Extraits traduits d’une entrevue de Kajsa Ekis Ekman – auteure du livre L’être et la marchandise (M Éditeur, Montréal, 2013)
Cette entrevue a été réalisée et affichée sur Youtube par la collective néerlandaise spiritsofsquatters : http://www.youtube.com/watch?v=scOlrYokdJM
Mon nom est Kajsa Ekis Ekman et je suis suédoise,
écrivaine, militante et j’écris pour un magazine anarchiste appelé
BANG ; j’écris également dans des quotidiens des critiques sur divers
livres et idées. Je suis e train d’écrire un livre sur la Grèce et sur
la crise grecque, mais avant cela, j’ai écrit un livre sur la
prostitution et la maternité de substitution. Je suis à ce festival pour
parler de la prostitution et de ce pourquoi je pense que les
Hollandaises et Hollandais doivent changer leur politique sur la
prostitution parce que ce qu’en ce moment, il est tout à fait légal de
tenir un bordel et d’aller y acheter du sexe et ainsi de suite. Parce
qu’en tant que féministe, je trouve que la prostitution est... contraire
aux droits de la personne et que c’est une manifestation non seulement
du patriarcat mais du capitalisme et de l’exploitation des êtres
humains.
Q. : La plupart des gens pensent que la
prostitution est une forme de libération et que les Pays-Bas sont un
pays très libéral parce qu’ils ont la prostitution légale et tout ça
mais vous pensez... ?
Elle : Oui, je pense que c’est une opinion très
répandue… et je suis très triste en fait d’entendre des gens de gauche
ou des activistes exprimer cette opinion, je trouve cela... extrêmement
bizarre compte tenu que ces gens sont généralement opposés à l’inégalité
et peuvent sembler très sensibles à d’autres formes d’oppression...
mais ne peuvent pas voir ici que la prostitution est au cœur du
patriarcat et du capitalisme dans un sens... Mais pour moi le problème
général est que lorsque vous voyez la prostitution comme libératrice,
c’est que vous l’assimilez au sexe et vous pensez que la prostitution
c’est la liberté sexuelle... alors qu’en réalité, c’est le contraire,
vous voyez ?... La façon dont je vois la prostitution c’est que dans le
contrat de prostitution – faites abstraction pour un moment du proxénète
et du trafiquant ainsi de suite – vous avez deux personnes, n’est-ce
pas ? Vous en avez une qui veut avoir des rapports sexuels et une qui
n’en veut pas... Et comme une n’en veut pas, l’argent entre dans le
portrait, parce que la première personne doit payer la seconde personne
pour faire l’amour. Si les deux personnes le voulaient, il y n’aurait
pas d’argent échangé... Donc, dès ce moment-là, vous avez une inégalité
du désir, où une personne veut et une personne ne veut pas... donc je
pense que la prostitution est, pour cette raison, le contraire de la
liberté sexuelle... parce qu’il y a là une personne qui ne veut pas y
être là, vous voyez ?... Et je pense qu’en général, il y a réellement
quelque chose de tordu chez une personne qui veut être avec quelqu’un
que cela n’intéresse pas. Donc je pense que c’est ce qu’il faut changer,
les hommes qui achètent du sexe constituent le problème de base... Et
ce ne sont pas tous les hommes, c’est une minorité d’hommes... En Suède
actuellement, c’est environ un homme sur treize, alors c’est une très
petite minorité – en Allemagne, c’est comme un homme sur quatre, ce qui
est beaucoup plus, à cause de leur légalisation de la prostitution
mais... cela demeure une minorité. Donc je pense que nous devons changer
les attitudes des hommes qui font ça... Et si les femmes achetaient
aussi du sexe, bien sûr que ce serait un gros problème, mais les femmes
ne font pas cela. Pourquoi ? Je ne peux l’expliquer – est-ce la culture,
est-ce l’histoire, est-ce la biologie, je ne sais pas... est-ce, est-ce
le pouvoir ? Je ne sais pas, mais en général où qu’on regarde... les
gens qui achètent du sexe sont presque à 100 % des hommes, ce sont eux
qui le font. Mais les personnes qui en vendent sont 90 %, en général,
quelque chose comme ça, 90% des femmes et des filles et 10 %, des hommes
et des transsexuels. Donc vous voyez, c’est vraiment un problème
d’hommes en général... et je pense que les hommes doivent apprendre que
le sexe est une affaire de désir réciproque, ce n’est pas quelque chose
où celui qui en veut peut prendre ou acheter ou obtenir d’une personne
qui n’en veut pas, vous comprenez ? Mais bien sûr, c’est aussi un
problème de capitalisme, vous voyez que je veux dire : actuellement,
c’est un marché en grande expansion où vous avez des États qui
légalisent la prostitution parce qu’ils veulent percevoir des impôts. Et
je pense que si vous regardez l’État néerlandais... c’est effectivement
un proxénète, parce que ce que l’État fait, c’est vendre des femmes
