L’argumentation queer en faveur d’une décriminalisation de la prostitution et du proxénétisme ne résiste pas à un examen minutieux.
Un article de Julie BINDEL (sur Twitter @bindelj), publié dans The Independent, le 19 août 2017

La prostitution profite aux hommes qui souhaitent
coloniser le corps des femmes, alors que la capacité d’échapper à la
contrainte à l’hétérosexualité concerne la liberté personnelle de
définir sa propre sexualité.
Le mouvement alléguant des « droits des
travailleurs du sexe » s’est stratégiquement aligné sur le mouvement des
droits des gais et lesbiennes. (Photo : AFP/Getty)
Au cours des dernières décennies, des campagnes dites
de « droits des travailleurs du sexe » visant à décriminaliser le
proxénétisme et l’achat de sexe se sont greffées aux luttes de
libération des lesbiennes et des gais (ou, si vous souhaitez être à la
mode, de la constellation LGGBDTTTIQQAAPP). Il est logique à bien des
égards que le mouvement pro-prostitution se présente comme faisant
partie d’une fière campagne de justice sociale, puisqu’il contribue à
perpétuer le mythe selon lequel la prostitution est libératrice.
J’ai entendu plusieurs fois des lobbyistes
pro-prostitution comparer la campagne visant à légaliser le
proxénétisme, la tenue de bordels et l’achat de sexe, avec la campagne
qui a remporté, en 1967, une décriminalisation partielle des actes
homosexuels au Royaume-Uni. En tant que lesbienne qui ne m’est jamais
cachée et qui en est fière, je trouve cette analogie aussi offensante
que traîtresse. La prostitution profite aux hommes qui souhaitent
coloniser le corps des femmes, alors que la capacité d’échapper à la
contrainte à l’hétérosexualité concerne la liberté personnelle de
définir sa propre sexualité.
Le féminisme libéral (celui des « fun feminists »)
appuie depuis longtemps le lobby de la prostitution. Il le fait en
accordant foi aux mensonges selon lesquels la prostitution peut être
« sexuellement libératrice » pour les femmes et en tentant de
s’associer, d’une façon ou d’une autre, à d’autres campagnes critiques
du contrôle patriarcal de notre corps. Par exemple, la Sex Workers
Alliance of Ireland (Alliance des travailleurs sexuels de l’Irlande) a
prétendu tout de go l’an dernier qu’il existait un alignement étroit
entre le mouvement pro-choix et la campagne visant à décriminaliser le
proxénétisme et l’achat de sexe. L’argument utilisé par la SWAI était
que les deux concernent l’autonomie du corps, alors qu’en réalité, le
mouvement pro-prostitution plaide pour le « droit » des femmes
appauvries à être sexuellement livrées aux hommes en échange d’argent.
Témoignage d’une femme sortie de la prostitution sur les libérales » qui les y maintiennent.
Cet argument est obscène. La prostitution concerne le
droit des hommes d’accéder au corps des femmes et de nous considérer et
nous traiter comme des marchandises. La campagne féministe pour
l’avortement légal est le contraire exact de cette dynamique, en
défendant le droit pour chaque femme d’être exempte de l’oppression
patriarcale.
En ignorant le fait que les jeunes hommes et les
jeunes femmes qui sont rejeté·e·s par leur famille et leur communauté,
ou isolé·e·s et intimidé·e·s par leurs pairs, risquent de se retrouver
sans abri et forcé·e·s à l’exploitation sexuelle, nous trahissons cette
jeunesse. J’ai rencontré plusieurs jeunes lesbiennes et gais en fugue
qui ont été poussé·e·s à la prostitution par des proxénètes en quête de
proies faciles.
Les lobbyistes pro-prostitution savent très bien
l’avantage de s’aligner sur un groupe plus large d’activistes dits
« subversifs ». Le mouvement se réclamant de « droits des travailleurs
du sexe » trouve l’occasion d’un plus vaste soutien dans cette nouvelle
alliance qui se développe sous la bannière arc-en-ciel.
L’une des activistes qui ont bénéficié de la
convergence du mouvement LGBT et du lobby pro-prostitution est Irina
Maslova, fondatrice en Russie du projet Silver Rose. « Nous avons des
femmes, des hommes et des transgenres, et des gens faisant différents
types de travail du sexe comme le striptease, le sadomasochisme et ainsi
de suite », m’a déclaré Maslova. « Ils ont donc réussi à unir ce
mouvement en en trouvant le dénominateur commun. »
J’ai aussi rencontré une autre activiste, Sia, une
féministe, lors d’un voyage de recherche en Australie l’année dernière.
Elle m’a dit avoir commencé à fréquenter le milieu queer et s’être
rapidement sentie pressée d’expérimenter le « travail du sexe ».
« À bien des égards, la prostitution y était très
acceptée, en particulier au sein de la scène queer », dit Sia. « J’ai
travaillé avec d’autres lesbiennes et nous nous trouvions géniales. »
Je lui ai demandé pourquoi elle pensait que les
individus identifiés au queer désiraient tant accréditer le mythe
entourant le travail du sexe ? « C’était cool et tendance », explique
Sia. « C’était une image. Ça faisait partie du climat de la fête, de la
prise de drogues. En fin de compte, il y a eu beaucoup de dégâts pour
plusieurs des femmes qui ont participé à cela. »
J’ai également interviewé Thierry Schaffauser, un gai
qui est militant des « droits des travailleurs du sexe », au sujet du
lien entre ces deux mondes. « C’est comme être un homme gai dans les
années 1950 », m’a-t-il dit. « La police est là pour vous arrêter, et
non pour vous protéger. Lorsque des gens essaient de vous empêcher pour
votre bien de faire le travail du sexe, c’est ce que faisait la police
et ce n’est pas ce que je veux. »
La prostitution est omniprésente dans la sphère
commerciale du monde homosexuel, comme les bars, les clubs, les saunas,
etc. Plusieurs gais m’ont dit que dans leur jeunesse, on s’attendait
presque à ce qu’ils complètent leurs revenus en vendant du sexe à des
hommes plus âgés. Un certain nombre d’hommes m’ont dit ne plus
fréquenter de bars gais commerciaux par écœurement de voir les
publicités de « garçons à louer » affichées dans les magazines gais.
Je fouille cette question plus avant dans mon nouveau
livre The Pimping of Prostitution — Abolishing the Sex Work Myth, et
j’en conclus que la prostitution n’est pas une forme de sexualité. Il
existe une nette différence entre une préférence ou une identité
sexuelle et la prostitution (une forme de violence masculine). Les
jeunes qui s’affirment en tant que lesbienne ou gai méritent notre
soutien et une protection contre l’intolérance. Ils ne méritent pas de
se faire conter le mensonge insultant que vendre leur autonomie sexuelle
est la même chose que célébrer leur sexualité.
Le livre de Julie Bindel The Pimping of Prostitution —
Abolishing the Sex Work Myth (Le proxénétisme de la prostitution :
Abolir le mythe du travail du sexe) sera publié par Palgrave Macmillan
le 27 septembre 2017. Détails sur le lancement du livre à Londres et un
débat entourant le sujet.
Version originale de cet article : http://www.independent.co.uk/voices/prostitution-decriminalisation-queer-argument-lgbtq-exploitation-patriarchy-a7901716.html
Traduction : TRADFEM, avec l’accord de Mme Bindel.
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