La procédure médicalement assistée (PMA) est
elle vraiment, un complément logique à l’obtention de nouveaux droits
pour les gays et les lesbiennes, notamment sur la filiation ?
PMA, FIV, GPA, IAD (voir encart ci dessous) – autant
de sigles qu’on entend de plus en plus, qu’on voit sur des pancartes en
manif... Et qui peuvent susciter bien des interrogations. Pour
de nombreuses militant-e-s LGBT et féministes, l’accès à la PMA pour
les couples de lesbiennes est un des grands « manques » de la loi sur le
mariage et l’adoption pour toutes et tous. Il devrait être inclus dans
le projet de loi sur la famille repoussé à une date indéterminée.
Cette revendication, qui semble couler de source pour de
nombreux groupes LGBT et féministes, soulève pourtant bien des
questions. On ne s’attardera pas ici sur la GPA, revendication moins
courante, et dont le refus nécessite probablement moins
d’argumentation : être les ventres reproducteurs d’hommes gays ou
d’hommes hétéros, non merci !
La PMA, c’est l’ensemble des techniques
médicales permettant la procréation « en dehors du processus
naturel ». L’intervention la plus courante, la fécondation in vitro,
implique un traitement hormonal par injections pendant environ
un mois, accompagné d’un suivi gynécologique pour suivre la
taille et la quantité d’ovocytes produits. Lorsque ces paramètres sont
jugés satisfaisant, les ovocytes sont prélevés chirurgicalement, et
la FIV en tant que telle a lieu dans un tube à essai. Elle est
suivie, si elle a fonctionné, par le transfert d’embryons dans l’utérus
de la femme. D’embryons au pluriel, afin d’avoir plus de chance qu’au
moins un se développe... D’où plus de naissances multiples que
pour les grossesses « naturelles ». En France, en 2010, 18 % des
accouchements suite à des FIV étaient gémellaires (0,3 % avec des
triplés ou plus) [1]
Dans le monde, 5 millions d’enfants seraient nés
suite à des FIV. En France, pour la seule année 2010, les FIV ont donné
lieu à plus de 15 000 naissances (si on considère toutes les techniques
de PMA, 22 000), presque 3 % des naissances. La PMA est censée répondre
aux problèmes d’infertilité des couples hétérosexuels, et au désir
d’enfant des lesbiennes. Son accès n’est pour le moment possible en
France que pour les premiers, mais les couples lesbiens qui
souhaitent un enfant par ce procédé peuvent se rendre moyennant
quelques milliers d’euros dans des cliniques en Belgique ou en
Espagne (où toute femme, indépendamment de son état civil et de son
orientation sexuelle, a droit à la PMA).
Il y a quelques raisons de ne pas vouloir de la PMA, pas plus pour les lesbiennes que pour les hétéros.
Elle est inutile :
Elle est inutile :
Les personnes fertiles n’ont pas besoin d’être aidées
par la médecine pour concevoir des enfants. C’est bête à dire, mais on
semble parfois l’oublier : la majorité des gens, hétéros ou homos, sont
fertiles. Les lesbiennes ou les femmes célibataires qui veulent
concevoir un enfant ont besoin d’un don de sperme, point barre ! Par
ailleurs beaucoup de couples hétéros sont orientés vers la PMA
de façon précipitée : il faudrait attendre au moins deux ans
« d’essais infructueux » avant d’envisager raisonnablement des
problèmes d’infertilité. Car tout peut influencer la fécondité,
pas uniquement les caractéristiques de nos gamètes : les conditions de
vie, de travail, les pressions (évidemment bienveillantes) de la
famille et des proches (« alors ce bébé ? », « tu ne rajeunis pas »,
etc.), les antidépresseurs ou les anxiolytiques pris pour oublier
lesdites pressions...
La culpabilisation à coups de « Attention vous allez
être trop vieille ! », qu’elle émane d’un proche ou d’un médecin, est à
elle seule scandaleuse. La fécondité baisse effectivement avec
l’âge, mais jusqu’à 40 ans la grande majorité des femmes qui
essaient d’avoir un enfant y arrivent. On constate des
grossesses non désirées au moins jusqu’à 45 ans en nombre et les
femmes sont en moyenne fécondes jusqu’à 50 ans [2].
Mais une femme qui ne veut pas d’enfant tout de suite, voire qui n’en
veut pas du tout, c’est suspect... Les personnes (vraiment) infertiles
qui se tournent vers la PMA n’augmentent que très peu leurs
« chances » de concevoir un enfant [3].
Bon, c’est peut-être pour ça que des médecins n’hésitent pas à pousser
vers ces techniques des gens qui n’en ont pas besoin, ça améliore les
statistiques !
