Inclassable n°2, bulletin du collectif : "Critique du genre et de la théorie queer"
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(1) Simone de Beauvoir - Le Deuxième Sexe (Tomes 1 et 2)
(2) Margaret Mead - Moeurs et sexualité en Océanie
(3)Catherine Vidal - Le cerveau a-t-il un sexe ?
(4) Elena Gianini Belotti – Du côté des petites filles
(5) Jean-Paul Sartre – L’existentialisme
(6) Christine Delphy - L’Ennemi Principal Tome 2 : Penser le genre
(7) Guillaume Carnino - Pour en finir avec le sexisme
(8) Sheila Jeffreys – Débander la théorie queer
(9) Walter Benn Michaels – La diversité contre l’égalité
Cet article est en téléchargement libre et peut être imprimé, sous la forme d’une brochure, dans la rubrique "brochure" du site du Collectif Libertaire Anti-Sexiste.
http://coll.lib.antisexiste.free.fr/
Une première version de cet article a été publiée dans le Courant Alternatif de février 2008 (n°177) et est en ligne sur le site internet de l’Organisation Communiste Libertaire :
http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article305
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Critique du genre et de la théorie queer
Avec l’émergence de la théorie queer, les
questionnements sur le genre et la volonté de le déconstruire, semblent,
pour certain-e-s, plus une mode qu’une démarche politique. Cette
théorie présentée comme radicalement nouvelle, remettrait en question
l’ensemble du mouvement féministe présentant celui-ci comme un mouvement
revendiquant de manière homogène des valeurs identitaires de
« femmes ». Pourtant, depuis 1949 Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir
démontre largement le fait que le genre est une construction sociale...
« On ne naît pas femme, on le devient »...(1)
La féminité et la masculinité n’existent qu’au
travers de la perception bipolaire d’une réalité humaine. Ce système de
pensée, qui s’organise autour d’un processus de classification
hiérarchique des choses matérielles et abstraites ainsi que des êtres,
est à la fois la cause et la conséquence de notre acceptation de la
domination. Ce conditionnement mental intervient dès la naissance et se
poursuit jusqu’à la mort, notamment par le langage, l’éducation, les
jouets, la publicité et la prostitution et ce de génération en
génération.
Mais il n’y a pas de fatalité car en tant
qu’humain-e-s nous avons la capacité de nous redéfinir. Ni une
quelconque divinité, ni la « nature » ne nous manipule. L’observation de
sociétés très différentes de la notre montre qu’il n’y a pas de
fatalité biologique, mais bien des constructions sociales à l’origine du
genre. Chez les Chambulis, en Nouvelle-Guinée, de nombreuses
caractéristiques dites masculines ou féminines sont inversées par
rapport aux nôtres(2).
Toutes les caractéristiques que peut avoir une
personne font partie de l’immense potentiel présent dans chaque être
humain qui se décline en un nombre infini de variations. Ces variations
sont étiquetées par l’idéologie dominante comme féminines ou masculines.
Il en découle l’institution de catégories qui induisent l’assignation
des personnes dans une classification hiérarchique.
Le recours à la biologie pour justifier la classification par catégories de genre n’est qu’un mauvais prétexte. On pourrait même faire appel à la biologie pour démontrer le contraire. En effet, y compris du point de vue biologique, il n’y a pas de rupture entre les femelles et les mâles, il y a un continuum.
Le recours à la biologie pour justifier la classification par catégories de genre n’est qu’un mauvais prétexte. On pourrait même faire appel à la biologie pour démontrer le contraire. En effet, y compris du point de vue biologique, il n’y a pas de rupture entre les femelles et les mâles, il y a un continuum.
