Lettre ouverte d’une athlète brésilienne au Comité International Olympique

par Ana Paula Henkel

"Est-il juste de prétendre à l’absence de différences biologiques indéniables, au nom d’un programme politique et idéologique qui aura pour effet de réduire un espace si durement gagné par les femmes au cours des siècles ?"

Ceci est une lettre ouverte aux dirigeants du Comité international olympique (CIO), qui est également adressée aux dirigeants du Comité olympique brésilien (COB), de la Fédération Internationale de Volleyball (FIVB) et de la Confédération brésilienne de volleyball (CBV), en vue de défendre la pratique des sports professionnels par les femmes.

Ana Paula Henkel, deux fois championne mondiale de volley-ball
Messieurs,
Tout d’abord, je voudrais remercier le COB et le CBV pour avoir eu l’opportunité de représenter mon pays à quatre Jeux Olympiques et à plusieurs championnats du monde volleyball intérieur et de plage. Ce furent des années de sacrifices énormes et de plaisir, témoignant quotidiennement des vaillants idéaux du baron de Coubertin, idéaux qui vivront toujours dans mon âme.
Pouvoir représenter son pays parmi les meilleur·e·s athlètes au monde est le plus grand honneur dont on puisse rêver dans sa carrière. Parmi les titres obtenus, la confiance placée en moi pour représenter le sport brésilien avec respect et dignité pendant 24 ans de ma vie, compte parmi les réalisations les plus importantes de ma carrière.
C’est avec respect mais avec une grande inquiétude que j’adresse cette missive, à toutes les autorités responsables du sport, concernant la menace actuelle d’une distorsion complète des épreuves féminines du fait d’intégrer à des épreuves féminines des athlètes qui sont nés hommes, qui ont développé une musculature, des os, et une capacité pulmonaire et cardiaque d’hommes, dans des modalités crées et formatées spécifiquement pour les femmes. Si quelqu’un doit prendre la parole publiquement et payer un prix pour faire valoir la vérité, le bon sens et les faits, je suis prête à supporter ces conséquences. Tout l’espace gagné avec intégrité par les femmes dans le sport est aujourd’hui en jeu.
Je suis fière d’être l’héritière des valeurs qui ont construit la civilisation occidentale, la plus libre, la plus prospère, la plus tolérante et plurielle de l’histoire de l’humanité. Cet héritage socioculturel unique nous a permis de conquérir notre espace dans la société, le marché et le sport. En célébrant nos différences, nous devenons encore plus unis, hommes et femmes, sur le terrain comme en-dehors. Et c’est seulement avec cet héritage que nous pouvons considérer chaque individu comme un être unique et spécial.
A une époque où l’activisme politique condense et résume la pensée à des messages idéologiques simplistes qui nient la réalité, il n’est pas difficile d’identifier le piège dans lequel les organismes sportifs sont tombés et qui risque de détruire l’ensemble du sport féminin. Nous connaissons le pouvoir du sport pour élever l’esprit humain au-dessus des guerres et des conflits, spécialement tous les quatre ans, quand nous sommes témoins, pendant trois semaines magiques, de ce que nous avons de meilleur et de plus noble. C’est cet héritage que nous devons défendre.
La vérité la plus évidente et la plus respectée pour l’ensemble des protagonistes du sport est la différence biologique entre les hommes et les femmes. Si elle n’existait pas, pourquoi aurait-il été nécessaire d’établir des catégories différenciées par le sexe ? Pourquoi mettre le filet de volleyball masculin à 2,43 m de hauteur et le filet féminin à 2,24 m ? Il suffit d’une analyse rapide avec un minimum de bon sens au sujet des traits physiques des joueurs et joueuses de basket-ball pour comprendre qu’ils et elles ne sont pas interchangeables.
La nageuse étasunienne Allison Schmitt a établi le record du monde de 200 mètres (style libre) en 1: 53.61, un exploit admirable, mais comparé à la performance de 1: 42.96 de Michael Phelps dans le même événement, cela ne fait que démontrer la différence physique entre hommes et femmes. Les équipes de soccer féminin ont l’habitude de s’entraîner (et de perdre) souvent contre des équipes masculines de moins de 17 ans. Les exemples sont infinis de comment il est absurde de mélanger les hommes et les femmes dans des compétitions où la force physique a une influence sur le résultat final.
Est-il juste de prétendre que ces différences biologiques indéniables n’existent pas, au nom d’un programme politique et idéologique qui servira à réduire un espace si durement gagné par les femmes au cours des siècles ? Comment accepter des hommes « biologiques » dans des compétitions de combat, où ceux-ci frapperont sans pitié des femmes, en gagnant en plus de l’argent, de la gloire et des médailles pour cela? Avons-nous perdu la carte au point de permettre un recul de cette envergure ?
Les médecins commencent déjà à se prononcer sur l’avantage évident des athlètes transsexuels dans le sport féminin et à contester la recommandation faite par le CIO de permettre aux athlètes trans de concurrencer les femmes ayant seulement une année de faibles niveaux de testostérone. De nombreux physiologistes ont déjà témoigné que ce paramètre fixé par le CIO n’inverse pas les effets de l’hormone mâle sur la construction déjà achevée des os, des tissus, des organes et des muscles durant des décennies. Des entraîneurs de volleyball au Brésil et en Italie signalent déjà que des agents sportifs offrent des places sur des équipes de volleyball féminin à des athlètes trans, des hommes biologiques qui prendront des places de femmes dans ces équipes. Combien de temps allons-nous regarder tout cela sans rien dire ? Je refuse ce silence.
