Je suis gay féministe et pour la pénalisation des clients de la prostitution. Pourquoi ?
Mon témoignage : Marc, 26 ans, étudiant à Paris
Mon témoignage : Marc, 26 ans, étudiant à Paris
Je m’appelle Marc, je suis étudiant et gay. Je suis
d’origine asiatique donc issu de l’immigration comme on dit. Je me suis
prostitué pendant une période. Pourquoi ? C’est compliqué…
Ma famille m’a rejeté parce que j’étais homosexuel.
Je suis efféminé et ça se voyait vraiment. Ma mère me disait de porter
une robe quand j’avais sept ans pour m’humilier. Elle avait du regret de
m’avoir donné la vie. Très tôt j’ai été la risée de mes camarades de
classe. Mes manières, ma douceur et ma délicatesse étaient source de
moqueries et parfois de rejet. Durant toute mon enfance et mon
adolescence, je n’ai reçu aucun amour. Arrivé à l’âge adulte, j’ignorais
ce qu’était l’affection, le partage, l’estime de soi. Je me détestais.
L’homophobie de mes parents, de mes frères et sœurs et de ma famille
m’avait détruit. Le rejet de la société n’était pas mieux. Etre efféminé
est un réel handicap dans le monde du travail. On ne vous respecte pas,
on vous marche sur les pieds, on se moque de vous. Je me suis dit
très tôt que mon rêve, plutôt mon fantasme d’ailleurs, était de me
prostituer à Place Dauphine à Paris. J’espérai que des hommes plus âgés
et plus riches pourraient m’aider à m’accepter tel que j’étais.
J’imaginais le client comme un « papa » qui pourrait me donner de la
valeur grâce à son argent. Même s’il me donnait 10 euros, j’aurai été
satisfait, juste un peu d’amour, c’est tout !
Une fois arrivé à Paris pour poursuivre mes études,
j’ai commencé à mettre des annonces sur internet, des annonces de
prostitution bien sûr. Les sites comme Vivastreet ou Wannonce sont de
réels « bordels virtuels ». J’ai vite compris que les fameux clients
étaient pour la plupart des hétéros planqués ou soit des homosexuels
viellissants. C’était vraiment loin de l’image que j’avais des clients.
Je pensais que c’était des gays fortunés et raffinés aux bonnes
manières, paternels et bienveillants. La réalité est tout autre.
Beaucoup d’hommes recherchent des étudiants, ils le précisent d’ailleurs
dans leurs annonces. L’étudiant est par définition dans une précarité
économique surtout à Paris, ce qui fait jouir les clients c’est bien
cette fragilité estudiantine. Ils nous achètent et c’est encore mieux si
on est vulnérable, ils en retirent un plaisir particulier.
Aujourd’hui, encore, quand je repense à ces passes
que j’ai faites, j’ai envie de vomir. Je revois encore ces vieux cochons
qui me tendaient leurs billets de 20 euros, l’air satisfait et repu.
Ils me laissaient seul, avec leurs taches de luxure déposées sur mon
corps. Après, venait le rituel de la douche, où je devais enlever, leur
odeur, leur transpiration, leur parfum. J’avais envie de mettre de la
javel des fois tellement c’était horrible. On perd peu à peu son
identité, on oublie les visages. On se laisse abuser sans rien dire.
Quand j’étais enfant ma mère me battait en disant que j’étais une
« fillette » et avec ces hommes, ces clients, j’étais enfin cette
fillette lubrique qui faisait la seule chose qu’elle savait faire :
vendre son cul et sa bouche. Oui, c’est cru mais ce monde est cruel et
sans pitié, malgré ce qu’on dit.
Ma mère m’a souvent menacé de me couper les vivres.
J’étais un fardeau pour elle. Dans ces périodes de conflit, je repostais
sur le net des annonces de prostitution par dizaine. Mais l’argent
gagné je ne pouvais le garder. Je le dépensais tout de suite, l’argent
était sale. Je le savais inconsciemment. Beaucoup de mes amis gays se
sont prostitués. On était tous asiatiques ou beurs, en tous cas des
immigrés gays rejetés par leurs parents. Au fond, on voulait être aimé
pour ce qu’on était : des jeunes gays. J’ai pensé au bois de Boulogne
aussi. Dans la société hétéronormée, un homosexuel efféminé n’a pas sa
place. On m’a souvent dit que la finesse de mes traits me permettrait de
travailler en Travesti. Comme ça j’aurai pu donner mes fesses aux
hétéros mariés et pères de famille. C’est ce qu’on propose aux gens
comme nous… j’ai longtemps pensé que la prostitution était mon destin.