De plus, les humain-e-s sont culturel-le-s plutôt que
naturel-le-s jusque dans leurs anatomies. Les récentes découvertes en
matière d’étude du cerveau humain démontrent la plasticité(3) de ce
dernier. Le cerveau d’une personne se modifie pour s’adapter aux
informations et aux attentes qui proviennent de l’environnement social
dans lequel se trouve cette personne. Cette plasticité du cerveau permet
l’évolution du rapport au monde et l’éveil du sens critique de la
personne, mais elle la rend également vulnérable aux processus de
conditionnements mentaux qui interviennent depuis la naissance. C’est ce
que démontrait déjà en 1973 Elena Gianini Belotti avec Du côté des
petites filles (4). Il n’y a donc pas davantage de différence innée
entre le cerveau d’un mâle et celui d’une femelle, qu’entre les cerveaux
de deux femelles ou de deux mâles. La seule chose qui soit
universellement partagée entre tou-te-s les humain-e-s, c’est le fait
d’être doté-e-s de conscience. Mais « cette universalité n’est pas
donnée, elle est perpétuellement construite » (5) et elle prend autant
de formes que de cerveaux pour participer à sa construction.
Il ne suffit pas de « dé-biologiser le genre » pour
détruire la hiérarchisation entre les caractéristiques dites masculines
et féminines. Il est scientifiquement démontré qu’il n’y a pas de
« races » au sein de l’humanité. Beaucoup de personnes en conviennent
tout en agissant en racistes. Pour ces individu-e-s le concept « race »
est dé-biologisé mais garde toute sa signification. Leurs actes restent
les mêmes qu’avant la « dé-biologisation » de la « race ». Elle-il-s
demeurent xénophobes et le problème reste entier. « 0% raciste-100%
identité » peut-on lire sur certains de leurs sites internet.
Se dégenrer ce n’est pas passer d’un genre à l’autre,
ni se situer entre les deux. Se dégenrer c’est détruire la
catégorisation par le genre et non multiplier les catégories de genre.
Définir comme une fin en soi le passage d’un genre à l’autre et affirmer
qu’il suffit de cela pour dépasser le genre c’est admettre cette
catégorisation comme une fatalité et l’entériner en s’y conformant. Par
conséquent, on ne peut se dégenrer individuellement.
Une personne peut passer d’un genre à l’autre ou
s’identifier comme étant entre les deux. Cela peut être important pour
elle, et elle est la seule à pouvoir définir les conditions de son
bien-être. Cependant, elle ne sera pas dégenrée tant qu’elle-même et la
société identifieront ses caractéristiques comme féminines et/ou
masculines, au lieu d’estimer qu’elles ne sont ni l’une ni l’autre, mais
simplement les siennes, indépendamment de la forme de ses organes
génitaux et de celle des personnes avec lesquelles elle a des relations
sexuelles.
Ces caractéristiques sont modifiables, car en
perpétuelle évolution en fonction des choix (par désir ou par dépit) que
la personne fait consciemment ou inconsciemment. Elles sont aussi
inaliénables et pourraient, à ce titre, être considérées comme propre à
cette personne plutôt que servir de prétexte à son enfermement dans une
catégorie. Si les caractéristiques humaines n’étaient pas classées en
deux genres, l’identité de chaque personne ne serait pas réduite à
l’appartenance à l’une de ces catégories. En revanche, amplifier la
catégorisation par le genre en classant les personnes dans des
catégories intermédiaires entre le masculin et le féminin ne fait que
complexifier la lutte pour échapper à la classification.
La théorie queer prône, non pas l’abolition du genre,
mais l’institution d’une multitude des catégories de genre définies et
déclinées selon différents critères, confondant assignation dans le
genre et sexualité (par exemples, les lesbiennes « butch », considérées
comme masculines et les « fem », considérées comme féminines).
« Introduire plus de degrés entre les pôles d’un continuum n’abolit pas
ce continuum [...] Mais surtout cette position ne dénaturalise pas le
genre. Elle le détache du sexe, certes, et donc de la naturalisation par
la biologie. Mais elle considère le genre comme une dimension
indispensable et nécessairement présente dans la sexualité. Le genre est
ainsi re-naturalisé par un trait psychologique présumé universel, une
« nature de la sexualité humaine ». »(6).
La théorie queer ne remet pas en question le principe
même de norme, mais institue de nouvelles normes en maintenant la
croyance en la féminité et en la masculinité, donc en maintenant la
hiérarchie, puisque « le genre est un concept asymétrique car
intrinsèquement hiérarchique »(7).
