« J’en
suis à nettoyer les dégâts de l’industrie de la pornographie. Pourquoi
nous demandons-nous encore si elle est violente ? »
Dr Ann Olivarius, le 4 janvier 2016
Vous pouvez la suivre sur Twitter : @AnnOlivarius
TRADUCTION : Claudine G. pour le Collectif Ressources Prostitution
POUR ALLER PLUS LOIN :
Nos traductions sur l’industrie pornographique : https://ressourcesprostitution.wordpress.com/tag/pornographie/
Nos dossiers de presse en ligne : https://ressourcesprostitution.wordpress.com/pornographie/
Source : https://ressourcesprostitution.wordpress.com/2017/03/28/une-avocate-temoigne-de-la-violence-extreme-de-lindustrie-pornographique/
Dr Ann Olivarius, le 4 janvier 2016
Quand j’ai soutenu que la pornographie est
intrinsèquement oppressive lors d’un débat récent à la Cambridge Union,
honnêtement, je ne m’attendais pas à ce que mon équipe réussisse à
gagner l’auditoire. Quoique je le souhaitais. Mais je savais aussi que
ceux qui évoluent dans le monde pornographié actuel ont du mal à en voir
les dégâts. Moi je vois les dommages et méfaits. Je suis une avocate
exerçant aux États-Unis et au Royaume-Uni et je passe un certain nombre
de mes journées – plus que je le voudrais – à nettoyer les dégâts de
l’industrie de la pornographie.
Je dois avouer que je n’avais pas prêté beaucoup
d’attention aux énormes changements dans le monde du porno au cours de
la dernière décennie. Pourtant, il y a quelques années, j’ai reçu un
appel téléphonique d’une femme du Midwest des États-Unis. C’était un
samedi soir à Londres. J’étais seule au bureau, alors j’ai décroché le
téléphone. La mère affolée d’une étudiante de lycée me raconta comment
les amis de sa fille, Sallie, 16 ans, l’avait violée alors qu’elle était
ivre et avaient filmé le viol sur leurs téléphones. Sallie se réveilla
le lendemain matin sans aucun souvenir de ce qui s’était passé.
Lorsqu’elle apprit que l’agression avait été filmée, le clip avait déjà
été distribué à travers toute l’école. Deux jours plus tard, revenant du
lycée, Sallie dit à sa mère qu’elle n’avait pas passé une très bonne
journée, puis alla dans sa chambre pour se suicider. Je fis tout ce que
je pu pour aider cette mère en deuil, mais les options juridiques
étaient limitées. La société était, et est encore, dans une phase
d’apprentissage par rapport au revenge porn. Depuis, la réception de ce
type d’appels est devenue régulière. Certaines victimes du revenge porn
se défendent, d’autres se cachent ou terminent en hôpital psychiatrique
et d’autres encore se suicident. Toutefois, les images perdurent,
surtout sur les sites porno.
Et pourquoi sur les sites porno ? Parce que non
seulement l’industrie pornographique a inventé le revenge porn (les
premières photos de revenge porn ont été publiées dans Hustler en 1980),
mais elle a aussi intérêt à maintenir cette pratique « rentable », de
la même façon qu’elle continue à trouver de nouvelles façons de
violenter les femmes, et parfois les hommes, et de créer de nouvelles
demandes de ces pratiques extrêmes. Si elle est l’objet de critiques,
ses porte-paroles maintiennent qu’il s’agit d’un commerce comme un
autre, d’un emploi comme n’importe quel autre – ou qu’ils sont à
l’avant-garde de la liberté d’expression.
L’une de nos clientes, une actrice porno, nous a
approché le jour suivant sa sortie de l’hôpital, où elle avait dû faire
suturer son rectum suite au tournage d’une scène brutale. Elle n’allait
pas pouvoir travailler pendant un moment et se demandait quel genre de
protection existait pour elle. Il y en avait en réalité très peu. Elle
était dans l’industrie depuis trois ans, ce qui est à peu près la durée
pendant laquelle la plupart des femmes que j’ai rencontrées y étaient
restées. Elle n’avait pas de régime de retraite, n’avait jamais entendu
le mot ‘promotion’ et elle n’avait aucune idée de la façon de procéder.
L’industrie avait pris trois ans de sa vie, la laissant sans rien
d’autre qu’un prolapsus rectal, ce qui est d’ailleurs quelque chose que
l’industrie du porno est fière de produire : il y a un marché croissant
pour les ‘rosebud’ dans les films porno – soit, quand les tuniques de la
paroi du colon d’une actrice s’effondrent et que les tissus rouges
internes ‘fleurissent’ hors de l’anus.
