Un rock star britannique avec trois « bébés groupies », dont Lori Maddox (à droite), au début des années 70.
par Meghan Murphy, initialement publié sur Feminist Current.
Nous avons la chance, en tant qu’espèce, de pouvoir
avoir en tête plus d’une idée en même temps. Nous pouvons aimer des
films qui ne correspondent peut-être pas à nos valeurs politiques,
danser sur de la musique faite par des couillons, et aimer de l’art créé
par des demeurés. En réalité, c’est ce que nous faisons quasiment tout
le temps, sans quoi il nous resterait bien peu d’options pour nous
divertir. La réalité est que la plupart de nos vedettes préférées du
monde du cinéma, de la musique ou de l’art sont… – attendez… vous
devriez peut-être vous asseoir – … plutôt stupides.
Je suis désolée mais c’est la vérité.
Je déteste écouter à la radio les interviews des
stars du cinéma ou de la musique que j’aime, parce qu’elles sont pour la
plupart d’une nullité sans bornes. Je suis fatiguée par cette culture
qui cherche absolument à ce que les célébrités soient tout à la fois :
intellectuels, commentateurs politiques, guides spirituels… C’est
ridicule. Les comédien.ne.s sont des comédien.ne.s, les stars du rock
sont des stars du rock, les artistes sont des gens qui font de l’art.
Aucune de ces compétences ne qualifie nécessairement ces personnes pour
d’autres activités. S’ils et elles se trouvent être intelligent.e.s avec
des positions politiques avisées, tant mieux. Mais, comme pour
n’importe quelle autre vedette très riche et égocentrique, il est rare
que nos idoles partagent nos valeurs éthiques et politiques.
Cette réalité est pire quand nous parlons de vedettes
masculines. Ceci parce que nous vivons dans une société misogyne qui,
non seulement apprend aux hommes que les femmes ne sont pas tant des
êtres humains ayant droit au respect, mais qu’elles sont des cibles
semblables à une voiture ou à une montre de grand prix : des objets
auxquels on a plus facilement accès par la gloire et le fric.
« L’argent, le pouvoir, les femmes », voilà le rêve américain des
hommes, et c’est un rêve qui place au premier plan les marchandises et
qui range les femmes parmi ces marchandises.
Cette dynamique est tout à fait liée à la culture du
viol – le fait qu’une violence sexualisée et un droit masculin d’accès
sexuel aux femmes sont si normalisés que même notre définition d’un
rapport sexuel « consensuel » est imprégné de ces mêmes valeurs. Le sexe
est quelque chose dont les hommes « s’emparent », par tous les moyens
possibles, et lorsqu’ils l’« obtiennent », ils sont félicités, on les
fait se sentir puissants et virils – comme de vrais hommes – au lieu de
les sanctionner.
En sachant tout cela, est-ce véritablement un choc de
découvrir que tant de nos artistes et nos vedettes masculines préférées
s’avèrent avoir été des agresseurs tarés ? Je ne dis pas cela pour
excuser leur comportement – je ne dis surtout pas « les hommes sont
comme ça » – je dis : n’idéalisez pas vos idoles. Surtout lorsque
celles-ci sont des hommes. Les stars du rock ne sont pas des dieux. Et
lorsque que votre comédien, réalisateur, ou musicien préféré, s’avère
être un violeur ou un conjoint violent, essayez de ne pas laisser votre
admiration brouiller cette réalité. Cela ne veut pas dire que vous devez
vous mettre à ne plus aimer la musique que cet homme a pu faire et
oublier l’impact de cette forme d’art a pu avoir dans certains moments
de votre vie ; mais cela ne veut pas dire non plus que vous devez
ignorer la vérité au sujet de ces hommes, simplement parce que ça
entrave votre souhait de baigner tranquillement dans une nostalgie
confortable.
