Trans et masculinistes tentent de faire annuler un congrès de féministes radicales
Lauren Rankin est « une étudiante de troisième cycle
en Women’s and Gender Studies à l’Université Rutgers ». Elle a récemment
écrit un article d’opinion intitulé « La transphobie n’a pas sa place
dans le féminisme » (1). Les arguments mis de l’avant n’apprendront rien
de neuf aux féministes radicales (« fém rad »). Mais ce qui m’a
étonnée, et m’a incitée à écrire ce commentaire, est le fait que
Mme Rankin utilise une citation de Simone de Beauvoir à l’appui de son
argument. Cette phrase sera familière à quiconque possède la
connaissance la plus superficielle du féminisme :
« On ne naît pas femme, on le devient » (dans Le Deuxième Sexe.)
Si on lit le contexte dans lequel Simone de Beauvoir a
formulé cette célèbre affirmation, il est clair qu’elle faisait
allusion à la féminisation forcée des femmes. Elle disait que ce
processus débute dès le jour de notre naissance. Elle notait que les
femmes ne sont pas nées « féminines », mais que l’endoctrinement social
nous impose cette identité ou, pour reprendre ses propres mots, « c’est
l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit ». Elle ne disait
pas, comme Mme Rankin semble sous-entendre, que « n’importe qui peut
devenir une femme ». Non, il s’agit là d’une affirmation propre à
Mme Rankin, et le fait d’utiliser une citation de de Beauvoir en 1949 à
l’appui de son argument (bancal) est, au mieux naïf, et au pire
malhonnête. Accordons à Mme Rankin le bénéfice du doute et tenons pour
acquis que la diplômée d’études féministes et de genre de Rutgers n’a
pas lu Beauvoir dans le cadre de ses cours.
Le problème avec les phrases lancées par Mme Rankin
et d’autres féministes libérales, c’est qu’elles ne permettent aucune
discussion. Si des féministes radicales disent considérer les femmes
trans comme des hommes, elles sont immédiatement qualifiées de
« sectaires » et toutes les voies de communication sont fermées. Le mot
« bigotry » (fanatisme) est utilisé pas moins de 11 fois dans l’article
relativement court de Mme Rankin et, dans chaque cas, il est utilisé
pour décrire celles que Mme Rankin juge coupables de transphobie : les
« fém rad » dont elle parle.
Regardons les autres termes utilisés pour décrire les
féministes radicales : « acerbes », « agressives », « violentes ». Le
mot « acerbe » suggère l’amertume, une insulte souvent utilisée par les
hommes pour rabaisser les femmes qui osent dire ce qu’elles pensent.
Mais j’ai encore plus de mal avec la prétention selon laquelle les
féministes radicales sont « agressives » et « violentes ». Il n’est pas
agressif de faire valoir qu’un mâle humain est de sexe masculin. Il
n’est pas agressif d’exprimer un désir d’espaces réservés aux femmes. Et
si Mme Rankin a des exemples précis de notre « violence », elle n’a
offert aucun élément de preuve de cette allégation assez sérieuse.
On pourrait dire qu’il serait agressif de faire
bruyamment campagne contre le droit d’un groupe marginalisé dans la
société de tenir une conférence. On pourrait dire qu’il serait agressif
de tenter d’empêcher des femmes de se réunir dans un espace réservé aux
femmes où elles peuvent se sentir en sécurité et où elles peuvent être
certaines que leurs voix seront entendues. On pourrait dire qu’il serait
violent de menacer le personnel d’un centre où une telle conférence
devait être tenue. Tout cela est arrivé (2), mais aucune de ces
agressions et de ces violences n’a été perpétrée par des féministes
radicales. Les parties responsables dans ces situations sont des
militants trans (soit des personnes trans et d’autres personnes qui
s’identifient comme féministes) et des masculinistes (partisans
extrémistes des droits des hommes). Aucune de ces agressions et de ces
violences n’est mentionnée par Mme Rankin. Et, fait révélateur, elle a
omis de mentionner que la personne même qu’elle cite dans son article,
Sophia Banks, est la première personne à avoir appelé les masculinistes à
l’« aide ».
Le dernier paragraphe du texte de Mme Rankin vaut la
peine d’être cité intégralement juste au cas où vous n’en avez pas saisi
le sens à première lecture :
« Les femmes trans sont des femmes. Comment puis-je
le savoir ? Parce qu’elles disent qu’elles sont des femmes. Parce
qu’elles s’identifient comme femmes. Parce que votre expression de genre
n’est pas dictée par le sexe avec lequel vous êtes né. Parce que moi,
et bien d’autres féministes cisgenre, faisons confiance aux femmes trans
quand elles disent qu’elles sont des femmes. Parce que les femmes sont
des femmes, et c’est vraiment tout ce qu’il y a à en dire. » [C’est moi
qui souligne.]
Avez-vous entendu cela ? Dès qu’un homme dit qu’il
est une femme, il en est une. C’est tout. Aucune remise en question de
cette affirmation n’est tolérée (ce serait du « sectarisme »). Contester
un homme qui nous dit qu’il est une femme est être « transphobe ».
Oh, Mme Rankin... les hommes disent aux femmes quoi
faire depuis le début des temps. Il n’y a pas très longtemps, les hommes
disaient aux femmes que le cerveau féminin ne pouvait faire face à la
responsabilité du vote. Plus récemment encore, les hommes disaient aux
femmes que le cerveau féminin ne pouvait faire face à la responsabilité
d’un prêt hypothécaire. Chaque jour, des hommes disent aux femmes ce
qu’elles doivent porter et quelle apparence avoir et comment elles
doivent se comporter. Chaque jour, les hommes disent aux femmes que leur
rôle social est de répondre aux quatre volontés des hommes. Et
maintenant, les femmes se font dire par (certains) hommes d’accepter
sans conteste qu’ils sont, en fait, des femmes.
Certaines femmes font ce qu’on leur dit, comme c’est
leur place en tant que sexe subordonné. D’autres femmes (les « fém
rad ») choisissent de ne pas se laisser dire quoi faire par des hommes.
Certaines femmes choisissent de ne pas se laisser faire la leçon.
Certaines femmes tiennent tête aux hommes qui nous disent que nous ne
pouvons pas nous réunir à moins qu’ils ne soient invités, certaines
femmes luttent contre les hommes qui nous disent avoir un droit d’accès
aux zones où des filles et des femmes peuvent se déshabiller, certaines
femmes choisissent de ne pas se laisser dire quoi faire par des hommes.
Nous n’avons pas confiance aux hommes quand ils
disent qu’ils sont des femmes (nos livres de biologie nous disent le
contraire). Nous n’avons pas confiance aux hommes qui utilisent
l’agression et la violence pour essayer de nous empêcher de nous réunir.
Nous n’avons pas confiance aux hommes qui essaient de nous dire quoi
faire ou comment penser ou comment nous comporter, car nous ne sommes
pas les marionnettes des hommes. Tout homme qui veut notre confiance
doit d’abord la gagner, et le fait de jouer les gros bras et de poser
des exigences et de nous dire quoi faire aura certainement l’effet
inverse. Tenir tête aux hommes n’est pas du sectarisme mais une démarche
de préservation parce que les hommes sont des hommes et les femmes sont
des femmes, et c’est vraiment tout ce qu’il y a à en dire.
1. Lien.2. Lien.
©UK Feminist, avril 2013.
Traduction : Martin Dufresne
Source : Sisyphe
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