Déclaration internationale de la Marche Mondiale des Femmes
RÉSISTER AU MILITARISME !
DÉCLARATION
INDIGNATION INTERNATIONALE APRÈS LE MEURTRE DE BERTA CÁCERES, DIRIGENTE INDIGÈNE DU HONDURAS
4 mars 2016, Planète Terre
RÉSISTER AU MILITARISME !
Ces jours-ci, le monde se prépare à fêter le 8 mars.
La Journée Internationale de la Femme est célébrée sur toute la planète
par des syndicats, des organisations, des groupes de femmes ? qui,
ignorant souvent les origines socialistes de cette date, rendent hommage
aux femmes qui seraient mortes, enfermées et piégées par un incendie
dans l’usine où elles travaillaient aux États-Unis.
Nous, la Marche Mondiale des Femmes, nous célébrons
la lutte des femmes et du mouvement féministe sur toute la planète. Nous
célébrons la force de toutes celles qui consacrent leurs efforts à se
libérer du patriarcat, du néocolonialisme, du capitalisme et du racisme
qui sont les causes à la source du système oppresseur dans lequel nous
vivons.
Nous observons, indignées, comment le concept de
Sécurité et Paix est en train d’être totalement bafoué et manipulé,
utilisé par les pouvoirs hégémoniques afin de justifier la
militarisation et la « paix armée » tout en supprimant complètement la
perspective de Droits de l’Homme et des Femmes.
Nous avons constaté, pendant notre IVème Action
Internationale de 2015, comment les conflits armés et les guerres de
type non conventionnel se répandent et se déploient rapidement dans
toutes les régions semant la peur, la violence, les maladies, la haine
et la pauvreté, et favorisant le fondamentalisme. Cette violence,
qu ?elle soit exercée par l’armée, les milices, les entreprises privées
de « sécurité », les mafieux du crime organisé, le personnel des
missions internationales de pacification ou par les propres États,
alimentent en fin de compte un système capitaliste patriarcal dans
lequel les femmes sont toujours celles qui souffrent le plus.
En Asie, la présence de bases militaires de
puissances étrangères est de plus en plus évidente, et entraine de
graves conséquences concernant la violation des Droits humains des
femmes, l ?augmentation de la prostitution, des cas de violence envers
les femmes et les jeunes filles, du trafic d’êtres humains ?
En Afrique, les« libérateurs » du continent sont
devenus les oppresseurs de la citoyenneté. Moyennant un pouvoir
autoritaire, ils continuent de limiter de façon radicale les libertés et
droits démocratiques de la population. Ces circonstances sont propices à
l ?émergence rapide de groupes fondamentalistes de type religieux,
ethnique ou culturel (s’autoproclamant les défenseurs du peuple), qui
gagnent de l’ampleur jour après jour, et occupent le territoire
dangereusement, en infligeant des conditions de vie inhumaines et en
violant les droits humains des femmes.
Dans les pays Arabes, nous voyons comment
l ?instabilité et les conflits armés en Syrie, en Irak, en Libye et au
Yémen sont fomentés par les puissances économiques qui voient
s ?accroître leurs bénéfices par le biais du commerce des armes, et qui
trouvent dans le chaos un terreau parfait pour imposer leurs intérêts,
sans se soucier de la souffrance que cela génère au sein des populations
civiles désarmées. Des milliers de personnes fuient la région à la
recherche de paix et de sécurité. Les femmes et les jeunes filles se
trouvent en situation de plus grande vulnérabilité et sont victime de
viols, d’agressions sexuelles et de violences. Elles se trouvent
contraintes de proposer des services sexuels en échange de la
possibilité de réaliser leur rêve d ?obtenir refuge et des services de
base dans des pays supposés être plus sûrs.
En Palestine, l’Etat d’Israël continue d’utiliser la
violence pour imposer son système d’apartheid et de colonialisme
sioniste : le blocus de Gaza, les exécutions et les arrestations
arbitraires de population civile, la politique de colonisation et de
démolition de maisons sont la réalité quotidienne dont souffre la
population palestinienne.
