Par Julie Bindel, dans The Independent

La prostitution
English Collective of Prostitutes
Racisme
Version originale : http://www.independent.co.uk/voices/prostitution-sex-trade-is-built-on-brutal-racism-a7925476.html
Traduction : TRADFEM, avec l’accord de l’autrice.
Un interviewé a admis ouvertement que s’il exploitait
des Chinoises dans la prostitution, c’était pour réaliser un fantasme
qu’il avait à leur sujet. « Vous pouvez aller beaucoup plus loin avec
les filles orientales … »
Julie Bindel : « Un certain nombre d’acheteurs
de sexe que j’ai interviewés m’ont dit qu’ils choisissent souvent des
femmes particulières en se basant sur des stéréotypes racistes et
colonialistes. » Photo : Getty
Ce n’est un secret pour personne que le commerce du
sexe est tissé de misogynie. La gauche libérale et d’autres soi-disant
« progressistes » laissent souvent de côté leurs principes pour appuyer
un commerce mondial multimilliardaire fondé sur la douleur et
l’oppression des femmes et des filles. Cela n’est pas surprenant, compte
tenu du sexisme généralisé de la gauche, mais les mêmes apologues
restent souvent silencieux quant au fait incontestable que les femmes et
les filles noires, brunes et autochtones du monde entier sont les
premières achetées et vendues dans la prostitution. Au cours d’une
recherche approfondie menée en préparation de mon nouvel ouvrage sur
l’industrie du sexe (The Pimping of Prostitution : Abolishing the Sex
Work Myth), j’ai rencontré et interviewé des femmes et des hommes qui
résistent à la banalisation du racisme au sein de la prostitution.
En 2015, par exemple, j’ai rencontré Ne’cole Daniels,
une Afro-américaine survivante de cette industrie et membre de
l’organisation abolitionniste SPACE International, lors d’une conférence
aux États-Unis. Daniels ne laisse planer aucun doute sur le racisme
sous-jacent aux systèmes de prostitution étatsuniens. « Le commerce du
sexe fonctionne exactement comme le racisme, dit-elle. Ils prétendent
que certaines d’entre nous valent moins que les autres. »
Pala Molisa, une universitaire d’origine Pacifica qui
milite contre la violence masculine en Nouvelle-Zélande, a souvent été
accusée d’être « putophobe » après avoir analysé la prostitution comme
une forme d’oppression. Molisa a été menacée de perdre son emploi, elle a
été la cible d’une campagne d’intimidation et de harcèlement en ligne,
et a été accusée par des propagandistes du travail du sexe d’être une
« bigote sexuellement réprimée ».
Molisa dit avoir appris de sa mère et d’« autres
sœurs autochtones » ce qu’elle sait au sujet de la suprématie blanche et
de la base coloniale de la prostitution. « Nous ne voulons pas que les
hommes soient tenus seuls responsables de la réduction des femmes au
statut de propriété sexuelle ; nous voulons voir démantelée toute
l’institution de la prostitution – qui est la base de la culture
coloniale patriarcale du viol, explique Molisa. Le modèle dominant de
masculinité en régime patriarcal est également façonné par les concepts
de race et de classe, par le capitalisme et la suprématie blanche. »
Bridget Perrier est une militante autochtone
canadienne et survivante de l’industrie du sexe. En 2015, Perrier a
débattu de prostitution à la télévision britannique avec une membre
(blanche) du lobby pro-prostitution, l’English Collective of Prostitutes
(ECP). Perrier, qui a élevé deux enfants de femmes assassinées par
Robert Pickton, s’est fait dire par la porte-parole de l’ECP qu’elle
« avait du sang dans ses mains » en raison de sa campagne pour faire
criminaliser les proxénètes et les acheteurs de sexe. « Cet argument
n’est que de la merde colonialiste, a commenté Perrier. J’en ai
ras-le-bol de me faire dire que la prostitution est bonne pour moi et
pour mes sœurs autochtones, surtout quand il est aussi évident que cette
condition est inférieure aux attentes des gens qui nous attaquent. »
Courtney, une autre survivante autochtone canadienne,
m’a dit : « L’industrie du sexe repose sur le racisme et le
colonialisme, ainsi que sur la misogynie. Pour les femmes autochtones et
afro-américaines, et toutes les femmes et les filles de couleur, c’est
encore une façon dont l’homme blanc prend ce qu’il veut de nos
communautés, de nos cultures et de nos âmes. »
Bon nombre d’acheteurs de sexe que j’ai interviewés
m’ont dit qu’ils choisissent souvent des femmes particulières en
fonction de stéréotypes racistes et colonialistes. L’ethnicité elle-même
est érotisée dans la prostitution. Un homme m’a dit : « J’avais en tête
une liste de sélection raciale ; je les ai toutes essayées au cours des
cinq dernières années, mais elles se sont révélées avoir les mêmes
caractéristiques. » Un autre interviewé a ouvertement admis que son
utilisation de femmes chinoises dans la prostitution visait à réaliser
un fantasme qu’il entretenait à leur sujet : « Vous pouvez faire
beaucoup plus avec les filles orientales, comme une fellation sans
préservatif et éjaculer dans leur bouche… Je les considère comme
sales. »
La publicité faite aux services sexuels capitalise
souvent sur des stéréotypes racistes et colonialistes. Lors d’une
rencontre avec des femmes de l’Asian Women for Equality Society, à
Montréal, on m’a parlé d’une étude où l’on avait analysé 1 500 annonces
de prostitution affichées en ligne. Quatre-vingt-dix pour cent d’entre
elles faisaient appel à des stéréotypes racistes comme facteurs de
vente : par exemple, les femmes asiatiques étaient décrites comme
« soumises », « exotiques », « nouvellement immigrées », « fraîchement
débarquées du bateau » et « jeunes et expérimentées ». « C’est ce que
les hommes recherchent chez les femmes asiatiques », m’a dit une membre
de cette collective.
Dans le principal quartier « chaud » d’Amsterdam, où
la majorité des femmes prostituées affichées comme de la viande dans les
bordels à vitrine proviennent de la Roumanie et de l’Afrique de
l’Ouest, il y a si peu de femmes nées aux Pays-Bas qui vendent du sexe
que les proxénètes les signalent en mettant en vitrine des autocollants
avec le drapeau néerlandais ou l’acronyme « NL » (Pays-Bas). Les
prostituées blanches néerlandaises sont devenues relativement rares.
En somme, la traite des esclaves demeure bien
vivante, mais elle a été restructurée dans le cadre du capitalisme
néolibéral. Dans l’acte de prostitution, le corps des femmes et des
filles est colonisé par les hommes qui les utilisent. Je me demande
comment la gauche peut fermer les yeux sur ce fait, tout en prétendant
lutter pour une société égalitaire et libre d’oppression. Il est bien
possible qu’une grande partie de la gauche masculine se soucie peu de
l’oppression des femmes dans la prostitution, mais elle pourrait au
moins reconnaître nommément que le système prostitutionnel est en partie
construit sur un racisme brutal ?
Le livre de Julie Bindel « The Pimping of
Prostitution : Abolishing the Sex Work Myth. » sera publié par Palgrave
Macmillan le 27 septembre. On trouvera ici plus de détails sur le
lancement du livre et un débat organisé à cette occasion.
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Version originale : http://www.independent.co.uk/voices/prostitution-sex-trade-is-built-on-brutal-racism-a7925476.html
Traduction : TRADFEM, avec l’accord de l’autrice.
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