Elle présente les rapports sociaux entre les genres
et les « identités de genres » comme deux notions indépendantes l’une de
l’autre. Ceci est absurde car « l’identité de genre » d’une personne
n’existe pas « en soi », elle est construite par les rapports sociaux
(auxquels la personne participe) qui la conditionnent et la définissent.
Si je suis « féminine » c’est uniquement parce que je
vis au sein d’une société qui croit au concept de « féminité » (dont la
fonction est d’établir le « masculin » comme supérieur et universel )
et dont les règles et les représentations entérinent cette croyance
ainsi que ce qu’elle produit dans les rapports sociaux.
Dans Queer Zone 1, Marie-Hélène Bourcier (sociologue
et théoricienne queer) écrit : « La mise en perspective queer est
fondamentalement déceptive en ce qu’elle invite à rompre avec des
modèles politiques qui n’ont pas forcément fait la preuve de leur
efficacité [...] la théorie et les politiques queer sont étrangères à
une rhétorique de la libération ou de la révolution ». La théorie queer
séduit car elle propose une « alternative » illusoire, plus rapide et
plus facile, à la lutte révolutionnaire contre la domination. Ceci
rappelle le rapport au temps (temps à rentabiliser) dans les schémas de
pensée forgés par le capitalisme omniprésent qui exigent la performance
et la rapidité, excluant tout projet de changement profond du système et
des mentalités. Cette théorie est conforme au libéralisme actuel et à
sa dictature de l’image et du narcissisme. En effet, elle ne remet pas
en question le système de domination dont le genre sert les intérêts et
mise beaucoup sur les aspects les plus superficiels du genre : ceux qui
concernent les apparences... Une excellente publicité pour les
industries du sexe et de l’esthétique qui illustre parfaitement la
récupération commerciale du mouvement contestataire gay et lesbien des
années 70.(8)
Dans Queer Zone 2, Marie-Hélène Bourcier défend la
critique selon la théorie queer de ce qu’elle nomme « l’universalisme
blanc hétérocentré », et contre lequel elle n’oppose rien d’autre qu’une
position pro-communautaristes. Ce qui relève de la même logique que de
s’affirmer pro-sectes pour combattre les religions dominantes. Cette
apologie des communautarismes se traduit, par exemple, par un discours
quasi admiratif à l’égard du voile islamique. Dans le même élan, elle
stigmatise l’ensemble des adolescents des banlieues en faisant l’éloge
d’un virilisme exacerbé qu’elle leur attribut à tous. Or, tous les
garçons, où qu’ils vivent et quelques soient leurs origines culturelles
et sociales subissent de très fortes pressions, de toutes parts, pour
qu’ils fassent des démonstrations de virilité. Et lorsqu’on leur donne
l’occasion de s’exprimer librement dans un cadre confidentiel où ils ne
se sentent pas jugés, on se rend compte que pour la plupart d’entre eux
il s’agit là d’une contrainte à laquelle ils se plient pour ne pas être
exclus. Marie-Hélène Bourcier n’évoque même pas l’hypothèse d’une lutte
pour l’inaliénabilité inconditionnelle de chaque personne. Comme si au
sein des communautés, il n’y avait ni oppressions ni exploitations.
Contre le paritarisme, elle propose une politique de
discrimination positive basée sur des quotas qui selon elle
« conduiraient à des calculs plus proches de la réalité historique et
culturelle ». À une mesure de discrimination « positive » elle en oppose
une autre, se gardant bien de s’attaquer à la discrimination elle-même,
qui même dite « positive » ne peut être que stigmatisante. Considérer
les personnes comme des éléments interchangeables de leurs catégories
identitaires c’est nier leurs individualités.
Il s’agit là d’une logique profondément essentialiste
et d’ailleurs, Marie-Hélène Bourcier emploie de manière récurrente le
terme de « race » sans jamais rappeler la non-existence scientifique de
ce concept et le fait qu’il s’agit d’une construction sociale au service
de la domination, comme pour le concept de genre.
Être éga-les-aux ne signifie pas être identiques.
