Le féminisme libéral nous éclaire : la véritable autonomie des femmes passe par les sacs à main et les plateaux d’huîtres
Le féminisme serait-il plus efficace si nous apprenions à mieux rentabiliser nos vagins ?
Par Meghan Murphy, sur Feminist Current
Johanne H cigTraduit par Joanne Heppell et TRADFEM
Le reportage d’une autrice du webmagazine Jezebel sur
le congrès Sugar Baby Summit a appris à Meghan Murphy qu’elle n’avait
encore rien compris aux relations amoureuses et à la libération des
femmes.
Pendant la majeure partie de ma vie adulte, j’ai
choisi les hommes avec qui je sortais en fonction de mon envie de baiser
ou non avec eux. Je n’avais pas encore compris à quel point je me
trompais et ce qu’est réellement le féminisme. Heureusement que Jezebel
est venu me montrer la voie. Ce que j’aurais dû faire, c’est sortir avec
de vieux bonhommes qui auraient pu me payer pour que je fasse semblant
de les trouver bien. Après tout, qu’y a-t-il de plus gratifiant pour son
autonomie que d’avoir des relations sexuelles avec quelqu’un que vous
trouvez repoussant, et qui souhaite se faire voir avec vous pour le
sentiment de puissance que ça lui confère ?
Au fond, avez-vous déjà essayé de coucher avec un
homme dont vous ne vouliez pas le pénis en vous ? Je l’ai fait. Et
vraiment, les filles, c’est formidable. N’avez-vous donc pas entendu
depuis un an toutes ces histoires plus sexy les unes que les autres sur
les actrices qui ont eu des rapports sexuels merveilleux et
autonomisants avec de vieux mecs tarés (mais ô combien riches et
puissants !), simplement parce qu’elles n’auraient pas pu gagner leur
vie si elles avaient refusé leurs avances ou si elles les avaient
dénoncés ? On pourrait penser que les féministes allumées dans mon genre
auraient fini par en prendre de la graine.
Je suppose que mon problème, c’est mon piètre sens
des affaires quand il s’agit de mon vagin. Et soyons honnêtes,
transformer nos vagins en plans d’affaires, voilà ce qui importe pour le
féminisme. N’oublions pas cet appel classique à la mobilisation
féministe : « Aucune femme n’est libre tant qu’un homme assez vieux pour
être son grand-père n’a pas payé ce qu’elle vaut pour la baiser et la
plier à sa volonté. »
Heureusement, Aimée Lutkin, une pigiste de Jezebel,
est prête à nous expliquer comment rentabiliser nos vagins au moyen de
baises piteuses avec des types dégoûtants !
Vendredi dernier, Lutkin a assisté au Sugar Baby
Summit, un congrès organisé à New York par la firme Seeking Arrangement,
fondée par Brandon Wade, un millionnaire féministe radical, intéressé à
libérer des femmes qui, autrement, auraient pu baiser des hommes qui
les attirent réellement.
Lutkin explique que « le sugaring [à savoir prendre
sous son aile une personne plus jeune comme partenaire] est surtout le
fait d’hommes riches… qui veulent de la compagnie et sont prêts à payer
pour en obtenir ». En d’autres termes, des hommes qui valorisent les
femmes en tant qu’êtres humains à part entière et qui ont tout à fait à
cœur leurs intérêts et leurs désirs.
Lutkin explique que le congrès a tenu des panels sur
des thèmes comme « Sugar For Entrepreneurs » (démarrer son entreprise
avec un papa-gâteau) et « Cultivating Confidence and Understanding
Sexuality In The #MeToo Era » (acquérir de la confiance en soi et
comprendre la sexualité à l’ère de #MeToo). Je suppose qu’on y
expliquait comment le fait d’avoir des rapports sexuels avec des femmes
que vous dégoûtez, mais qui font semblant d’aimer ça parce qu’elles ont
besoin d’argent, renforce la confiance masculine, et aussi comment le
fait de payer une femme pour la violer peut contribuer à combattre le
viol. Lutkin a aussi parlé à beaucoup de sugar babies (les
« filles-bonbons » de ces papas-gâteaux), qui lui ont précisé qu’il ne
s’agissait pas de prostitution, mais simplement d’un « autre style de
fréquentations » où les hommes contraignent financièrement des jeunes
femmes à coucher avec eux, parce que l’idée d’être avec une femme qu’ils
devraient traiter en égale et qui pourrait exiger qu’ils se comportent
correctement n’est vraiment pas du tout sexy.