étrangères aux touristes masculins, donc l’État se sert de femmes venues
des régions appauvries de la planète, il les amène ici, les accepte
pour les vendre aux touristes masculins qui viennent ici, et cela afin
de percevoir des impôts, c’est donc exactement ce qu’un proxénète fait,
vous savez, il vit aux crochets de quelqu’un, il vit de la prostitution
d’autrui, c’est ce que fait l’État. Donc je pense que c’est quelque
chose que le peuple néerlandais devrait souhaiter changer. Et plus ce
marché se développe, plus vous aurez de traite parce que... vous savez,
il y a des gens qui pensent que la traite c’est mal mais que la
prostitution c’est OK... Avez-vous entendu cette opinion ou quelque
chose de semblable ? Mais vous savez… il faut regarder le pourquoi de
cette traite... elle n’arrive pas parce que certains hommes veulent
désespérément acheter une femme victime de la traite ; elle arrive parce
qu’il existe très peu ou pas assez de femmes qui viennent
volontairement à l’industrie du sexe, alors il faut aller les chercher
quelque part, donc vous allez dans les pays pauvres et vous passez
l’aspirateur dans les campagnes pour recruter des jeunes femmes qui,
sans le savoir, acceptent de suivre un homme pour un emploi de nettoyage
ou de garde d’enfants. Ou peut-être même qu’elles savent que c’est pour
de la prostitution, mais elles ne savent pas ce que c’est vraiment.
C’est de cette façon que vous allez combler une demande sans cesse
croissante pour de nouvelles femmes et filles. Donc, il vous faut
accepter le fait que si vous avez une industrie du sexe, si vous la
rendez légale, si vous la laissez prendre de l’ampleur, vous aurez
nécessairement la traite, ce sera inévitable, parce que dans un pays
riche, il n’y a tout simplement pas assez de femmes pour combler cette
demande.
En Suède, on a adopté une loi qui pénalise les
acheteurs de sexe parce qu’on juge qu’il s’agit réellement d’un crime.
Notre loi a très bien fonctionné ; comme j’ai dit : avant, il y avait un
Suédois sur huit qui payait pour le sexe et maintenant c’est un sur
treize, donc vous voyez, ça marche : nous avons beaucoup moins de
prostitution que d’autres pays. En fait ce qui est arrivé, c’est que les
trafiquants – la mafia nigériane en particulier – en est venue à
simplement passer par la Suède pour aller en Norvège, donc ils ont tous
fini à Oslo, la capitale de la Norvège, et c’est devenu un gros problème
là-bas, alors la Norvège s’est dit « Qu’est-ce qu’on va faire ? » et
maintenant, ils ont aussi adopté la loi suédoise. Donc, à mon avis, cela
montre que cette solution fonctionne. Maintenant si vous êtes
anarchiste, vous pouvez dire que vous êtes contre la loi comme outil
pour changer le comportement des gens, et je peux comprendre cet
argument. Mais je ne vais pas lutter contre les rares lois à créer un
tant soit peu de justice sociale, et celle-là en est une. Vous savez, je
pense que si vous voulez adopter un point de vue hostile à toute loi,
vous pouvez tenir tout un langage philosophiques et vous pouvez
commencer à en discuter ; mais vous n’allez pas mettre l’accent sur les
lois comme… celle qui interdit de battre vos enfants et de violer
quelqu’un, vous savez, de tuer quelqu’un et vous n’allez pas dire, nous
allons abolir ces lois-là, non !, ce ne sont pas les premières lois que
vous allez abolir… et je pense que nous vivons aujourd’hui dans une
société qui fait appel au droit pour contrôler certaines choses, et je
pense que c’est une très bonne chose. Et bien sûr, en tant que
collective anarchiste, vous pouvez faire plein d’autres choses pour
combattre la prostitution, vous pouvez diffuser des opinions, vous
pouvez sensibiliser les gens que vous connaissez, vous pouvez faire de
l’action directe contre les bordels, contre les clubs de striptease,
vous savez, contre toutes ces choses... et vous pouvez, bien sûr créer
des affiches et tout ça. Surtout, vous pouvez fournir du soutien aux
femmes qui veulent quitter la prostitution. Mais si vous regardez
l’ensemble du portrait, les anarchistes ne sont pas si nombreux et
nombreuses qu’elles peuvent changer la culture de la prostitution dans
tout le pays. Donc je pense qu’à cet égard, la loi suédoise fonctionne
très bien, parce que où que vous alliez dans le pays, si vous achetez du
sexe et que la police l’apprend – et ils le font souvent – vous allez
payer une amende. Donc vous voyez, le mari typique, celui qui a deux
enfants et un bon boulot et qui ira voir une prostituée après sa journée
de travail, il se fout bien de ce que pensent les anarchistes, mais il
se soucie de ce que la loi pense et il ne le fera pas s’il sait qu’il
risque… d’avoir des ennuis.