L’idéal républicain assimilationniste est l’expression du
communautarisme de la communauté dominante. Il n’en est pas moins un
communautarisme parmi les autres et n’a rien à voir avec la philosophie
universaliste.
Il y a une différence entre déclarer qu’on est
lesbienne, trans, hétéro, etc. et prôner le lesbianisme, la
trans-sexualité, l’hétérosexualité, etc. comme norme exclusive de
conformité à une idéologie quelconque. Les lesbiennes ne sont pas moins
aliénées au patriarcat que les hétérosexuelles. Les homosexuel-le-s, les
trans-genre et les transsexuel-le-s ne sont pas forcément
communautaristes, alors que certains hommes blancs hétérosexuels le
sont, même s’ils s’en défendent, comme par exemples Nicolas Sarkozy,
Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen.
« L’implicite d’une préexistence des groupes à leur
hiérarchisation laisse de côté la question de la construction des
groupes en groupes : comment, pourquoi ont-ils été créés ?
L’impossibilité de rendre compte de leur constitution par autre chose
que la volonté de hiérarchiser les individu-e-s [...]est la clé de voûte
de ma théorie. [...] cette logique de la « différence » s’impose de
plus en plus à ces groupes dominés. De plus en plus on les entend
« revendiquer leur différence ». Les revendications d’égalité se
transforment en revendications « d’identité » »(6). Ces revendications
peuvent déboucher sur une illusion d’égalité entre les catégories, mais
pas sur une égalité entre les personnes. « Pour avoir droit à ce
« respect » et à cette « valorisation », il faut absolument que les
individu-e-s se tiennent dans les limites de ce qui est reconnu comme
spécifique à leur groupe. [...] Mais surtout, ce que porte en elle la
revendication identitaire qui propose une valorisation par
l’appartenance de groupe, c’est la négation de l’individu-e au sens
d’être singulier-e. [...] La revendication identitaire implique en effet
l’obligation pour chaque membre du groupe de se conformer aux normes de
ce groupe pour être reconnu-e, et d’abandonner l’individualité qui est
permise aux membres du groupe dominant. Cette interchangeabilité des
personnes, cette désindividualisation, c’est justement la situation dont
les femmes essaient de sortir. La négation de l’individu-e, bien
qu’elle soit prônée par les différentialistes, est cependant une
négation des différences : des différences individuelles. » (6).
Les personnes ne sont pas les oppressions qu’elles
subissent ni les stigmatisations dont elles font l’objet, mais ce
qu’elles font face à ces oppressions et à ces stigmatisations. Il ne
s’agit pas de nier l’existence de la catégorisation identitaire mais de
visibiliser les différences individuelles pour démontrer, que chaque
personne est unique et inaliénable.
C’est au travers de l’exercice du libre-arbitre que
s’exprime la liberté potentielle de chaque individu-e, qui peut choisir
de s’associer à d’autres (qui ne sont pas forcément assigné-e-s à la
même catégorie identitaire) pour combattre la domination et/ou qui peut
également les combattre par des actes individuels.
Comme le racisme, le sexisme nécessite une analyse et
une lutte spécifiques. Mais pour être cohérentes, les luttes contre le
patriarcat et le racisme ne doivent pas être étrangères à la lutte
contre le capitalisme. Ces différents systèmes de domination sont
intimement liés, du point de vue historique et idéologique, ainsi que
par leurs interactions concrètes dans la réalité présente. Ne pas
prendre cela en considération est insensé et inutile, à moins de se
satisfaire d’une égalité abstraite entre des catégories identitaires.
