Une étude expérimentale montre que le tiers des hommes pousseraient
la séduction jusqu’à l’agression s’ils étaient assurés de ne pas être
poursuivis
L’effet de l’alcool
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Photo : Tomaz Levstek iStock |
Le chercheur a été en mesure de démontrer que
les hommes sont tous capables de percevoir un refus clair, mais qu’ils
ont énormément de difficulté à décoder un refus plus subtil, qui se
traduit par une absence d’intérêt.
Plongés dans une mise en situation où une femme
indique un intérêt sexuel et refuse ensuite d’aller plus loin, 30 % des
hommes ayant participé à une étude expérimentale rapportent
explicitement une intention de commettre un viol s’ils étaient assurés
de ne jamais être poursuivis.
Marie et Martin reviennent d’une soirée arrosée dans
un bar. Ils s’installent sur le divan et commencent à s’embrasser.
Lorsque Martin touche les seins de Marie et commence à essayer de la
dévêtir, celle-ci émet de premières réticences. Martin se fait
convaincant et s’ensuit un nouvel échange de baisers. Marie énonce de
façon de plus en plus claire qu’elle ne veut pas avoir de relation
sexuelle avec Martin, mais celui-ci poursuit ses avances. La bande audio
se termine juste avant l’agression sexuelle.
C’est le scénario devant lequel étaient placés 150
hommes âgés de 21 à 35 ans qui ont répondu à l’appel de Massil
Benbouriche, docteur en psychologie et titulaire d’un Ph. D. en
criminologie. Ce dernier a mené cette étude expérimentale sur les effets
de l’alcool et de l’excitation sexuelle en matière de coercition
sexuelle dans le cadre une thèse qu’il vient de publier en cotutelle à
l’École de criminologie de l’Université de Montréal et du Centre de
recherche en psychologie à l’Université Rennes 2.
Stratégies de coercition sexuelle
Dans un premier temps, les hommes étaient invités à
déterminer si et quand la jeune femme ne souhaitait plus avoir une
relation sexuelle. Par la suite, on leur demandait d’indiquer comment
ils auraient fait pour avoir une relation sexuelle avec Marie en
rapportant, sur une échelle de 0 à 100 %, s’ils lui auraient menti pour
lui dire ce qu’elle veut entendre, s’ils auraient continué à la caresser
et à l’embrasser pour essayer de l’exciter ou proposé à Marie de boire
un verre. À cette question, 50 % des participants estiment qu’ils
auraient pu utiliser de telles stratégies. « Si les individus ne
rapportent pas qu’ils useraient nécessairement de telles stratégies, ils
ne sont pas non plus en mesure d’exclure la possibilité d’utiliser des
stratégies coercitives », explique le chercheur.
À la question suivante, on demandait aux hommes s’ils
auraient eu un rapport sexuel avec Marie malgré l’absence de
consentement, dans la mesure où ils étaient absolument certains que
celle-ci ne porterait pas plainte. « C’est une question qui a été
élaborée par le chercheur Malamuth dans les années 1980 et qui est très
peu utilisée parce que les chercheurs la considèrent comme trop
explicite. Pour le dire simplement, on se dit que personne n’est assez
bête pour répondre oui à une question comme ça. »
Et pourtant, à la grande surprise du chercheur, un
participant sur trois a répondu par l’affirmative. « Ce qui m’apparaît
extrêmement alarmant et problématique, c’est que ce pourcentage est
similaire à celui qu’on retrouvait dans les années 1980 [dans les études
de Malamuth]. Il aurait été légitime d’attendre que les politiques de
prévention mises en avant sur les campus, et plus largement une forme de
sensibilisation accrue du grand public, contribuent à diminuer
significativement ces intentions comportementales, et en particulier
l’intention comportementale de commettre un viol. Or, il n’en est
rien. »
Le chercheur a également été en mesure de démontrer
que les hommes sont tous capables de percevoir un refus clair, mais
qu’ils ont énormément de difficulté à décoder un refus plus subtil, qui
se traduit par une absence d’intérêt. « Ce que ça veut dire, c’est que
pour beaucoup d’hommes, l’expression d’une absence de consentement — à
distinguer d’un refus clair — peut être interprétée comme une résistance
de façade ou une invitation à faire plus d’efforts. »
La thèse de M. Benbouriche déboulonne une autre
théorie selon laquelle l’alcool est un facteur de risque important en
matière de coercitions dans la mesure où il peut avoir un effet sur la
perception erronée des intentions comportementales. Or, cela n’est pas
le cas, constate le chercheur, qui s’est trouvé — encore une fois —
surpris des résultats.
En effet, l’alcool n’a d’effet que sur une catégorie
de gens bien précise, ceux qui adhèrent à la culture du viol et qui
pensent, par exemple, qu’une femme est responsable du viol si elle porte
une minijupe. Sans alcool, ces individus sont capables d’aller à
l’encontre de leur « interprétation biaisée » et ont des réponses
similaires aux autres répondants. Mais lorsqu’ils ont consommé de
l’alcool, ils sont plus lents à détecter le refus de la femme. « Ces
individus-là ont plus de risques, s’ils boivent de l’alcool, d’être plus
lourds, plus insistants, de poser plus de gestes et de comportements
déplacés avant de finir par reconnaître une absence de consentement
sexuel », explique le chercheur. C’est également dans cette catégorie
spécifique que se trouve la très grande majorité des participants ayant
dit qu’ils seraient prêts à passer à l’acte malgré l’absence de
consentement. « En matière de politique de prévention, c’est un détail
extrêmement important », conclut le chercheur.
Source :http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/482819/l-homme-est-un-loup-pour-la-femme
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