Ceci dit, voici une liste d’hommes qui ont produit ce
que beaucoup considèrent comme des musiques super mais qui n’étaient
pas nécessairement des gens super :
1) Jimmy Page a kidnappé Lori Maddox alors âgée de 14
ans et l’a violée (nous sommes toutes et tous conscients que kidnapper
une adolescente de 14 ans et avoir des rapports sexuels avec elle ne
peut jamais être considéré comme des actes « consensuels », n’est-ce
pas ?)
2) John Lennon a ouvertement admis avoir battu des femmes au début de sa carrière.
3) James Brown était un mari extrêmement violent qui,
de façon régulière, a passé à tabac sa seconde épouse, Deirdre Jenkins.
Elle ne fut pas la seule. La troisième épouse de Brown, Adrienne
Rodriguez, l’a fait arrêter quatre fois pour agression et, en 2005, une
femme du nom de Jacque Hollander l’a accusé d’un viol, commis en 1988.
4) Michael Jackson, évidemment…5) Miles Davis a reconnu avoir régulièrement agressé ses épouses.
6) Le guitariste des Rolling Stones, Bill Wyman, est
« sorti » avec Mandy Smith, âgée de 13 ans, alors qu’il en avait 47. Il a
fini par l’épouser.
7) Tupac a été arrêté en 1993 pour violences
sexuelles envers une jeune femme de 19 ans. De ce qu’il en ressort, ça
aurait été un viol collectif commis avec trois de ses amis. (Je dois
dire que cette affaire est un coup dur pour moi…)
8) Sid Vicious violentait Nancy Spungen et a été condamné pour son meurtre.9) Chuck Berry a été condamné pour avoir transporté entre plusieurs États une adolescente autochtone pour du sexe avec elle.
10) Ozzy Osbourne a essayé de tuer sa femme (et fut arrêté pour violences conjugales) en 1989.
11) Iggy Pop a eu des rapports sexuels avec la « bébé groupie » Sable Star quand elle avait 13 ans.
12) Dr. Dre a battu deux femmes dans les années 90.
13) Il est connu que Ike Turner a violenté sauvagement Tina Turner au cours de leur mariage.
14) Elvis Presley a commencé à s’intéresser a
Priscilla Presley alors qu’elle n’avait que 14 ans et lui 24. En
repensant à leur relation, celle-ci a dit « J’étais une personne que lui
avait créée. J’étais juste une gamine et il me dévorait. Tout ce que je
souhaitais était de ne pas le décevoir ».
15) En 1992, Jean Cusseaux, la petite amie de Wilson Pickett, a porté plainte contre lui pour violence conjugale.
16) R. Kelly, que certains ne trouvent peut-être pas
« super » mais dont j’étais fan, comme beaucoup d’autres l’étaient ou le
sont encore, a violé jeune fille après jeune fille. (Il a aussi épousé
Aaliyah lorsqu’elle n’avait que 15 ans).
17) A 27 ans, Steven Tyler a réussi à convaincre la
mère de Julia Holcombs, alors âgée de 14 ans, de lui confier la garde de
sa fille afin qu’il puisse lui faire passer les frontières et l’amener
avec lui en tournée. Holcomb a dit à propos de sa relation avec Tyler
« Je lui étais soumise comme dans une relation parentale et j’avais le
sentiment de n’avoir que très peu de contrôle sur ma vie ». Elle
mentionne aussi que Tyler fait référence à elle dans ses mémoires en
l’appelant « ma Petite Annie Orale ».
18) Enfin, Lori Maddox a dit à la revue Thrillist,
qu’au début des années 70, « [David Bowie] m’a conduite jusqu’à la
chambre, a retiré doucement mes vêtements et m’a dépucelée ». Elle a
continué :
« Deux heures plus tard, je suis allée voir comment
allait Sable. Elle était dans le salon complètement défoncée, elle
tournait en rond, faisait de la buée sur les vitres et écrivait « Je
veux baiser David ». J’ai dit [à Bowie] ce qu’elle faisait et que je me
sentais très mal. Bowie a répondu « Et bien chérie, fais-la entrer ».
