Par Jaqueline Sephora Andrews, sur le blogue GenderApostates
Activiste de longue date, Jaqueline Sephora Andrews est décédé subitement en 2016. On peut lire plusieurs autres de ses textes au https://jaquelineandrews.wordpress.com/
Source : https://tradfem.wordpress.com/2017/04/07/la-violence-masculine-est-le-probleme-et-les-transfemmes-la-commettent-aussi/
L’ampleur dévastatrice de la violence masculine à
l’égard des femmes et des transfemmes est sous-déclarée et
sous-reconnue, et la violence perpétrée par certaines transfemmes contre
les femmes est niée en bloc. On peut constater une bonne part de
l’hostilité venimeuse que ressentent ces transfemmes envers les vies et
les convictions des femmes dans la guerre qui déferle actuellement sur
l’internet, et de plus en plus dans le monde réel, entre les féministes
et les transactivistes, une guerre sur ce que signifie être une femme,
être une transfemme et être membre d’une espèce humaine qui présente un
dimorphisme sexuel. À titre d’homme transsexuel qui souhaite analyser le
système de genre dans lequel je vis, et qui veut contester une culture
des transfemmes qui reflète les comportements et les attitudes des
hommes non transsexuels, j’espère utiliser cet article pour analyser ce
désaccord, ainsi que les attitudes et comportements qui surgissent dans
le cadre de cette discussion.
La violence masculine est réelle, perverse,
dégoûtante, abyssale, et elle constitue une pandémie mondiale. Les
femmes et les filles vivent partout dans le monde aux mains des hommes
des niveaux de violences vraiment horribles : 35 % des femmes ont été
victimes « soit de la violence physique et/ou sexuelle d’un partenaire
intime, soit de la violence sexuelle d’un non-partenaire ». Ce sont donc
35 % de PLUS DE LA MOITIÉ DE LA POPULATION MONDIALE qui vivent des
violences sexuelles. Il s’agit d’une violence infligée à des femmes par
des hommes pour le seul crime d’être une femme. Cette culture de la
violence masculine est également omniprésente dans la violence infligée
aux personnes transsexuelles. Un sondage mené au sein de l’Union
européenne sur la violence contre elles a révélé que 79 % de 2669
répondants et répondantes avaient vécu une forme de harcèlement allant
de commentaires transphobes à des violences physiques et sexuelles. Un
autre rapport a constaté que 50 % des personnes trans avaient vécu des
violences sexuelles. Toutes ces études, indépendamment de leur
exactitude respective, peuvent servir à mettre en lumière la même
conclusion : il existe, dans le monde entier, une culture d’hommes
commettant de la violence, y compris de la violence sexuelle, à un
niveau vraiment sous-reconnu, contre les personnes que ces hommes
considèrent comme des non-hommes et donc méritoires de violence (que ce
soit à cause de leur nature féminine ou d’une masculinité jugée
insuffisante).
La violence masculine est un problème qui marque et
va continuer à marquer la vie de plusieurs personnes, et c’est aussi
vrai dans mon cas personnel. J’ai été tyrannisé sans relâche durant mes
années d’étude pour ne pas m’acquitter assez bien du rôle « masculin »,
pour être visiblement homosexuel et pour être non conforme aux
stéréotypes de genre. Cela m’a causé des dommages irrémédiables, a
inhibé ma capacité de former des amitiés et des relations saines avec
les hommes, et cela m’imposera toujours les séquelles d’une grave
tentative de suicide. Donc, veuillez m’excuser d’avoir une relation
hésitante avec les hommes et avec les personnes qui agissent de façons
reflétant celle dont j’ai été traité par d’autres hommes – et cela
inclut bien d’autres transfemmes. Mon expérience n’est pas
exceptionnelle ; mes conversations avec beaucoup de transfemmes que je
connais m’ont appris le caractère courant de cette expérience de ne pas
correspondre au rôle de genre masculin et de vivre des violences
dirigées contre nous comme conséquence directe de notre non-conformité
de genre.
