Je suis une féministe, pas du genre fun.
(Andrea Dworkin)1
Par Mickey Z., initialement publié le 7 mai 2016 sur World News Trust(Andrea Dworkin)1
« Ce n’est que lorsque la virilité sera morte – et
elle périra quand la féminité ravagée ne la supportera plus – alors
seulement saurons-nous ce que c’est que d’être libre. » (Andrea
Dworkin)2
En tant que personne qui a fui l’université pour
plutôt entreprendre un long périple d’autodidacte radical engagé, je
trouve tout à fait éclairant qu’il m’ait fallu aussi diablement
longtemps pour enfin rencontrer le travail d’Andrea Dworkin.
La « gauche » parle souvent de la marginalisation des
dissident.e.s, mais j’ai trouvé facilement et naturellement les écrits
de Noam Chomsky, Assata Shakur, Howard Zinn, Guy Debord, Frantz Fanon,
Arundhati Roy, Edward Said, Angela Davis, Emma Goldman, Ward Churchill,
bell hooks, et beaucoup trop d’autres pour tous les citer ici. Par
contre, il m’a fallu arriver en 2015 pour lire l’autobiographie de
Dworkin, Heartbreak : The Political Memoir of a Feminist Militant – et
il se trouve que c’est le livre le plus révolutionnaire que j’aie jamais
lu. (Cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec tout ce qu’elle a
jamais écrit, alors svp abstenez-vous de tirer cet argument bidon éculé
de votre vieux sac à malice.)
Ce n’est certainement pas une coïncidence si, depuis
dix ou vingt ans, aucun de mes acolytes subversifs ne m’a jamais
recommandé une pionnière féministe comme Dworkin. Plus je lis son
travail et plus j’écoute son analyse sans compromis, plus je comprends
pourquoi elle a été soit effacée soit diabolisée – par la culture
dominante et par les gens de droite, bien sûr, mais avec tout autant de
véhémence par les tenants de la soi-disant gauche. Peu importe les
croyances politiques que l’on allègue, le patriarcat règne encore en
maître.
« Le projet érotique commun de détruire les femmes
permet aux hommes de s’unir en une fraternité ; ce projet est la seule
base ferme et fiable de coopération entre les hommes et toute solidarité
masculine entre hommes est basée sur elle. » (Andrea Dworkin)3
Dans un sens plus général, il est parlant d’assister
au malaise palpable causé par mon évolution sans fin. Mais là encore, il
est possible que des amitiés basées sur une idéologie partagée soient
le plus souvent vouées à l’échec.
Cela dit, s’il vous plaît permettez-moi d’être
clair : je suis (au mieux) un chantier en cours et je déplore
profondément le temps qu’il m’a fallu pour mieux comprendre la puissance
fondatrice du patriarcat. Je repense avec un profond regret à certaines
des postures que j’ai assumées, aux publications et aux sites Web pour
lesquels j’ai écrit, aux mouvements dans lesquels j’ai mis ma confiance,
aux opinions que j’ai criées sur des estrades à travers tout le pays,
aux ex-camarades que j’ai défendus, et aux livres que j’ai écrits
(j’aimerais réellement les modifier ou les effacer, tous les 13 !).
Je ressens de la honte, mais pas un sentiment de
défaite. Je me nourris d’un intense désir de rattraper le temps perdu et
de m’engager plus que jamais à identifier et à rejeter le
conditionnement qui m’a formé/déformé. Pour renverser, comme Andrea nous
y exhorte, ce qui doit être renversé.
J’ai un long, long chemin à parcourir et je
trébucherai sans doute, mais, quoi qu’il en soit, je continuerai à faire
de mon mieux pour vivre selon les principes que j’ai détaillés ici et
ceux que de courageuses visionnaires comme Dworkin ont érigés. Je peux
enfin voir que comme tout ce que font les femmes pour résister au
patriarcat est retourné en pornographie, en marchandises et en armes
utilisées contre elles, le changement doit commencer par nous, les
hommes.
Comme je l’ai déjà écrit ici, si les hommes veulent
se montrer à la hauteur des étiquettes dont ils se parent comme celles
d’activiste, révolutionnaire, radical, allié et camarade, le chemin est
clair. Nous sommes tenus de faire presque tout le travail initial,
d’effectuer alors les plus grands changements et de prendre les plus
grands engagements. Si nous nous soucions de justice et de libération
autant que nous prétendons le faire, c’est dès maintenant qu’il faut
nous regarder dans le miroir, nous interpeller l’un l’autre, laisser à
la porte notre ego et notre programmation masculine, et faire ce qui
nous semblent être d’importants sacrifices (conseil d’un pro : ils ne le
sont pas tant que ça). Nous, les hommes, devons nommer le problème,
encore et encore, jusqu’à ce que nous cessions d’être le problème et
cessions de refiler le problème à la génération suivante.
« Les hommes qui veulent soutenir les femmes dans
notre lutte pour la liberté et la justice devraient comprendre qu’il est
pas terriblement important pour nous qu’ils apprennent à pleurer ; il
est important pour nous qu’ils mettent fin aux crimes de violence commis
contre nous. » (Andrea Dworkin)4
Post-scriptum : Pour ceux qui souhaitent découvrir le
travail révolutionnaire d’Andrea Dworkin, je vous suggère humblement de
commencer par l’autobiographie mentionnée ci-dessus. En outre, vous
trouverez des fichiers PDF de tous ses livres ici et de nombreux
enregistrements audio ici. Enfin (pour aujourd’hui), ce documentaire de
47 minutes est un incontournable (avertissement de propos déclencheurs
pour les survivant.e.s d’agression sexuelle).
« Si vous savez ce qui doit être renversé, renversez-le. » (Andrea Dworkin)Mickey Z.
D’autres textes de Mickey Z. se trouvent ici.
Version originale : http://worldnewstrust.com/thank-you-andrea-dworkin-mickey-z
Traduction : TRADFEM
1Citation tirée du roman Ice and Fire. (ndt)
2Discours « The Root Cause », Our Blood, 1976. (ndt)
3Discours « The Root Cause », Our Blood, 1976. (ndt)
4Discours « The Rape Atrocity and the Boy Next Door », dans Our Blood, 1976. (ndt)
Source : https://tradfem.wordpress.com/2016/05/11/mickey-z-merci-andrea-dworkin/
Commentaires
Enregistrer un commentaire