Au Sahara occidental, le Gouvernement du Maroc, avec
la force armée, consolide chaque jour sa politique d ?occupation, de
pillage et de répression, ignorant totalement ses engagements
internationaux préalables.
Dans les Amériques, la nature subit une spoliation
sauvage provoquée par des entreprises minières et des multinationales
qui utilisent la police et l’armée, aussi bien que d ?autres compagnies
privées de sécurité, pour usurper les ressources et déplacer des
communautés, au profit de leurs seuls intérêts. L’eau, la terre, les
forêts et l’air sont privatisés et commercialisés tandis que les
communautés se retrouvent sans les moyens garantissant leur survie et
leur autonomie.
En Europe, les gouvernements tirent profit de ce
contexte international pour justifier la criminalisation des mouvements
sociaux. Nous constatons une réduction alarmante des libertés citoyennes
souvent légitimée par des lois de plus en plus répressives. Nous
observons la fragilité de nos systèmes démocratiques face à la montée de
groupes politiques d’extrême droite qui favorisent des politiques et
des attitudes xénophobes comportant la fermeture des frontières et le
refus d ?asile à des personnes réfugiées.
Face à ce contexte international décourageant, nous,
les militantes de la Marche Mondiale des Femmes, poursuivons notre
chemin de construction de nos alternatives féministes. Nous continuons
de tisser des liens avec d’autres mouvements alliés avec lesquels nous
partageons une vision commune. Nous continuons d ?appuyer le combat
local de nos compagnes qui luttent pour défendre la durabilité de la
vie.
Nous savons qu ?ensemble nous sommes plus fortes,
qu ?ensemble nous construisons un mouvement mondial irrépressible,
capable de changer bien des choses, et c’est pourquoi, lors de notre
prochaine Rencontre Internationale, nous échangerons nos expériences de
lutte et de résistance, nous approfondirons notre réflexion commune,
nous évaluerons notre IVe Action Internationale, nous planifierons notre
avenir en tant que mouvement et nous nous ressourcerons pour continuer
notre lutte et notre résistance.
Nous résisterons, depuis la base, aux attaques du patriarcat, du capitalisme, du racisme et du colonialisme.
Nous résisterons, comme notre compagne Berta Cáceres,
du Honduras, leader indigène et défenseure inlassable des droits des
communautés originaires défendant leur territoire, qui en ce mois de
mars, a été brutalement assassinée dans son domicile.
Nous résisterons comme Pakize Nayir, Fatma Uyaret
Sêve Demir, les camarades kurdes qui, en raison de leur activisme
politique, ont été détenues et assassinées par les forces de sécurité du
gouvernement turc.
Nous résisterons comme Máxima Acuñaet Dina Mendoza
qui, au Pérou, continuent de faire face à la brutalité de l ?entreprise
minière qui menace l’eau et les terres de leurs communautés.
Nous résisterons comme bien d ?autres femmes de toute
la planète, anonymes, qui chaque jour, dans leurs maisons, dans leurs
communautés, luttent pour leurs droits et en faveur d ?autres femmes.
Nous poursuivrons la résistance, toujours. Les armes et le pouvoir patriarcal et oppresseur ne vont pas nous faire taire.
DÉCLARATION
INDIGNATION INTERNATIONALE APRÈS LE MEURTRE DE BERTA CÁCERES, DIRIGENTE INDIGÈNE DU HONDURAS
4 mars 2016, Planète Terre
Berta Cáceres, militante indigène, représentante
pendant plus de 20 ans le Conseil Civique des Organisations Populaires
et Indigènes du Honduras (Copinh), a été assassinée aux premières heures
du matin chez elle, à La Esperanza, Intibucá, à quelques 188 km de
Tegucigalpa, par des « inconnus » armés.
Berta Cáceres a non seulement défendu avec énergie
les droits du mouvement paysan et indigène du Honduras, mais elle a été
aussi une remarquable militante sociale, influente au niveau régional et
continental dans sa lutte pour la justice sociale et environnementale,
qui s’est particulièrement illustrée dans la résistance, aux
méga-projets miniers et aux grands barrages hydroélectriques.