Ma mère me l’avait dit, je finirai mal de toute façon. Je l’ai écoutée
et j’ai connu l’enfer.
Aujourd’hui, je suis sorti de la prostitution. Je
n’ai pas connu les réseaux, les proxénètes et le danger de la
prostitution de rue mais je sais que c’est une violence. Beaucoup de mes
amis sont arrivés à la prostitution car ils avaient été rejetés par
leur famille du fait de leur homosexualité. C’est un mécanisme
psychologique complexe. L’argent des clients était vécu comme une
validation de notre valeur d’être humain. Mais tout ça c’était faux. On
avait juste besoin d’amour, un amour vrai et désintéressé qu’on avait
pas reçu de nos familles.
La plupart des clients que j’ai fréquentés étaient
des gens grossiers et vulgaires qui nous méprisaient. L’image du client
sauveur véhiculé par les médias et le lobby pro-prostitution est une
vaste escroquerie. Le pire moment est celui où ils sortent les billets.
Je sais que je suis minoritaire dans le milieu associatif LGBT. Les
boutiquiers du Marais sont plutôt favorables au statu quo. Le STRASS,
Hervé Latapie, Aides, Act UP et toute les associations qui luttent
contre le SIDA sont des complices du statu quo en ce qui concerne la
situation des personnes prostituées. Je suis immigré, et je remarque que
ce sont toujours des blancs friqués qui prennent la parole dans ces
assos là. D’ailleurs le STRASS se fout pas mal de la situation des
Nigérianes et des Chinoises de Belleville. J’ai entendu un de leur
membre dire que la situation des filles dans les réseaux n’était pas
leur problème. J’ose le mot, il y a un soupçon de racisme dans ces
associations qui acceptent la traite des femmes étrangères comme un mal
nécessaire. Quid des jeunes Roms qui se prostituent à Paris, garçons
comme filles ? C’est ça qu’on veut pour eux, sachant que beaucoup sont
mineurs. Le milieu LGBT me déçoit sur cette question mais après tout en
tant qu’immigré je sais que les gays ne sont pas mieux que les autres.
La première boite de nuit condamnée pour racisme était le Queen, haut
lieu du milieu homo lors des années 90.
Un blanc qui exploite un noir, un vieux qui exploite
un jeune, un homme qui exploite une femme, un hétéro qui exploite un
Trans, un riche qui exploite un pauvre : c’est ça la prostitution, une
relation de pouvoir sans égalité. Un gay blanc de 45 ans me faisait la
confidence : « Quand je serai vieux, j’aimerais bien me payer un ptit
jeune pour m’amuser ». Beaucoup de gays de cet âge là ou plus âgés sont
contre l’abolition de la prostitution pour ces raisons là. Ils veulent
profiter de leur retraite et c’est mieux si la marchandise est
exotique : Beurs, Chinois, Asiatiques, Brésiliens et j’en passe. C’est
le règne de la gérontocratie blanche homosexuelle. Moi qui rêvait d’une
société métissée et ouverte sur le monde avec un monde post-colonial, je
me retrouve avec une communauté gay décomplexée par rapport au Front
national et qui plus est, favorable au maintien du système prostitueur.
Les vieux exploitent les jeunes et les blancs exploitent les minorités
ethniques qui sont les plus fragilisés par la crise et enfin les riches
gays exploitent les gays prolétaires et autres LGBTi déclassés et
vulnérables.
Je suis gay, immigré, féministe, et pour la
pénalisation des clients de la prostitution et pour l’abolition du
système prostitueur. J’ai été une victime de ce système. La communauté
gay me dit que je suis une salope ou une trainée et que je dois
continuer à faire cela. Moi je pense que j’ai droit à l’amour, au vrai
et au respect de moi même.
PS pour ACT UP et AIDES : Au lieu de vous focaliser
sur le SIDA, si vous pensiez un peu à apporter plus d’amour à ces jeunes
qui sont dans la prostitution, ça ne changerait pas les choses ? Vos
capotes m’ont pas servis, les clients préfèrent sans de toute façon.
Vous m’avez maintenu dans ma précarité. Ce que j’attendais c’était autre
chose de votre part, juste de l’amour….
source : La tribune de Genève
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