Cette nuit là j’ai perdu ma virginité et fait mon premier plan à trois.
Le matin suivant, quelqu’un tambourinait à la porte et c’était cette
conne d’Angie [l’épouse de Bowie]. »
C’est arrivé lorsque Mattix avait 13 ou 14 ans (certaines sources pensent qu’elle en avait 15, mais dans un documentaire elle indique que cela s’est passé avant qu’elle ne soit avec Jimmy Page, à 13 ou 14 ans). Celui-ci a aussi été accusé de viol en 1987.
Cette liste pourrait continuer… Et bien que nous
soyons libres de continuer à valoriser et aimer la musique que ces
hommes ont créée, l’envie de s’en délecter ne devrait pas prendre le
dessus sur la réalité de la culture du viol et de la violence
anti-femmes qui la sous-tend. En fait, nier cette vérité a pour effet de
perpétuer toute la culture qui a rendu possible l’existence de ces
violences.
Illustration de Meghan MurphyMeghan Murphy est écrivaine et journaliste
indépendante, secrétaire de rédaction du soir pour le site rabble.ca,
et fondatrice et directrice du site Feminist Current. Elle a obtenu une
maîtrise au département d’Études sur les femmes, le genre et la
sexualité de l’Université Simon Fraser en 2012.
Meghan a commencé sa carrière radiophonique en 2007,
dans une caravane installée au milieu d’un champ de moutons. Son
émission s’appelait « The F Word » et était diffusée à partir d’une
toute petite île au large des côtes de la Colombie-Britannique. Elle a
pleinement profité de la liberté que lui laissait cette radio pirate :
buvant de la bière à l’antenne, lisant des passages d’Andrea Dworkin, et
passant du Biggie Smalls. Elle est revenue à Vancouver, où elle a
rejoint l’émission de radio nommée, coïncidence, elle aussi « The F
Word », qu’elle a produite et animée jusqu’en 2012. Le podcast de
Feminist Current est le projet « radio » actuel de Meghan, une façon de
communiquer une analyse critique féministe progressiste à quiconque s’y
intéresse. Feminist Current est une émission syndiquée à Pacifica Radio
et hébergée par le réseau de podcasts Rabble.
Meghan blogue sur le féminisme depuis 2010. Elle
n’hésite pas à penser à contre-courant et a été la première à publier
une critique des défilés Slutwalk, en 2011. C’est l’une des rares
blogueuses populaires à développer en public une critique à la fois
féministe radicale et socialiste de l’industrie du sexe. Les critiques
adressées par Meghan au #twitterfeminism, à la mode du burlesque, à
l’auto-objectivation des selfies, et au féminisme du libre choix lui ont
valu une foule d’éloges et d’attaques, mais surtout une reconnaissance
comme écrivaine qui n’a pas peur de dire quelque chose de différent, en
dépit de ce que le féminisme populaire et les grands médias décrètent
comme ligne du parti.
Vous pouvez trouver ses écrits en version originale
dans les médias Truthdig, The Globe and Mail, Georgia Straight, Al
Jazeera,Ms. Magazine, AlterNet, Herizons, The Tyee, Megaphone Magazine,
Good, National Post, Verily Magazine, Ravishly, rabble.ca,xoJane, Vice,
The Vancouver Observer et New Statesman. Meghan a également participé à
l’anthologie Freedom Fallacy : The Limits of Liberal Feminism.
Meghan a été interviewée par Radio-Canada, Sun News,
The Big Picture avec Thom Hartmann, BBC Radio 5, et Al Jazeera, ainsi
que dans de nombreux autres médias.
Isabelle Alonso a publié une interview d’elle sur son blog.Vous pouvez la suivre sur Twitter @MeghanEMurphy.
Source : https://tradfem.wordpress.com/2016/01/26/meghan-murphy-une-longue-liste-de-musiciens-masculins-super-qui-netaient-pas-des-gens-super/
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