Q. : Pensez-vous que la prostitution affecte également l’ensemble de la société ?
Absolument... C’est vrai idéologiquement et
pratiquement et dans les relations, vous savez. D’abord, vous avez tout
ce que provoque la traite des personnes… soit beaucoup de drogue, de
mafia et de crime lié aux armes à feu associées avec ce marché... puis
aussi au plan des relations, parce que je pense que cela fausse les
relations surtout entre les hommes et les femmes, le fait que les hommes
trouvent normal de payer pour être avec une femme. Je pense que,
généralement, enfin ce n’est pas mon idée d’une bonne relation entre
hommes et femmes, le fait de se payer les uns les autres, je pense qu’on
devrait être ensemble parce qu’on s’aime bien, non ?... Mais je pense
que la chose la plus importante à comprendre au sujet de la
prostitution, c’est que la vie de ces femmes est souvent très ardue et
souvent très courte ! Je crois que c’est une étude canadienne qui a
montré que les femmes prostituées ont un taux de mortalité de quarante
pour cent supérieur à celui des autres femmes, qu’elles sont assassinées
dix-huit fois plus souvent que les femmes en dehors de la
prostitution... et les niveaux de violence contre les femmes prostituées
sont aussi très élevés, donc la vie dans la prostitution est très dure
et ce n’est un idéal pour personne. Vous pouvez y échapper, avec de la
chance, si vous n’y êtes restée que quelques années et si vous échappez
aux pires violences, peut-être pouvez-vous y échapper et vivre une bonne
vie après ça, mais il y a beaucoup de gens qui en gardent des séquelles
psychologiques...
Vous avez peut-être entendu après mon allocution
aujourd’hui, il y a une femme de l’auditoire qui a dit : « Eh bien vous
savez, la prostitution est une chose... que nous pouvons avoir, et la
violence est une autre chose et ça, nous n’en voulons pas. » Moi, je ne
pense pas que l’on peut séparer ces deux choses, parce que si vous
comprenez les racines de la prostitution et d’où elle vient, elle va
nécessairement être associée à de la violence et des choses comme ça
parce que les acheteurs pensent vraiment : « J’ai payé pour cette femme
et je peux lui faire tout ce que je veux », alors il la voit déjà comme
quelqu’un qu’il a achetée et qu’il peut frapper ou abuser ou soumettre à
tout ce qu’il a envie de faire. Vous comprenez ce que je veux dire ?
Donc je pense que, si vous abordez la prostitution, l’essentiel n’est
pas de discourir d’idéologie, mais de traiter de ce qui se passe en
réalité, en pratique, vous savez, il s’agit vraiment de questions de vie
ou de mort.
Et je veux dire, il faut se dire « OK, est-il
VRAIMENT SI IMPORTANT que ces hommes obtiennent nécessairement le droit
d’acheter du sexe, que l’on doive y sacrifier des vies de femmes ? Que
l’on doive y sacrifier des enfants ? Que l’on doive gâcher la vie de
tant de femmes au nom de ce droit sacré des hommes d’acheter du sexe ? »
Il me semble que NON ! On n’empêche personne d’avoir des rapports
sexuels, on dit seulement ne les achetez pas ! Il suffit de ne pas en
acheter et beaucoup de détresse va disparaître ! Ils peuvent coucher
avec qui ils veulent mais si l’autre personne le désire, est-ce vraiment
si compliqué ? Vous voyez ce que je veux dire ? Ce n’est pas si
sacrément important que tout le monde doive se précipiter pour protéger
le putain de droit de ces hommes à payer pour du sexe comme si c’était
un des dix commandements de Dieu, je veux dire non !, ce n’est pas ça.