Une dénommée Shannon Roy-Wyatt a confié à Lutkin que
« les gens ont peur de ce qu’ils jugent non traditionnel », ce qui est
manifestement vrai, parce qu’il est clair que tous ces papas-gâteaux
sont des hommes modernes qui ne voient pas du tout les femmes comme du
bétail.
La journaliste souligne que beaucoup de sorties
classiques sont décevantes et que la plupart des hommes sont au mieux
insignifiants, ce qui n’est pas faux. Elle dit aussi que les hommes
croisés sur les sites de rencontres lui envoient constamment des
messages pour lui demander ce qu’elle appelle du « travail sexuel
gratuit ». Elle écrit : « Ils ne veulent pas payer pour les services
d’une professionnelle, mais ne veulent pas non plus investir le temps et
l’énergie qu’exigent des fréquentations régulières avant de pouvoir
réclamer des faveurs sexuelles ». Je ne peux pas juger de ses dires à ce
sujet, puisque l’idée de rencontrer des hommes via ces sites m’a
toujours semblé un cauchemar déprimant, et parce que je préfère sortir
avec des hommes que je connais déjà plutôt qu’avec des inconnus trouvés
au hasard sur Internet. Mais je peux très certainement croire que les
habitués des sites de rencontres agissent régulièrement comme des
abrutis pervers. Je pense que ce qui me trouble le plus, c’est cette
notion selon laquelle les hommes deviennent tout à coup désirables ou
moins vulgaires quand ils vous paient ?
Lutkin dit qu’au moins les papas-gâteaux
« reconnaissent que ce qu’ils demandent a de la valeur », que « le temps
des femmes vaut quelque chose » et que « bien paraître nous coûte
cher ». Je pense qu’une partie de mon incompréhension vient du fait qu’à
mes yeux, avoir « de la valeur » ne signifie pas nécessairement « être
payée » ou « consommée ». Pour ma part, je pense que je suis un être
humain valable même quand un homme ne m’achète pas un sac à main ou ne
me paie pas pour que je fasse semblant de vouloir baiser avec lui. C’est
peut-être mon manque d’estime de soi, mais j’ai tendance à vouloir
fréquenter des gens qui me plaisent réellement. Je suppose que j’ai
toujours pensé que le féminisme a pour but de faire en sorte que les
femmes soient traitées avec respect par les hommes, même quand ces
hommes ne les baisent pas, et de combattre cette idée qui veut que les
femmes n’existent que pour permettre aux hommes de se sentir mieux dans
leur peau. Sinon, nous pourrions tout simplement renoncer à être
respectées un jour en tant qu’êtres humains à part entière et au moins
essayer de profiter de la misogynie ? Parce que l’on sait bien que
tenter de tirer profit des systèmes d’exploitation qui renforcent la
violence et l’oppression a toujours bénéficié par le passé aux personnes
marginalisées…
Bien que les partisans du sugar dating (rencontres
organisées entre jeunes femmes et vieux messieurs) prétendent souvent
que le sexe n’est pas au cœur de l’affaire, Lutkin a constaté que
c’était faux. Il s’avère que les papas-gâteaux sont même « agacés par
toutes ces femmes qui cherchent des ententes platoniques » sur Seeking
Arrangement et que, « comme l’on pouvait s’y attendre, se limiter à
n’être que la compagne sexy d’un homme lors d’événements prestigieux est
à toutes fins utiles une illusion ».
Au bout du compte, Lutkin affirme qu’elle « respecte
les filles-bonbons qui savent comment prêter leur quête amoureuse à un
objectif accessoire, que ce soit payer leurs frais de scolarité, partir
en voyage, s’acheter un sac à main luxueux, démarrer une entreprise ou
trouver quelqu’un qui a les moyens de leur offrir plus que de partager
la facture dans un bar miteux ». J’aime bien les bars un peu ringards,
mais les sacs à main me laissent plutôt de glace, alors ceci explique
cela. Par contre, je raffole des fruits de mer, et une fille-bonbon a
raconté à Lutkin qu’elle n’avait jamais goûté d’huîtres avant qu’un
papa-gâteau ne l’y initie, et depuis lors, elle est devenue une fana de
ces mollusques. Que voilà une belle histoire : les huîtres sont
assurément une excellente valeur d’échange pour notre âme !
Version originale sur Feminist Current : http://www.feministcurrent.com/2018/04/19/liberal-feminism-reveals-truth-real-empowerment-comes-form-oysters-handbags/Johanne H cigTraduit par Joanne Heppell et TRADFEM
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