par Meagan Tyler
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TRADUCTION : Claudine G. pour le Collectif Ressources Prostitution.
‘Le féminisme individualiste et néo libéral ne vous demande rien de vous n’offre rien en retour. » photo de Floriane Legendre
Le
féminisme est de nouveau à la mode. Alors que la pression pour
s’approprier ce mot en F (« the f-word) s’est intensifiée, les
personnalités publiques, les entreprises et les principaux médias ont
propulsé une version convenue du féminisme dans la conscience populaire.
Il s’agit d’un féminisme qui ne parle jamais de la libération des
femmes, mais préfère opter pour une célébration du « choix ».
Lisez
presque n’importe quel article en ligne sur le féminisme et vous verrez
bientôt les commentaires se transformer en un débat sur « le choix ». Il
importe peu quel est le sujet de départ, les gens reformulent
rapidement le problème comme une question d’autonomisation des femmes et
de leur droit de choisir. Ce procédé autorise une diversion pour éviter
de parler des structures de pouvoir plus larges et des normes sociales
qui limitent les femmes, de différentes façons, tout autour du monde.
Mars 2015 fut important pour ce féminisme axé sur la notion de « choix » (choice feminism). À la fin du mois, le magazine de mode Vogue a lancé en Inde la vidéo « Mon choix » dans le cadre de sa campagne « Vogue Empower », réduisant littéralement l’autonomisation des femmes à une série de choix.
La vidéo est devenue virale et, comme la journaliste Indienne Gunjeet Sra l’a fait remarquer,
l’hypocrisie de cette « industrie qui repose sur le fétichisme,
l’objectivation et le renforcement des normes sexistes de beauté pour
les femmes », faisant supposément la promotion du féminisme, est
largement passée inaperçue.
Cette
marque néo libérale de ce féminisme du « choix » a ensuite été suivie
d’une conclusion « logique » et absurde lorsqu’un candidat
libéral-démocrate aux élections britanniques a essayé de s’expliquer
sur un enregistrement embarrassant de lui dans un strip club de
« danseuses » par cette idée du « choix des femmes ». Apparemment, tout
cela faisait partie de sa « mission féministe » pour aider ces femmes « à être autonomes dans les choix judicieux qu’elles font, et non pas de juger les choix qu’elles font ».
Même Playboy a récemment décidé d’intervenir dans
les subtilités de la théorie féministe et s’est prononcé en faveur du
droit des femmes à être soumises au regard pornographique. Ce qui, bien
sûr, s’inscrit très bien dans leur propres intérêts commerciaux.
Ce sont des incidents comme ceux-ci, ainsi que des arguments éculés à savoir si Beyoncé est une féministe ou si les hommes politiciens devraient porter des T-shirts avec le slogan « voici à quoi ressemble un féministe » (This is What a Feminist Looks Like) qui ont inspiré une nouvelle collection d’écrits féministes : l’Illusion de la liberté : Les limites du féminisme libéral.
Dans
ce livre dont je suis la coéditrice, 20 d’entre nous élaborons ce propos
sur différents sujets qui font partie du paysage du féminisme « du
choix » : De la pornographie et la prostitution aux mutilations
génitales, des magazines pour femmes et du mariage à la violence
sexuelle, etc. Bien que partant de perspectives différentes, nous sommes
toutes critiques de l’idée selon laquelle ‘le choix’ devrait être
l’ultime arbitre de la liberté des femmes.
Beaucoup
d’entre nous affirmons que l’accroissement de ce pop-féminisme est en
fait plus insidieux que le laisse entendre l’amusement que l’on peut
avoir envers l’extrême ineptie du slogan absurde « Je choisis mon
choix » (I choose my choice).
Tout
d’abord, les arguments du ‘choix’ sont fondamentalement faussés car ils
supposent un état de liberté absolue pour les femmes qui n’existe tout
simplement pas. Oui, nous faisons des choix, mais ceux-ci sont façonnés
et contraints par l’inégalité des conditions dans lesquelles nous vivons
toutes. Il ne serait logique de célébrer sans critique le ‘choix’ que dans un monde post-patriarcal.
Deuxièmement,
l’idée que plus de choix équivaut automatiquement à plus de liberté,
est un mensonge. Il s’agit essentiellement de vendre le néolibéralisme
avec un zeste de féminisme. Oui, maintenant les femmes peuvent
par exemple travailler ou rester à la maison si elles ont des enfants,
mais ce ‘choix’ est assez restreint quand « élever les enfants »
continue à être considéré comme un ‘travail de femmes’, alors qu’il n’y a
pas suffisamment de soutien d’État pour la garde des enfants et quand
les femmes sans enfant sont décriées comme étant égoïstes.