Avant de continuer, permettez-moi de préciser ma
définition de « transfemme », afin d’éviter tout malentendu. À mon
sens, les transfemmes sont des hommes qui modifient leur corps pour se
permettre de vivre, au meilleur de leurs capacités, dans le rôle social
de « femme ». Ce comportement ou traitement peut être désiré pour
diverses raisons, y compris une dysphorie sexuelle intense, un dégoût de
la masculinité, ou plus communément et comme c’est le cas pour moi, un
mélange de ces deux raisons. Voilà comment j’interprète la
transsexualité et le statut de transfemme, et si vous souhaitez en
savoir plus, je vous invite à lire mon essai intitulé « Transwomen Are
Women Period… Or Not (And That’s Okay) » – reproduit au http://snowflakeespecial.tumblr.com/post/119780852693/transwomen-are-women-period-or-not.
Pour revenir à mon argument de départ, et compte tenu
de cette définition, si des transfemmes souhaitent vivre dans le rôle
social de « femme », les transfemmes devraient – et insérez ici un
massif « EN THÉORIE » – être des individus tolérants qui agissent et se
comportent d’une manière faisant preuve d’empathie pour les femmes. En
tant qu’êtres humains, nous devons nous respecter, mais nous avons
également certaines expériences en commun, et nos deux groupes vivent (à
des degrés différents et variables) la difficulté de vivre en régime
patriarcal où nous sommes considérés comme inférieurs (les femmes pour
être des femmes, et les transfemmes pour être incapables de performer la
masculinité violente, nous révélant ainsi être des « hommes
inutiles »). Malheureusement, cette solidarité ne s’avère pas. Au lieu
de cela, nous habitons un monde où des transfemmes attaquent des femmes
parce que ces dernières comprennent que la biologie existe et que les
femmes et transfemmes diffèrent biologiquement ; quant aux lesbiennes,
on les informe qu’elles doivent voir les hommes comme des partenaires
sexuels si ceux-ci s’exclament posséder une « identité féminine ». Ce
phénomène est de plus en plus fréquent chez des « transfemmes » dont la
transition s’effectue après une vie entière à bénéficier du privilège
masculin et du patriarcat en tant qu’hommes conformes aux stéréotypes de
genre, ceux-là même qui ont promu et continuent à promouvoir des
violences misogynes et homophobes à l’égard des femmes, et des hommes
non conformes en matière de genre. Ces transfemmes font étalage de leur
domination masculine et, loin de lutter contre les entraves du rôle
masculin, y ont prospéré.
Les comportements dont font preuve ces
« transfemmes » (j’utilise des guillemets parce que nous ne sommes pas
dupes, mais aussi pour reconnaître que ces gens partagent ma condition,
malgré ma consternation) sont inexcusables ; ils reflètent explicitement
ceux des hommes violents qui attaquent les femmes et les transfemmes.
Il existe une culture croissante de ce comportement qui est commis et
non seulement excusé mais encouragé, puisque ceux qui se livrent à de
violentes attaques contre les femmes sont récompensés par des éloges. Je
trouve incroyablement bouleversant que ce comportement soit commis au
nom d’un mouvement, le transactivisme, qui est censé exister à mon
intention. Je trouve également troublant le recours croissant à
l’expression « transphobe » comme étiquette servant à censurer des
femmes de manière socialement acceptable. Ces « activistes des droits
des transgenres » défendent non pas un monde où nous pourrions vivre
exempt.e.s de violence masculine, mais un monde qui nous exempterait
toute critique de la part de celles auprès de qui (ou plutôt « en tant
que qui », comme on le dit plus souvent) nous souhaitons nous
« identifier », ce qui ne cesse de me dégoûter.