La PMA est sexiste
Injections d’hormones, prélèvement d’ovocytes... :
durant une PMA, le corps d’une femme est manipulé, mesuré,
« dopé »... On peut vraiment parler de réification du corps
féminin : ce qui compte, ce n’est plus la personne, mais son ventre et
ses capacités reproductrices. En toute logique, les effets
secondaires immédiats sur les femmes traitées sont négligés. Et les
effets médicaux à long terme des injections d’hormones pour obtenir les
ovulations multiples permettant de procéder aux FIV restent pour
le moins flous (les premières fécondations in vitro ont à peine plus
de trente ans). Le choix entre une « simple » insémination
artificielle et une FIV est fait par le médecin, de façon parfois
très arbitraire : « Vous avez tel âge, donc... ». La PMA, c’est le
contrôle du corps médical sur la fertilité des lesbiennes –alors que,
on le répète, lesbienne ne veut pas dire infertile ! Si l’insémination
artificielle n’était pas interdite par la loi hors du cadre médical
(art. 511-12 du code pénal et article L. 673-3 du code de la santé
publique), les dons de sperme et inséminations « maison » seraient sans
doute plus nombreux, et la PMA semblerait moins nécessaire. Ces
pratiques, ne nécessitant pas beaucoup plus de matériel qu’un récipient
et une seringue dépourvue d’aiguille, sont déjà utilisées par des
couples de femmes ou dans des projets de coparentalité.
La PMA est raciste et eugéniste.
La PMA est raciste et eugéniste.
Dans le cas d’une PMA utilisant un don de sperme,
celui-ci est sélectionné par l’équipe médicale en fonction de
la couleur de peau, du « type » du donneur et du compagnon ou de la
compagne de la femme qui suit la PMA. Et on est censé- e- s
trouver ça normal ? Même si leur motivation est sans doute de
donner l’illusion que l’enfant est « vraiment » celui de ses parents,
elle n’en est pas moins questionnable. Et imaginons que les procédures
d’adoption suivent le même genre de logique !
Les pratiques de PMA sont une porte ouverte à
l’eugénisme : de toute façon, on ne gardera pas tous les embryons et,
avec les diagnostics préimplantatoires, on peut choisir ceux qu’on
implantera dans l’utérus de la femme traitée sur des critères de
« santé » (et dire qu’il y a des gens qui font encore des enfants sans
faire vérifier génétiquement les embryons
Les lesbiennes ou les femmes célibataires qui veulent concevoir un enfant ont besoin d’un don de sperme, point barre.par la médecine !) et peut-être sur d’autres critères dans un futur proche [4] , ou dès aujourd’hui dans d’autres pays. Les embryons qui ne sont pas utilisés pour tenter une grossesse finissent en partie comme matière première pour la recherche. En France, où la législation est pourtant assez sévère à ce sujet, plus de dix mille embryons cryoconservés dans les laboratoires de FIV ont été donnés à la recherche, car ils ne répondaient plus au projet parental des personnes étant à leur origine, et ne pouvaient être accueillis par un autre couple [5] ...
TOUTE-PUISSANCE TECHNOLOGIQUE
En Israël, la loi est beaucoup plus « permissive » :
par exemple, la gestation pour autrui est légale, ainsi que la vente
d’ovocytes (depuis 2010). Ces lois libérales, qui font aussi partie
d’une politique explicitement nataliste, sont très profitables pour les
industries biotechnologiques. La vente d’ovocytes est autorisée
pour des dons à d’autres femmes, mais aussi directement pour la
recherche. Et les risques encourus pour les femmes donneuses sont encore
une fois éludés. Et sur le dos de qui ? De femmes pauvres, pour changer [6].
Les techniques de la PMA, et l’idéologie qui
l’accompagne, sont une machine technologique invasive. Les
« perspectives » dans ce domaine, c’est l’utérus artificiel, la
sélection eugénique... Dans un contexte où la maternité est toujours (à
nouveau ?) ultravalorisée comme accomplissement ultime d’une femme,
nous avons de quoi nous inquiéter. L’obsession de la filiation
biologique et du « bébé parfait » nous amène en effet à nous remettre
sans aucun recul dans les mains de la Science. Comme le dit le
collectif féministe Rage de nuit, « enfant d’origine contrôlée et
retour de l’idée d’instinct maternel : sale temps pour
l’émancipation ».
Alors pourquoi ne pas lutter pour se
débarrasser de ces injonctions constantes à transmettre nos gènes ?
Pourquoi ne pas lutter pour faciliter l’accès à l’adoption
plutôt que celui aux techniques de PMA ? L’adoption présente
l’avantage de remettre à sa place la biologie, et d’affirmer
que la parenté est d’abord sociale.
AnitaSource page 6 et 7 : https://offensiverevue.files.wordpress.com/2015/02/offensive37.pdf
Notes
[1] Chiffres
tirés, comme les autres chiffres cités, d’un article de Pour la science
de novembre 2012 citant le rapport de l’agence biomédecine.
[3] Voir Un bébé mais pas à tout prix de Brigitte-Fanny Cohen, éd JC Lattès, 2001
[4] Lire "Political Economy Egg Cell Donations : Doing it the Israeli Way" Siggie Vertommen, Scumgrrrls n°129, été 2012
[5] Hygiène et Eugénisme au XXème siècle, Anne-Laure Simonnot, 1999 Histoire de l’eugénisme en France, Anne Carol 1995
[6] Pour la science 2012
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