Avez-vous entendu parler
de la conférence féministe radicale RadFem RiseUp, organisée à Toronto
ce weekend ? Des lettres de pression l’ont fait expulser d’une galerie
d’art qui devait l’accueillir, sous prétexte qu’elle opérerait une
discrimination par son format non-mixte (womyn-only).
Contrairement à la prétention des anonymes
qui ont exercé ces pressions - allant jusqu’à des menaces de mort - en
disant représenter la communauté transgenre, voici la lettre d’une femme
trans qui appuie et justifie le droit des femmes de naissance à se
réunir entre elles. Cette conférence a tout de même lieu en ce moment à
Toronto, malgré les tentatives pour la boycotter. Détails sur http://radfemriseup.wordpress.com et sur Twitter autour du mot-clic #RadFemRiseUp
Lettre ouverte à la galerie Beaver Hall : Je suis une
femme trans et je soutiens le droit des femmes de naissance à des
espaces non mixtes (I’m a trans woman and I support female-only spaces)
Je suis très découragée d’apprendre aujourd’hui que
vous avez décidé d’empêcher la conférence Radfem Rise Up de se réunir
dans vos locaux. Je comprends qu’à titre d’entreprise privée, vous avez
le dernier mot sur les types d’expression que vous y autorisez.
Toutefois, je crains que votre décision a probablement été influencée
par des activistes trans qui non seulement n’ont pas à cœur les
meilleurs intérêts des femmes, mais se comportent d’ailleurs souvent de
façons misogynes.
Le sexe a de l’importance. Nier cette importance du
sexe repousse de plusieurs siècles le travail du mouvement féministe,
voire le rend carrément impossible. Les femmes au 19e siècle n’ont pas
été privées du droit de vote parce qu’elles « performaient la
féminité » : on les empêchait de voter parce qu’elles étaient de sexe
féminin (female). Les filles, qui sont de loin les principales victimes
des agressions sexuelles dans l’enfance, ne sont pas attaquées parce
qu’elles « s’identifient » comme filles – elles sont de sexe féminin et
n’ont donc pas le choix en la matière. La pratique de l’avortement
sexospécifique en Inde et en Chine, qui a dans certains secteurs
déséquilibré le rapport entre les sexes en le portant jusqu’à 118/100
(masculin/féminin) n’a pas lieu à cause du « genre » du foetus, un
concept évidemment risible dans ce contexte ! Il s’agit bel et bien d’un
enjeu de sexe.
Les femmes trans ne sont pas de sexe féminin. Je vis
comme une femme aujourd’hui, mais je suis née mâle et j’ai été élevée en
garçon. J’ai effectué à la fin de mon cours secondaire la transition
vers une vie en tant que fille/femme et j’ai maintenant vécu plus de la
moitié de ma vie en tant que fille/femme. Composer avec le sexisme n’est
pas une sinécure, mais je suis beaucoup moins malheureuse que je ne
l’étais avant ma transition. (Le fait de « passer », d’être perçue comme
de sexe féminin (passing as female) m’a également rendu la vie plus
facile quand j’étais visiblement transgenre, et je suis chanceuse
d’avoir eu cette expérience.) Toutefois, même après avoir pris toutes
les hormones et avoir obtenu une SRS (chirurgie de réassignation
sexuelle), je suis toujours de sexe masculin (I’m still male). Ma
structure osseuse est masculine. Je suis encore quelqu’un qui a vécu en
garçon jusqu’à ma transition. Je n’ai pas d’utérus et je ne serai jamais
enceinte. Rien ne peut changer ces réalités ! Je vis ces jours-ci une
existence « furtive », et la plupart des gens présument que j’ai eu une
enfance normale de fille. Quand je suis au bord des larmes, il arrive
que des copains s’inquiètent de m’avoir mise enceinte. Cependant, je me
souviens encore de mon enfance, je connais mon corps, et je sais que je
serai toujours différente d’autres femmes.