Les sportifs en général, et les joueuses de volleyball en particulier, connaissent une surveillance et une restriction de leur liberté d’expression. Beaucoup n’expriment pas leur indignation face à l’absence totale de protection de la part des organismes sportifs, complices de ces absurdités. « C’est une très grande différence et nous nous sentons impuissantes », explique Juliana Fillipeli, une athlète de l’équipe de volleyball de Pinheiros, après avoir vu Tiffany Abreu, anciennement Rodrigo, battre son équipe et redevenir recordman aux points. Tiffany, qui a joué dans la Superligue masculine brésilienne sous le nom de Rodrigo, est maintenant le meilleur buteur de la Superligue féminine en seulement quelques matchs, dépassant la championne olympique Tandara, l’une des meilleures attaquantes du Brésil et au monde.
Durant mes 24 années dédiées au volley-ball, j’ai été soumise au contrôle antidopage le plus rigoureux de toutes les organisations sportives, y compris l’Agence mondiale antidopage (AMA). J’ai été testée dans et hors des compétitions pour prouver que mon corps n’a été construit à aucun moment de ma vie avec de la testostérone. De tous les tests, l’un des plus importants pour les femmes est précisément celui qui mesure le niveau de l’hormone masculine, interdite d’utilisation ou même d’être produite naturellement à toutes les étapes de la vie d’une athlète, au-delà du niveau permis.
Bref, depuis l’adolescence j’ai dû prouver, scientifiquement, que j’étais une femme pour pouvoir concourir et, ensuite, pour conserver mes acquis, titres et médailles. Combien de femmes n’ont pas perdu de titre ou ont été bannies du sport spécifiquement à cause de cette hormone qui demeure dans un corps masculin normal ? Il existait autrefois une relation de confiance mutuelle entre les athlètes, les entités et les fédérations pour assurer un sport propre, juste et honnête, sans raccourcis ni tromperie. Cette relation est aujourd’hui au bord d’être brisée.
Les échantillons recueillis il y a des années pour les tests antidopage de tou·te·s les athlètes, comme moi-même, sont encore conservés aujourd’hui : on peut à tout moment y avoir accès et les retester. Une nouvelle mesure qui établirait des niveaux de testostérone incompatibles avec un corps féminin peut supprimer rétroactivement des titres et des réalisations enregistrées des années ou des décennies plus tôt. Ce niveau de rigueur a été totalement abandonné pour faire place à des transsexuels qui, jusqu’à récemment, étaient des hommes, certains d’entre eux ayant concouru professionnellement en tant qu’hommes. Que révélerait un échantillon d’athlètes transsexuelles féminines prélevé il y a des années ? C’est tout simplement inacceptable.
La lutte contre les préjugés envers les personnes transsexuelles et homosexuels est une discussion juste et pertinente. L’inclusion des personnes transgenres dans la société doit être respectée, mais la présente décision hâtive et irréfléchie d’inclure des hommes biologiques, nés et construits avec la testostérone, avec la hauteur, la force et la capacité aérobie des hommes, dépasse les limites de la tolérance et réprime, embarrasse, humilie et exclut les femmes.
Nous voyons actuellement des entités sportives fermer les yeux sur la biologie humaine dans le but de tromper la science au nom de programmes politiques et idéologiques. Nous assistons à une immense moquerie à l’égard des femmes et à la complicité des responsables du sport dans le monde avec une forme extrême de misogynie. Une déclaration de bonnes intentions de la part des entités chargés de protéger la nature scrupuleuse et correcte du sport ne suffit pas à justifier une si énorme absurdité.
Le sport a toujours été un véhicule grandiose et respecté des réalisations des femmes, une arme qui a toujours souligné la valeur des femmes face à ceux qui ont essayé d’imposer des limites aux rêves de toutes celles qui ont lutté et se sont battues pour montrer notre valeur, notre talent, nos capacité de succès et de mérite. Dans une semaine où nous célébrons Martin Luther King Jr., que les dirigeants du sport mondial méditent l’une de ses plus célèbres phrases : « Nos vies commencent à prendre fin le jour où nous devenons silencieux à propos des choses qui comptent vraiment. »
Ana Paula Henkel
Ana Paula Henkel est une joueuse brésilienne de volley-ball professionnel, qui a participé à quatre Olympiades et a été deux fois reconnue comme championne du monde. Elle est aussi architecte et politologue, diplômée de l’université UCLA. On peut la suivre sur Facebook et Twitter à Ana Paula (vôlei).
Version anglaise de cette lettre traduite par Cátia Freitas: https://docs.google.com/document/d/17nH0FJLRtrFBye1T-VR0cUT_lTnh59YhgsoiA05oFa8/edit
Version portugaise originale : http://politica.estadao.com.br/blogs/ana-paula-henkel/carta-aberta-ao-comite-olimpico-internacional/

Traduction : TRADFEM

Sa lettre est actuellement diffusée par l’organisation http://FairPlayForWomen.com au moment où de plus en plus d’hommes s’accaparent des prix et des places qui appartenaient aux femmes:


Commentaires