Revenons sur le féminicide conjugal de Audrey Vella, assassinée par son ex-conjoint en 2007.
Reconstitution des faits d’après tempsreel.nouvelobs.com et prdchroniques.blog.lemonde.fr de mai 2014 :
A la gendarmerie où il a compris qu’Audrey se trouvait, il continue :
« Commence à trouver un tuteur à ta fille. »
Audrey Vella, victime de violences conjugales,
n’aurait jamais dû mourir. Elle a été assassinée de 30 coups de couteau.
Harcelée pendant des mois par son ex compagnon, Audrey Vella avait
alerté plusieurs fois la gendarmerie de Nanteuil des menaces répétées
qui pesaient sur elle. Elle avait osé briser la loi du silence et porter
plainte. Pas une mais trois fois. En vain. Elle est morte.
Voilà pourquoi l’affaire Sauvage est emblématique de
la situation des féminicides conjugaux du fait de laisser des années les
femmes battues sans protection.
Si l’entourage et les gendarmes ne réagissent pas, on
peut toujours poursuivre pour « non assistance à personne en danger »..
A condition que la plainte aboutisse.
En janvier 2006, Audrey Vella se rend une première
fois à la gendarmerie pour signaler qu’elle est régulièrement frappée et
menacée par son ancien compagnon. Quelques mois plus tard, le 22
octobre, elle dépose plainte pour de nouvelles menaces.
Le 16 novembre, elle revient à la gendarmerie, en
compagnie de sa sœur. Deuxième plainte. Les deux femmes racontent le
harcèlement téléphonique dont elles font l’objet sur leur lieu de
travail et sur leur téléphone portable et évoquent les appels que reçoit
aussi la fille mineure d’Audrey Vella. Alors même que les deux jeunes
femmes sont chez les gendarmes, la sœur d’Audrey Vella reçoit neuf
appels et un SMS d’Hervé Vincent Sully.
Troisième alerte une semaine plus tard, le 23
novembre 2006, six mois avant la mort d’Audrey. Le matin, elle a reçu 83
appels et 19 texto. Épuisée, apeurée, elle va une troisième fois porter
plainte à la gendarmerie. Elle montre au gendarme ses texto :
Va chez les keufs espèce de sale pute, quand je vais te voir, je vais de refaire ta gueule, vieille pute. »A la gendarmerie où il a compris qu’Audrey se trouvait, il continue :
« Commence à trouver un tuteur à ta fille. »
L’instruction démontrera qu’entre le 13 octobre 2006
et le 23 mars 2007, Hervé Vincent Sully a appelé 352 fois son ex
compagne et lui a laissé 168 messages toujours plus violents et
injurieux.
Si les mots ont un sens, c’est bien d’une menace
d’assassinat qu’il s’agit. Qu’ont fait les gendarmes de Nanteuil ? Rien,
ou presque. Ils ont juste entamé une procédure de vérification des
appels émis par le harceleur, Audrey leur ayant donné son numéro de
téléphone. Mais le gendarme qui a transmis la demande à l’opérateur
téléphonique s’est… trompé dans la transcription du numéro. Fin de
l’enquête, la demande n’aboutit pas. Vincent Sully n’est pas convoqué.
Le gendarme interrogé lors du procès
Hervé Vincent-Sully a été condamné deux fois, en
première instance et en appel, à 25 ans de prison. En appel, l’avocat de
la famille Vella, Me Florand, a fait témoigner le gendarme qui a reçu
la première plainte d’Audrey. Une déposition pathétique. Le gendarme a
plaidé l’inexpérience : il avait 25 ans et Nanteuil était son premier
poste. « Je ne savais pas qu’il fallait faire des procès-verbaux
d’investigation, les plaintes, ça n’a pas été acté », a-t-il notamment
déclaré. Problème : il avait un supérieur hiérarchique. Mais celui-ci
n’a pas davantage réagi. Que se passe-t-il donc de si grave à Nanteuil, a
demandé en substance au témoin Me Florand, pour que la gendarmerie ne
se soit pas saisie du cas d’Audrey ? Réponse du gendarme :
Il y avait des accidents routiers, des camions renversés, ça prend du temps. »
Ce jeune gendarme a été sanctionné d’un blâme. Mais
sa hiérarchie a été épargnée. Son supérieur direct a même été promu peu
de temps après.
Même impunité du côté de la justice : le parquet de
Senlis, informé, n’a pas réagi non plus. A l’audience, en appel,
l’avocat général, Michel Salzman a parlé « de faillite momentanée de
l’institution ».
C’est cette « faillite » que vient de condamner le
tribunal de grande instance de Paris. « L’absence de réaction des
services de gendarmerie a, à l’évidence, entretenu chez M. Vincent-Sully
un sentiment d’impunité et l’a conduit à réitérer des actes de violence
de plus en plus graves », écrit-il dans son jugement.
Pot de fleurs
Après l’assassinat de sa fille, Martine Vella s’est
rendue à la gendarmerie de Nanteuil pour essayer de comprendre pourquoi.
Pourquoi les gendarmes n’avaient pas bougé. Elle a été reçue par un
gradé qui a bafouillé : « Vous savez, madame, les plaintes, ça va du pot
de fleurs cassés… » Martine Vella l’a coupé : « Ce que vous dites est
inadmissible. Pot de fleurs ! Ma fille, vous savez où elle est
maintenant ? Je voudrais que vous imaginiez ce que je ressens. » La
réponse du gendarme mériterait de figurer dans le « Guiness book » au
titre de la réponse la plus stupide jamais faite par un membre des
forces de l’ordre : « Madame, je ne peux pas savoir ce que vous
ressentez, je n’ai jamais eu d’enfant assassiné ».
L’Etat a été condamné le 7 mai 2014 à verser près de
150.000 euros de dommages et intérêts à la fille de la victime et aux
autres membres de la famille.
Le tribunal de grande instance de Paris avait
considéré que « l’abstention fautive et répétée des services de
gendarmerie constitue une faute lourde en lien direct et certain avec
l’assassinat d’Audrey Vella ».
« Protège-t-on assez les femmes battues ? » Emission
Il n’y en a pas deux comme elle, diffusée sur Europe1 le 2/02/2016 avec
la participation du Dr Muriel Salmona et Morgane Seliman :
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