robotized humans to simulate
living beings.
All this makes me want to proclaim my joy of being a
living organism endowed with a mental life, which, thanks to its
sensitive and mortal body, is connected to the universe in which it
evolved.
Yes, I am happy to be an animal ?i.e., precisely the opposite of a thing.
Mélusine Vertelune is a member of the Collectif
Libertaire Anti-Sexiste, and co-author with Jeanne Cordelier of Ni
silence, ni pardon : L’inceste : un viol institué (Neither Silence Nor
Pardon : Incest is Institutionalized Rape).
This originally appeared in the January 2017 edition of le Monde Libertaire (Paris) "A propos de La série suédoise Real Humans."
http://monde-libertaire.fr
Translated from French by the Fifth Estate staff.
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