Perchés sur des grues le plus souvent, ils font la
Une du journal de 20 heures. Peu à peu les tenants du masculinisme
gagnent du terrain dans l’opinion publique sous couvert de protéger les
droits des pères. Certains hommes ont choisi eux de résister à cette
image trop virile à leurs yeux et se disent ouvertement pro-féministes.
Yeun L-Y est de ceux-là. Il vient de participer à la traduction d’un
livre américain attendu en français depuis plus de vingt ans.
Rencontrer Yeun L-Y c’est bon pour le moral. Enfin,
un homme qui ne confond pas féminisme et haine du sexe masculin. Cet
aide-soignant rennais vient de co-signer la traduction française du
livre de John Stoltenberg, « Refuser d’être un homme pour en finir avec
la virilité ». Pour l’auteur américain dont le livre fait date dans
l’histoire des droits des femmes outre-Atlantique, les hommes ont le
choix et peuvent refuser l’identité masculine dominante. « Les pénis
existent ; le sexe masculin, non. Le sexe masculin est socialement
construit » écrit-il. Yeun adhère.
« Des hommes un tant soit peu conscients de leur
position de domination, des actes qu’ils peuvent mettre en place au
quotidien pour asseoir leur pouvoir il y en a très peu. De la même
manière que des blancs peuvent trahir leur position de blancs dans un
régime raciste, Stoltenberg, dans un régime sexiste dit que les hommes
peuvent trahir leur position et donc refuser d’être des hommes. Il
montre comment les hommes créent les femmes comme objet pour dominer,
avoir des privilèges au quotidien. Il est pour l’abolition de la
masculinité puisque c’est la masculinité qui crée la féminité. »
Pour une identité morale
Stoltenberg ne se contente pas de faire des constats,
il propose des pistes d’actions en déconstruisant la façon dont on
produit du masculin entre autres en opposant le fils à sa mère « perçue
par le père comme dangereuse pour sa virilité ».
« Il y a tout un chapitre sur le rapport au père –
explique le traducteur – comment les petits garçons apprennent à ne
surtout pas être en empathie vis-à-vis des femmes, en complicité avec
elles ; comment la possible violence des pères vis-à-vis des mères dont
sont témoins les petits garçons forge la masculinité et les aident à
devenir des hommes qui reproduisent ensuite le schéma. Il fait beaucoup
appel à la conscience morale. Pour lui, il existe deux identités :
l’identité masculine qu’on nous apprend et l’identité morale qui est ni
masculine, ni féminine mais qui est humaine, qui est une capacité à
poser des actes justes »
Si ce livre était attendu depuis longtemps par les
féministes dont il épouse totalement les thèses, on peut imaginer qu’il
soulève des réticences dans les courants masculinistes et pro-sexe.
Sorti au printemps mais fort peu présenté dans les médias, il a du mal à
élargir son public. Un livre d’homme sur les hommes mais lu
essentiellement par des femmes ? « C’est un peu notre problème en France
– reconnaît Yeun – Il y a des hommes qui sont mobilisés mais trop peu à
mon goût. C’est justement notre travail d’amener les autres hommes à
agir dans cette direction. Mais j’ai l’impression que trop souvent ceux
qui sont sensibilisés ou qui sont pro-féministes restent dans le cadre
de la pensée ou dans des relations inter-individuelles mais ne se
montrent pas beaucoup. Et du coup, ce sont seulement les femmes qui s’en
prennent plein la figure par les anti-féministes et c’est un peu
dommage ! »
Ca bouge sur le net
Homme féministe ou pro-féministe ? Yeun a fait son
choix. « Moi, je ne me qualifierai jamais de féministe. Mais de
pro-féministe sans doute ou d’anti-masculiniste. L’important pour moi
c’est d’essayer d’être cohérent dans mes pratiques quotidiennes,
l’étiquette importe peu. A Rennes, il y a des hommes dans les
associations mixtes (Mix-Cité, Questions d’égalité notamment) et aussi
quelques regroupements non mixtes d’hommes ; ce qu’il faut éviter c’est
que ça devienne une sorte de complaisance entre nous, entre hommes, pour
nous rassurer sur notre position d’hommes. Le problème de ceux qui
s’investissent sur ces questions-là c’est qu’ils oublient un peu
facilement d’où ils viennent comme si leur féminisme était arrivé comme
ça. Moi, j’ai été bousculé parce que des copines féministes m’ont pointé
des trucs bien précis et à juste titre. »
Que Yeun ne se sente pas trop seul tout de même, des
choses bougent en France et de plus en plus d’hommes résistent à l’image
qu’on veut donner d’eux notamment sur Internet. Zéro Macho a choisi son
cheval de bataille : l’abolition de la prostitution. D’autres
s’engagent dans un projet de veille collaborative destiné à analyser les
motivations réelles de ces associations ou collectifs masculinistes qui
refusent l’égalité entre les femmes et les hommes cachés derrière la
défense de la parentalité partagée. « Ne plus être un homme » est aussi
un réseau de blogs pro-féministes et anti-patriarcaux. Dans sa préface,
Christine Delphy écrit : « Refuser d’être un homme ravivera l’espoir que
des hommes participent enfin vraiment au combat, et ils peuvent y
participer ». L’histoire est en marche.
Geneviève ROYPour aller plus loin :
Le livre : « Refuser d’être un homme pour en finir
avec la virilité » de John Stoltenberg traduit en français par Mickaël
Merlet, Yeun L-Y et Martin Dufresne – préface de Christine Delphy –
édition Syllepse (2013)
Sur Internet : une interview de John Stoltenberg à lire sur le blog d’Isabelle AlonsoSource : http://www.breizhfemmes.fr/index.php/john-stoltenberg
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