La théorie queer s’inscrit dans la lignée des
discours à la mode qui, de Sarkosy aux Indigènes de la République,
célèbrent la « diversité » et les revendications identitaires au
détriment de la lutte pour l’égalité. En théorie, comme dans les faits,
cette célébration de la « diversité » n’est pas incompatible avec le
concept nauséabond d’identité nationale parce qu’ils sont tous les deux
fondés sur une vision essentialiste de l’humanité, une vision qui nie
les individualités, divise les opprimé-e-s et nourrit les haines
absurdes. La focalisation sur la notion d’identité n’est pas seulement
sans intérêt, elle est aussi toxique. Cette « valorisation de la
diversité » permet de faire passer sous silence les inégalités
économiques et de poursuivre la destruction déjà bien entamée de la
conscience de classe des prolétaires. Les élites patronales et
gouvernementales préfèrent avoir à faire à des communautés qui
revendiquent leurs identités et demandent l’application de politiques de
discrimination « positive », plutôt qu’à des prolétaires de toutes les
couleurs et de tous les genres (qui se fichent pas mal de leurs couleurs
et de leurs genres) uni-e-s dans la lutte pour l’égalité économique et
sociale concrète et inconditionnelle, qui supprimerait les privilèges de
ces mêmes élites. Car peut importe la composition des élites, le
problème c’est quelles existent. (9)
Dans un chapitre intitulé « La cité des femmes mais
sans les putes » de Queer Zone 1, on peut lire : « cultiver derechef
l’homologie entre lesbiennes et femmes, gaies et hommes, construisant
par là même les gaies [...] comme hétéro-patriarcaux ou des dominants
masculins ».
De même, dans le n°7 de Bang Bang (journal queer)
intitulé Le Miracle de l’hétérophobie on peut lire, parmi d’autres
articles allant dans le même sens.
A propos de queer et du SM où Déborha Dioactiv
déclare « Les hétéros et les bis ne sont pas assez radicaux à mes yeux
puisqu’en pratiquant une sexualité avec des personnes de sexe différent,
ils-elles se rendent complices et collabos d’un système hétérosexiste
qui m’opprime dans mon quotidien et sont donc des traîtres ».
Selon la théorie queer, les hétérosexuel-le-s et les bisexuel-le-s seraient donc forcément des « hétérosexistes ».
Selon la théorie queer, les hétérosexuel-le-s et les bisexuel-le-s seraient donc forcément des « hétérosexistes ».
Comme le confirme le chapitre sur les « gouines SM
radicales » dans Queer Zone 1, pour être reconnu-e par ses adeptes comme
non « hétérosexiste », il faudrait obligatoirement n’avoir des
relations sexuelles qu’avec des personnes de « même sexe » et se
conformer à une sexualité soumise à une certaine forme de morale plutôt
que de prendre simplement en compte nos différents désirs. Cette
position rejoint la fameuse déclaration de Monique Wittig : « Les
lesbiennes ne sont pas des femmes ».
Or, un-e individu-e se révèle machiste par des
comportements et des prises de positions qui justifient et reproduisent
la domination masculine, et le machisme prend autant de formes que
d’individu-e-s, de tous genres et de toutes sexualités, qui le
défendent.
La théorie queer fait aussi l’apologie de la
prostitution comme en témoigne l’article de « ProstituteGayBubblesBoys »
et l’interview de Diamant18Carrats par Olga Zmick, dans Le Miracle de
l’hétérophobie. Ses adeptes se déclarent « pro-sexe » pour légitimer la
prostitution. Cette expression replacée dans son contexte est celle de
l’aliénation aux lois de l’apparence et aux clichés construits par
l’idéologie puritaine.
Or, si on aime « le sexe », on tient à ce qu’il soit
libre, et non pas aliéné au capitalisme... à moins d’être dans une
souffrance qui pousse à l’autodestruction ou d’être capitaliste... Pour
ma part, je préfère définir ma position à propos de la sexualité par le
terme « pro-désirs » en opposition au terme « pro-sexe », car le
consentement peut être le fruit d’un choix par dépit, d’une contrainte
acceptée, d’une servitude plus ou moins volontaire. Faire l’apologie de
la prostitution n’a rien de subversif, bien au contraire. Car la
prostitution est à la fois un moteur et un produit du patriarcat, du
puritanisme et du capitalisme. Là encore, la théorie queer ne s’oppose
en rien au système marchand et aux inégalités économiques et sociales
qu’il produit.