Les femmes « de naissance » (females) ont besoin d’un
espace à elles (female-only space) pour identifier et déconstruire (to
unpack) les fadaises de leur socialisation féminine. Il ne s’agit pas de
Féminisme de niveau 101, mais bien de Féminisme 0,001 – un critère de
base absolu ! Les femmes trans, ayant reçu une socialisation masculine,
ne sont pas confrontées à la même série d’enjeux : nous avons à résoudre
des problèmes entièrement différents – notamment, l’oppression que nous
avons vécue en tant que garçons différents au chapitre du genre
(gender-variant boys), si nous présentions cette différence avant notre
transition, ou la haine de soi que certaines femmes trans intériorisent
au cours de leurs années de « placard ». Aucune de ces choses n’est
identique au vécu d’une fillette !
Lorsque des femmes trans combattent le droit des
femmes de naissance à des espaces non mixtes, elles réagissent contre
une menace perçue : celle que ces femmes ne respectent pas leurs
« identités » en tant que femmes. Mais le féminisme radical n’est pas
axé sur les émotions ou les démarches d’identification – il s’agit de la
lutte de personnes qui sont violées et assassinées en raison de leur
sexe. De plus, être une femme n’est pas une identité – c’est une
catégorisation socialement assignée, fondée sur le sexe perçu. Si femme
était une identité, pourquoi n’importe quelle femme de naissance
« s’identifierait-elle » comme femme ? Ne verrait-on pas toutes les
femmes de naissance « s’identifier » en tant qu’hommes, afin de pouvoir
obtenir les meilleurs emplois et de pouvoir imposer leur voix dans la
sphère politique ? Les théories du genre créé par auto-affirmation
(because-I-say-so) contredisent directement la réalité – nous ne
marchons pas dans la rue avec notre « pronom de préférence » épinglé à
nos chemises.
Si les femmes trans veulent être reconnues en tant
que femmes, et particulièrement par les femmes de naissance, elles
feraient mieux de soutenir réellement ces femmes. Cela signifie
reconnaître que nous avons grandi dotées du privilège masculin, faire
attention à ne pas enterrer la voix des femmes de naissance, et éviter
de nous approprier des mots comme misogynie (qui désigne en réalité le
viol et l’assassinat de femmes par des hommes, chaque minute de chaque
jour) pour simplement signifier « quelqu’un m’a fait de la peine ». Nos
vies en tant que femmes trans sont difficiles – mais ce sont DES HOMMES
qui nous battent et nous assassinent, et DES HOMMES qui rédigent les
lois qui nous font du mal, et DES HOMMES qui gèrent les firmes
d’assurance qui nous refusent des traitements. Sachons assigner le blâme
là où il est mérité !
Les femmes trans qui arrêtent d’enterrer la parole
des femmes de naissance découvriront probablement qu’elles ont
soudainement beaucoup plus d’amies femmes, et qu’elles sont plus
acceptées en tant que femmes. Soudainement, les opinions transphobes de
la petite minorité de féministes radicales qui sont réellement
transphobes, plutôt que simplement critiques de l’activisme trans
(trans-critical), ne sembleront plus très importantes. Lorsque vous
obtenez réellement une validation dans votre vie, l’existence de
personnes intolérantes pèse moins lourd. Imaginez ça !
Je sais que les enjeux trans sont vraiment
déroutants, mais lorsque des activistes trans comme Joelle Ruby Ryan,
Morgan Page et Julia Serrano s’approprient le langage de la justice
sociale pour promouvoir leurs politiques misogynes, n’en soyez pas
dupes, s’il vous plaît ! Non seulement ces personnes enterrent-elles les
voix des femmes de naissance, mais elles enterrent également les voix
des transsexuelles qui sont socialement assimilées en tant que femmes.
Veuillez ne pas donner priorité aux objectifs égoïstes et égocentriques
de ces personnes contre les droits des femmes de naissance.
Cordialement,Une transsexuelle anonyme qui appuie les femmes de naissance
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