Si vous entretenez encore l’illusion que ce
comportement ne reflète pas ceux que les hommes utilisent contre les
femmes et contre les transfemmes, vous n’avez pas à chercher plus loin
que du côté des « alliés masculins » non transsexuels du mouvement
transgenre, qui reprennent joyeusement les termes utilisés par des
militants transgenres pour faire taire les femmes. Le hasard faisant
bien les choses, ces hommes amassent ainsi des points comme
« super-justiciers » alors même qu’ils réitèrent l’oppression masculine
des femmes. Ces « alliés masculins » démontrent ainsi que le
transactivisme est vraiment un mouvement qui existe pour ramener les
femmes au silence, à la soumission et à l’obéissance, et pour permettre
aux hommes de vivre libres de la contrainte de penser aux femmes en tant
qu’êtres humains et égaux, des êtres ayant leurs propres expériences,
vies, droits et opinions. Je constate de plus en plus que des gens qui
prétendent être comme moi et partager mon vécu sont des personnes qui
répètent les paroles, les comportements et les actes de ceux qui m’ont
harcelé, insulté, agressé et violenté. Les personnes qui disent
« défendre mes droits » dans cette guerre contre les femmes utilisent
les mêmes techniques et actions que celles qui ont servi à me pousser au
suicide, et je trouve cela angoissant. Nous avons des « transfemmes »
qui exigent que je les considère comme des égales, faute de quoi je suis
un « Truscum », qui exigent de parler en mon nom et qui exigent que je
me plie à leurs diktats « sinon… » Nous avons des « transfemmes » aux
comportements prédateurs qui refusent de reconnaître que mes expériences
existent et sont valides, pour ensuite prétendre qu’elles sont
« exactement comme moi » et que nous avons une « sororité »
indestructible. Chaque action, chaque mouvement de ces gens s’éloigne en
peu plus de l’aide dont moi et les gens comme moi (les transsexuels)
avons besoin et se rapproche un peu plus d’un effacement de mes
expériences vécues en tant que transsexuel qui était un garçon non
conforme aux stéréotypes de genre avant sa transition. Il devient
impossible pour moi de parler de mon passé ou d’analyser ma vie, car dès
que je suggère que je ne suis pas et que je n’ai jamais été une femme,
on m’insulte, on me dénonce et on m’enjoint de dénoncer « les TERFs » et
d’abdiquer mes opinions.
Je souhaite suggérer que ce qu’on appelle les
« guerres du genre » est moins une guerre qu’une offensive à sens
unique. Une offensive qui reflète la dynamique de pouvoir déjà mise en
place dans la société où des hommes de pouvoir décident de qui attaquer
et des femmes sont dominées et forcées de modifier la façon dont elles
vivent leur vie (par exemple en se qualifiant de « cis-femmes » et en
renonçant même au mot « femme ») pour s’assurer de ménager de fragiles
ego masculins et pour s’éviter la menace et l’exercice de violences. Ces
attaques menées contre des femmes au nom du « transactivisme » sont
inutiles, dégoûtantes et ne font que créer un écran de fumée pour
dissimuler le fait que le vrai problème et la vraie menace proviennent
des hommes, du système de genre et du patriarcat.
La vérité, en fin de compte, est que je fais de mon
mieux pour me débarrasser de ma socialisation masculine, mais que je
dois accepter mes limites. Je suis et je serai toujours une transfemme,
donc par définition un homme, et mes 18 ans de socialisation en tant
qu’homme vont toujours imprégner mes expériences et ma vie. En dépit de
mes tentatives de lutte et de dissidence, j’ai été socialisé dans la
classe de l’oppresseur : celui qui commet la violence et celui qui
pratique l’assujettissement de la femme. Ce n’est pas une chose à
laquelle je peux échapper et ce n’est pas une chose que je peux changer.
Version originale : http://genderapostates.com/male-violence-is-the-problem-and-transwomen-commit-it-too/Activiste de longue date, Jaqueline Sephora Andrews est décédé subitement en 2016. On peut lire plusieurs autres de ses textes au https://jaquelineandrews.wordpress.com/
Source : https://tradfem.wordpress.com/2017/04/07/la-violence-masculine-est-le-probleme-et-les-transfemmes-la-commettent-aussi/
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