La féminité et la masculinité
n’existent qu’au travers de la perception bipolaire d’une réalité
humaine. Ce système de pensée, qui s’organise autour d’un processus de
classification hiérarchique des choses matérielles et abstraites ainsi
que des êtres, est à la fois la cause et la conséquence de notre
acceptation de la domination. Ce conditionnement mental intervient dès
la naissance et se poursuit jusqu’à la mort, notamment par le langage,
l’éducation, les jouets, la publicité et la prostitution et ce de
génération en génération.
Mais il n’y a pas de fatalité car en tant
qu’humain-e-s nous avons la capacité de nous redéfinir. Ni une
quelconque divinité, ni la « nature » ne nous manipule. L’observation de
sociétés très différentes de la notre montre qu’il n’y a pas de
fatalité biologique, mais bien des constructions sociales à l’origine du
genre. Chez les Chambulis, en Nouvelle-Guinée, de nombreuses
caractéristiques dites masculines ou féminines sont inversées par
rapport aux nôtres(2).
Toutes les caractéristiques que peut avoir une
personne font partie de l’immense potentiel présent dans chaque être
humain qui se décline en un nombre infini de variations. Ces variations
sont étiquetées par l’idéologie dominante comme féminines ou masculines.
Il en découle l’institution de catégories qui induisent l’assignation
des personnes dans une classification hiérarchique.
Le recours à la biologie pour justifier la
classification par catégories de genre n’est qu’un mauvais prétexte. On
pourrait même faire appel à la biologie pour démontrer le contraire. En
effet, y compris du point de vue biologique, il n’y a pas de rupture
entre les femelles et les mâles, il y a un continuum.
De plus, les humain-e-s sont culturel-le-s plutôt que
naturel-le-s jusque dans leurs anatomies. Les récentes découvertes en
matière d’étude du cerveau humain démontrent la plasticité(3) de ce
dernier. Le cerveau d’une personne se modifie pour s’adapter aux
informations et aux attentes qui proviennent de l’environnement social
dans lequel se trouve cette personne. Cette plasticité du cerveau permet
l’évolution du rapport au monde et l’éveil du sens critique de la
personne, mais elle la rend également vulnérable aux processus de
conditionnements mentaux qui interviennent depuis la naissance. C’est ce
que démontrait déjà en 1973 Elena Gianini Belotti avec Du côté des
petites filles (4). Il n’y a donc pas davantage de différence innée
entre le cerveau d’un mâle et celui d’une femelle, qu’entre les cerveaux
de deux femelles ou de deux mâles. La seule chose qui soit
universellement partagée entre tou-te-s les humain-e-s, c’est le fait
d’être doté-e-s de conscience. Mais « cette universalité n’est pas
donnée, elle est perpétuellement construite » (5) et elle prend autant
de formes que de cerveaux pour participer à sa construction.
Il ne suffit pas de « dé-biologiser le genre » pour
détruire la hiérarchisation entre les caractéristiques dites masculines
et féminines. Il est scientifiquement démontré qu’il n’y a pas de
« races » au sein de l’humanité.
Beaucoup de personnes en conviennent tout en agissant
en racistes. Pour ces individu-e-s le concept « race » est dé-biologisé
mais garde toute sa signification. Leurs actes restent les mêmes
qu’avant la « dé-biologisation » de la « race ». Elle-il-s demeurent
xénophobes et le problème reste entier. « 0% raciste-100% identité »
peut-on lire sur certains de leurs sites internet.
Se dégenrer ce n’est pas passer d’un genre à l’autre,
ni se situer entre les deux. Se dégenrer c’est détruire la
catégorisation par le genre et non multiplier les catégories de genre.
Définir comme une fin en soi le passage d’un genre à l’autre et affirmer
qu’il suffit de cela pour dépasser le genre c’est admettre cette
catégorisation comme une fatalité et l’entériner en s’y conformant. Par
conséquent, on ne peut se dégenrer individuellement.
Une personne peut passer d’un genre à l’autre ou
s’identifier comme étant entre les deux. Cela peut être important pour
elle, et elle est la seule à pouvoir définir les conditions de son
bien-être. Cependant, elle ne sera pas dégenrée tant qu’elle-même et la
société identifieront ses caractéristiques comme féminines et/ou
masculines, au lieu d’estimer qu’elles ne sont ni l’une ni l’autre, mais
simplement les siennes, indépendamment de la forme de ses organes
génitaux et de celle des personnes avec lesquelles elle a des relations
sexuelles.
Ces caractéristiques sont modifiables, car en
perpétuelle évolution en fonction des choix (par désir ou par dépit) que
la personne fait consciemment ou inconsciemment. Elles sont aussi
inaliénables et pourraient, à ce titre, être considérées comme propre à
cette personne plutôt que servir de prétexte à son enfermement dans une
catégorie. Si les caractéristiques humaines n’étaient pas classées en
deux genres, l’identité de chaque personne ne serait pas réduite à
l’appartenance à l’une de ces catégories.
En revanche, amplifier la catégorisation par le genre
en classant les personnes dans des catégories intermédiaires entre le
masculin et le féminin ne fait que complexifier la lutte pour échapper à
la classification.
(1) Simone de Beauvoir - Le Deuxième Sexe (Tomes 1 et 2)(2) Margaret Mead - Moeurs et sexualité en Océanie
(3)Catherine Vidal - Le cerveau a-t-il un sexe ?
(4) Elena Gianini Belotti – Du côté des petites filles
(5) Jean-Paul Sartre - L’existentialisme
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