Ayant clairement identifié les Traités de libre
échange comme l’un des mécanismes qui assure l ?impunité des
multinationales, Berta a mené un combat pour la santé, la terre, contre
le patriarcat et la violence. Elle s’est opposée au coup d ?Etat du 28
juin 2009, qui, pour la COPINH, a mis la violence au service des
multinationales pour faciliter le pillage des biens communs et de
répression des organisations sociales de l’opposition. Elle n’a jamais
cessé de surcroît de réaffirmer son opposition à l’installation de
bases militaires nord-américaines sur le territoire Lenca.
En avril 2015 Berta Cáceres a reçu le prix Goldman,
l’un des prix internationaux les plus prestigieux en matière
d ?environnement, qui lui a été décerné pour sa participation à la
défense du territoire Lenca, menacé par les impacts -et la violence- de
la construction du projet hydroélectrique Agua Zarca par la
multinationale chinoise SINOHYDRO et l’entreprise hondurienne DESA
(Développement énergétique SA). Cela fait des années que le peuple Lenca
dénonce la violation de son droit à l’eau comme source de vie et de
culture face aux harcèlements qu’il subit de la part des entreprises,
des paramilitaires et du gouvernement.
Berta Cáceres était une mère de famille et faisait
l’objet de mesures préventives de la Commission Interaméricaine de
Derechos Humanos (CIDH) qui devaient lui assurer une protection spéciale
de la part du gouvernement hondurien. Malgré cela, Berta a été
assassinée par un Etat qui protège les intérêts du capital local, des
multinationales qui veulent accaparer les territoires et les biens
communs. Son combat pour la vie des plus démunis l’a conduite à
plusieurs reprises devant les tribunaux, elle a été poursuivie et
menacée.
Cette dirigeante hondurienne a dénoncé à de
nombreuses reprises avoir fait l’objet de menaces de mort, dans un
contexte de violence généralisée : 111 militants écologistes ont été
assassinés au Honduras entre 2002 et 2014, selon le rapport « Combien
d ?autres ? » élaboré par l ?ONG britannique Global Witness. Le Honduras
est le pays ayant l ?indice de violence le plus élevé des 17 pays
analysés dans ce rapport qui décrit l ?architecture de la violence et de
l ?impunité des grandes entreprises minières et du secteur
hydroélectrique, entre autres, en faveur du capital privé et avec la
complicité des gouvernements. Selon l ?ONG hondurienne ACI-PARTICIPA
(Association pour la participation citoyenne au Honduras), plus de 90%
des assassinats et violations des droits des défenseurs des droits
humains au Honduras restent non résolus
Nous exigeons du gouvernement du Honduras :
- Qu’il mette fin à l’impunité et enquête sur
l’assassinat de Berta Cáceres et de tous les camarades qui ont lutté
pour la justice sociale et l’environnement
- Que l’intégrité, la liberté et les droits humains
de Gustavo Castro de Soto et de Aureliano Molina, compagnon de Berta
Cáceres soient assurés
- L’arrêt de tous les projets dénoncés par les
défenseurs des droits humains, et notamment les projets hydroélectriques
Agua Zarca sur le Río Blanco et Blue energy sur le Río Cangel.
- Le gel des investissements et du financement versés
par les entreprises et les Institutions financières internationales
pour des projets menés en violation des droits humains et sans
consultation préalable, prévue dans l’article 169 de l’OIT.
- La cessation des poursuites y compris judiciaires
contre les défenseurs des droits humains qui doivent bénéficier de
mesures préventives de protection.
Nous présentons nos plus profondes condoléances à la
famille de Berta Cáceres, à tous ses camarades de lutte et au peuple
Lenca, après ces évènements effroyables.
Nous appelons les citoyens à se mobiliser et à
protester devant les Ambassades et consulats du Honduras à travers le
monde pour manifester leur réprobation de ce crime odieux et notre
exigence de justice
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