La pénalisation du
prostitueur est inscrite dans une logique progressiste : celle qui exige
d’en finir avec les violences et d’avancer vers l’égalité entre les
femmes et les hommes. N’en déplaise à tous les nostalgiques d’une France
d’un autre âge excitée par le frisson sulfureux des bordels et de la
fille au trottoir.
400 pages détaillées, un projet politique cohérent,
un courage certain. Le rapport "L’exigence de responsabilité, en finir
avec le mythe du plus vieux métier du monde" constitue une avancée que
nous saluons.
Malheureusement, qu’en retiennent les médias et la
rive gauche ? La pénalisation des "clients", ceux qu’il est plus juste
d’appeler les prostitueurs pour leur rendre une visibilité qu’ils ont
pris soin de fuir pendant des siècles, jugeant plus commode de voir
reporter la "faute" sur celles qu’ils exploitaient. Un comédien riche et
célèbre profite de sa notoriété pour défendre ce qu’il considère
apparemment comme un droit de l’homme fondamental : le droit d’aller aux
putes. On a les combats que l’on peut.
Les violences subies par les prostituées, la peur au
ventre, le valium pour y aller, la traite des femmes et des gamines sur
qui pèse la survie des familles, qu’importe. On brandit ces étendards
que sont "la liberté individuelle" (la liberté de qui ?), on passe un
peu de cirage aux "femmes remarquables" que sont les prostituées. Sur ce
point, nous sommes d’accord, étant donné ce que proxos et "clients"
leur font subir. Car les prostitueurs sont les premiers agresseurs des
personnes prostituées qui vivent dans la crainte permanente de "tomber
sur un cinglé". Violences, menace de violences, mépris, humiliations,
arnaques… C’est donc ce droit là qu’il faudrait défendre ?
Ce que ces messieurs exigent - quitte à le faire au
nom du féminisme ! -, c’est le droit de passer leurs caprices sur le
corps d’une femme, d’en faire un territoire de défoulement, de continuer
à faire leur choix dans un immense magasin de jouets. Ce qu’ils
revendiquent, c’est une institution qui remet les femmes à leur place :
au lit, pour leur bon plaisir. Et sans compte à rendre.
Tous les arguments sont bons : misère sexuelle,
solitude (ce que réfutent les enquêtes qui montrent que le client est
majoritairement un homme lambda, marié et père de famille),
clandestinité (désormais surtout due au recours à Internet et au
téléphone portable), risques sanitaires.
Les pro prostitution, qui ont appuyé leur lobbying
sur la lutte contre le sida, ont surtout travaillé à banaliser le
concept de "travail du sexe", dont on voit le résultat en Europe : une
explosion des bordels industriels à haut débit où des centaines de
femmes (de préférence étrangères) sont livrées en pâture aux appétits
sexuels prétendument incontrôlables des hommes.
Il est temps de sortir de la complaisance. Une
complaisance qui n’est pas sans rappeler celle qui, il y a peu,
entourait encore d’une curieuse indulgence les chauffards. Comme les
"accidents de la route", tenus jadis pour une fatalité, sont devenus "la
violence routière", la prostitution est en train de se muer en
« violence prostitutionnelle ». Comme le mauvais conducteur a désormais à
répondre de son comportement, le client prostitueur, qui nourrit un
immense marché aux femmes, est aujourd’hui placé en face de ses
responsabilités.
Ce pas en avant est décisif pour nous qui travaillons
à faire reculer toutes les violences contre les femmes. Violences qui
tiennent ensemble : car s’il faut sauver le droit du prostitueur, il
convient en toute logique de dépénaliser le violeur, mu lui aussi par
des pulsions irrépressibles. Personne ne songerait à le faire, nous
l’espérons. En réalité, le séculaire droit sexuel masculin a du plomb
dans l’aile. Après la remise en cause du droit de cuissage (droit obtenu
par le pouvoir), du viol (droit obtenu par la force), vient en toute
logique la prostitution (droit conféré par l’argent).
La pénalisation du prostitueur constitue un élément
parmi d’autres d’une politique cohérente destinée à faire reculer l’une
des plus vieilles exploitations du monde. Vingt neuf autres mesures,
dont personne ne dit mot, sont préconisées par ce rapport très riche qui
mise sur la tombée en désuétude de la loi LSI sur le racolage : mesures
sociales, pédagogiques, lutte contre le sexisme, papiers pour les
prostituées étrangères, etc.
La pénalisation du prostitueur, qui n’en est qu’un
maillon, est inscrite dans une logique progressiste : celle qui exige
d’en finir avec les violences et d’avancer vers l’égalité entre les
femmes et les hommes. N’en déplaise à tous les nostalgiques d’une France
d’un autre âge excitée par le frisson sulfureux des bordels et de la
fille au trottoir.
Source : http://www.prostitutionetsociete.fr/eclairage/point-de-vue/prostitution-les-clients-tremblent
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