Troisièmement, l’accent mis sur « le choix des femmes » comme étant le summum du féminisme a entraîné un climat pervers de condamnation des victimes et une distraction des vrais problèmes auxquels font toujours face les femmes. Si
vous n’êtes pas satisfaite de la façon dont vont les choses, il ne faut
pas accuser la misogynie et le sexisme, l’écart de rémunération, les
rôles figés de genre, le manque de représentation dans les conseils
d’administration et au parlement, ou une épidémie de violence contre les
femmes. Vous n’avez que vous à blâmez. Vous avez évidemment fait de
mauvais choix.
Comme le souligne la sociologue Natalie Jovanovski dans son chapitre de Freedom Fallacy, il n’est pas surprenant que ce genre de féminisme libéral ait pris autant d’importance. En privilégiant les choix individuels par-dessus tout, le statu quo n’a pas à être contesté.
Il n’exige pas d’importants changements sociaux, et il sape de manière efficace l’appel à l’action collective. Fondamentalement, il ne vous demande rien et ne vous offre rien en retour.
Au
lieu d’une résistance, nous voyons maintenant des activités qui étaient
autrefois considérées comme les archétypes de la subordination des
femmes être présentés comme des choix personnels libérateurs. Le harcèlement sexuel a été reformulé comme une plaisanterie inoffensive pouvant être apprécié par les femmes. Le mariage est reconstruit comme une manifestation pro-féministe.
La labioplastie est perçue comme une amélioration esthétique utile à l’estime de soi. La pornographie est rebaptisée ‘émancipation sexuelle’. L’objectivation est la nouvelle autonomie ( » empowerment »).
Au
lieu de proposer une vision pour un avenir plus juste et équitable, nous
restons au niveau des discussions introspectives et inutiles, à savoir
si les femmes sont individuellement de bonnes ou de ‘mauvaises’
féministes. Ou dans ce que la journaliste Sarah Ditum a appelé le jeu du
« pouvez-vous être féministe et … » (can you be a feminist and …).
Comme si la véritable question de l’évolution de la situation des
femmes était de savoir si oui ou non nous pouvons correspondre à un
idéal imaginaire du féminisme.
L’individualisation
de ce « féminisme » du « choix » est si répandue que lorsque des femmes
critiquent certaines industries, institutions ou constructions
sociales, elles sont souvent accusées d’attaquer les femmes qui y
participent. L’importance d’une analyse structurelle a été presque
complètement perdue dans cette compréhension populaire du féminisme.
À
titre de comparaison, il semble tout à fait ridicule de penser qu’en
faisant une critique du capitalisme, un marxiste attaque les salariés.
Il serait de même très étrange de penser que ceux qui critiquent Big
Pharma détestent les gens qui travaillent dans les entreprises
pharmaceutiques. Ou que ceux qui remettent en question notre dépendance à
l’égard de la restauration rapide ont quelque chose contre les jeunes
qui travaillent derrière les comptoirs des McDonald’s.
Finalement, la promotion du ‘choix’ et le mythe d’une égalité déjà atteinte ont entravé notre capacité de contester les institutions mêmes qui maintiennent les femmes en arrière. Mais, le combat n’est pas terminé.
De
nombreuses femmes réaffirment que le féminisme est un mouvement social
nécessaire à l’égalité et à la libération de toutes les femmes, pas
seulement une question de « choix « pour certaines.
L’Illusion de la liberté : Les limites du féminisme néo libéral a été lancé en Australie en mars 2015. Il est également disponible disponible à l’échelle internationale.
*Dr Meagan Tyler PHD, est enseignante-chercheuse à l’Université RMIT
de Melbourne, Australie. C’est une spécialiste reconnue
internationalement dans le champ des études du genre et de la sexualité.
Elle est l’autrice de Selling Sex Short: The pornographic and sexological construction of women’s sexuality in the West (non traduit) et a codirigé l’ouvrage Freedom Fallacy: The Limits of Liberal Feminism (non traduit). Suivez-la sur Twitter : https://twitter.com/DrMeaganTyler
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TRADUCTION : Claudine G. pour le Collectif Ressources Prostitution.
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