Ce n’est pas une industrie où les actrices peuvent
vieillir, avoir un régime de retraite, des vacances, ou la sécurité
d’emploi. C’en est une où les femmes sont victimes de violences extrêmes
pour la gratification sexuelle des téléspectateurs. En fait,
l’oppression des femmes est inhérente aux histoires que l’industrie
véhicule.
Les actrices ne sont pas les seules opprimées.
Certains consommateurs espèrent reproduire ce qu’ils y voient avec leurs
partenaires. J’ai eu affaire à un certain nombre de cas de divorces
dont la pornographie était la cause. Les couples voulaient toujours être
ensemble, mais leur vie sexuelle avait été déformée et détruite.
Il y a aussi ceux qui forcent les autres à participer
à des actes sexuels pornographiques, souvent avec la conviction qu’ils
ont le droit de le faire. Après tout, dans le porno, les femmes
réagissent avec plaisir quand elles sont forcées et blessées ! Anna
avait 8 ans lorsqu’elle a dit à sa mère que son cousin de 14 ans lui
faisait parfois des choses qu’elle n’aimait pas. Lorsqu’on lui demanda
si son cousin faisait toujours les mêmes actes, Anna répondit :
« Parfois, mais s’il voit quelque chose de nouveau sur son téléphone, ça
peut changer ». Nous avons également traité des cas d’adultes qui ont
recours à la pornographie pour conditionner des enfants à faire des
actes sexuels, ou qui utilisent la pornographie comme justification à
leur violence sexuelle envers les enfants et les femmes. De plus,
certaines des personnes les plus traumatisées que j’ai rencontrées sont
des femmes dans la prostitution (souvent trafiquées) dont les clients
ont insisté – parfois vigoureusement et toujours en croyant que le
consentement est quelque chose qu’ils peuvent acheter – pour reproduire
des scènes de films porno.
Les femmes ne sont pas les seules victimes. Nous
avons rencontré des acteurs porno masculins qui ont été gravement
blessés, et dont certains mourront probablement jeunes à cause du VIH et
d’autres maladies. Nous en avons également rencontré d’autres devenus
dépendants de la pornographie à un jeune âge, comme Henry, un étudiant
d’Oxford qui, à la fin de son adolescence, est tombé amoureux, et a eu
la chance d’être aimé en retour. Pourtant, peu importe à quel point il
essayait, il était incapable d’apprécier le sexe avec son amoureuse. Les
choses ne se passaient jamais comme il y avait été conditionné et il ne
pouvait pas avoir d’érection. Son cerveau était « accro » à la
gratification instantanée qu’il obtenait avec la pornographie. Henry
voulait notre aide afin de voir s’il y avait possibilité de poursuivre
cette industrie qui l’empêchait d’avoir du plaisir dans ses relations
intimes. Il est à présent militant contre les dégâts de la pornographie
auprès des hommes.
La pornographie est-elle intrinsèquement oppressive ?
La majorité des participants au débat à la Cambridge Union en ont été
convaincus. Et moi de même. J’espère que cela signifie le début d’une
véritable riposte contre l’industrie pornographique ; et que les jeunes
ne lui permettront plus à l’avenir de déformer et de dégrader leur
propre sexualité et préférences sexuelles, plus jamais.
Ann Olivarius est une grande juriste nord américaine.
Elle est diplômée de l’Université de Yale, en droit, en management et
d’un doctorat d’état en économie. Elle est avocate à la fois en Grande
Bretagne et aux Etats-Unis. Elle a fondé son propre cabinet McAllister
Olivarius. Elle est une activiste brillante et infatigable de la cause
des femmes. Nous la remercions infiniment de sa confiance pour cette
traduction.
Sa page wikipédia : https://en.wikipedia.org/wiki/Ann_OlivariusVous pouvez la suivre sur Twitter : @AnnOlivarius
TRADUCTION : Claudine G. pour le Collectif Ressources Prostitution
POUR ALLER PLUS LOIN :
Nos traductions sur l’industrie pornographique : https://ressourcesprostitution.wordpress.com/tag/pornographie/
Nos dossiers de presse en ligne : https://ressourcesprostitution.wordpress.com/pornographie/
Source : https://ressourcesprostitution.wordpress.com/2017/03/28/une-avocate-temoigne-de-la-violence-extreme-de-lindustrie-pornographique/
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