La théorie queer se revendique post-féministe, le
féminisme serait dépassé et les féministes qui n’adhèrent pas à la
théorie queer seraient tou-te-s des « hétérosexistes » qui n’ont rien
compris. Dans le chapitre intitulé « Le SM métaphore politique d’une
sexualité radicale gouine et gaie » de Queer Zone 1, Marie-Hélène
Bourcier explique cette position : « Non les femmes ne sont pas
étrangères au pouvoir. Voilà qui replaçait au premier plan la question
du pouvoir et de son exercice remettant en cause l’équation pouvoir =
mâle et l’un des combats centraux du féminisme : l’égalité dans la
relation. À l’utopie féministe rêvant un monde hors pouvoir, les gouines
SM ont proposé une vision réaliste des relations intersubjectives ». A
lire Marie-Hélène Bourcier, on croirait presque que le monde entier doit
aux « gouines SM » la découverte et la révélation du fait que les
femmes ne sont pas étrangères au pouvoir.
Comme si avant l’apparition des « gouines SM » il n’y
avait jamais eu de reines, d’impératrices, de Margaret Thatcher, etc.
ou comme si les féministes les avaient ignorées. L’égalité dans les
relations serait donc une utopie irréaliste... Celleux qui ne veulent
pas remettre en question le capitalisme disent en général que l’égalité
économique et sociale est une utopie irréaliste, qu’il y aura toujours
des riches et des pauvres, des dominant-e-s et des dominé-e-s, qu’on y
pourra rien changer, et invoquent la fameuse « nature humaine »... Voilà
comment les dogmes essentialistes invitent à la résignation et à la
lâcheté.
C’est nous-même qui construisons nos relations, et
qu’elles soient considérées comme « sexuelles » ou non, nous en sommes à
la fois les scénaristes et les act-rice-eur-s.
Il est possible de créer des relations égalitaires.
Il est possible de créer des relations égalitaires.
Cela ne dépend que de nous, aucune entité n’est
responsable à notre place des actes que nous posons individuellement et
collectivement. Les relations de pouvoir ne sont pas « incontournables
entre deux personnes ».
Elles sont le fruit d’une construction sociale et non
la manifestation d’une essence prétendument humaine. La domination dans
les relations inter-individuelles n’est pas une fatalité et sa seule
issue n’est pas de se dominer chacun-e son tour.
Par ailleurs, il y a plusieurs courants dans le
féminisme. Certains de ces courants s’opposent radicalement au point de
rendre floue la définition du « féminisme ». Il est plus facile de se
déclarer féministe que de l’être réellement. C’est ce que font de
nombreuses personnes et organisations qui considèrent néanmoins la lutte
contre le patriarcat comme une lutte secondaire et prennent des
positions incohérentes. Certaines d’entre elles se déclarent féministes
pour étouffer les débats et brouiller les pistes. De même que certaines
organisations d’extrême droite se déclarent anti-racistes pour mieux
faire passer leurs discours xénophobes et identitaires.
Malheureusement, il est prématuré de parler de
post-féminisme, alors que les personnes assignées à des catégories dites
« féminines » sont encore victimes de tant de violences, de négation de
leur humanité, de chosification, et d’injustices sociales et
économiques. Alors, comme ces féministes qui ne sont pas « réalistes »,
je rêve donc je suis libre de créer, partager, résister et me battre
pour tendre vers l’utopie.
Mélusine Vertelune(1) Simone de Beauvoir - Le Deuxième Sexe (Tomes 1 et 2)
(2) Margaret Mead - Moeurs et sexualité en Océanie
(3)Catherine Vidal - Le cerveau a-t-il un sexe ?
(4) Elena Gianini Belotti – Du côté des petites filles
(5) Jean-Paul Sartre – L’existentialisme
(6) Christine Delphy - L’Ennemi Principal Tome 2 : Penser le genre
(7) Guillaume Carnino - Pour en finir avec le sexisme
(8) Sheila Jeffreys – Débander la théorie queer
(9) Walter Benn Michaels – La diversité contre l’égalité
Cet article est en téléchargement libre et peut être imprimé, sous la forme d’une brochure, dans la rubrique "brochure" du site du Collectif Libertaire Anti-Sexiste.
http://coll.lib.antisexiste.free.fr/
Une première version de cet article a été publiée dans le Courant Alternatif de février 2008 (n°177) et est en ligne sur le site internet de l’Organisation Communiste Libertaire :
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