Moi, j’ai vécu toute ma vie sans payer pour du sexe et je suis
parfaitement heureuse, et je pense que la plupart d’entre nous avons
vécu toute notre vie sans payer pour du sexe et nous sommes OK...
[…]
Vous savez, il y a des gens qui pensent que, OK...
les hommes qui achètent du sexe sont handicapés, ils ne peuvent pas en
obtenir autrement… Mais ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai du tout, la
plupart des hommes qui paient pour le sexe sont... ils sont déjà
mariés, ils ont une femme à la maison... ce sont même des hommes qui
sont, en moyenne, de beaux gars, vous savez… Alors c’est aussi une
question de pouvoir, vous voyez, ce n’est pas une affaire de pauvres
hommes qui ne peuvent trouver personne.... Il arrive même encore plus
souvent que c’est la prostituée et non l’acheteur qui sera handicapée.
Pourquoi ? Parce que si vous êtes une fille handicapée, au plan physique
ou mental, ça signifie que votre capacité de dire non et de partir est
restreinte... il va donc être plus facile pour quelqu’un de vous
manipuler et de vous entraîner dans la prostitution. […]
Q. Que peuvent faire les gens pour y mettre fin ?...
Oui, eh bien, je pense que vous pouvez le faire d’une
foule de manières. Je pense que... aux Pays-Bas, en Allemagne surtout,
il faut abolir le rôle de proxénète de l’État, il faut lui dire « Nous
ne voulons pas que l’État agisse en pimp », il faut dire « Moi, les
impôts prélevés à même la prostitution, je n’en veux pas ! » Après tout,
si la population générale tire de l’argent de la prostitution, vous
sentez-vous bien ? Moi, je ne me sentirais pas bien... en sachant qu’une
femme arrivée d’Afrique, d’Amérique latine ou d’ailleurs doit se tenir
debout dans une vitrine du red-light district et coucher avec des masses
d’hommes britanniques qui viennent pour... fêter le mariage de l’un
d’eux ou quelque chose... Je ne serais pas heureux de savoir que...
lorsque je vais à l’hôpital c’est ce commerce qui finance mes
traitements ?... Non, je ne me sentirais pas bien à ce sujet, donc je
pense qu’il faut certainement y avoir un changement à cet égard, cette
politique doit être changée.
[…]
Il y a deux voies d’entrée à la prostitution – en
généralisant beaucoup, je veux dire – tout d’abord vous avez la raison
économique : les femmes qui viennent des pays très pauvres et qui n’ont
peut-être pas d’autre option, celles qui n’ont peut-être pas de papiers,
par exemple, elles peuvent travailler en prostitution comme moyen de
survie, vous comprenez ? Ensuite, il y a la prostitution que nous
connaissons dans les pays riches, qui est celle de filles qui ont été
maltraitées par leurs parents, par leur père ou... qui ont déjà subi un
traumatisme sexuel : elles vont entrer en prostitution non pour l’argent
mais pour gérer leur traumatisme, vous voyez ce que je veux dire ?
Elles n’ont pas besoin de l’argent il y a même des cas où elles ont pris
l’argent, un argent qu’elles détestent – alors elles le foutent aux
chiottes et elles tirent la chasse d’eau... elles n’en veulent même pas,
vous comprenez ? C’est de l’argent sale, elles détestent cet argent,
elles le font pour se faire du mal… C’est comme beaucoup de femmes,
elles se tailladent la peau, c’est de l’autodestruction, vous voyez ?
Mais dans les deux cas, je pense que pour l’homme qui la force, il n’y a
aucune excuse pour abuser de quelqu’un qui est soit si pauvre qu’elle
n’a pas d’autre option, alors moi je dis donnez-lui de l’argent quand
même, mais ne la baisez pas – il est évident qu’elle ne veut pas de vous
– et deuxièmement, si vous utilisez quelqu’un qui a manifestement un
traumatisme et aurait besoin d’être en thérapie ou quelque chose comme
ça, n’aggravez pas la situation... quel genre de personne êtes-vous si
vous faites cela ? (pause) Alors, que pouvons-nous faire pour aider ? Je
pense que c’est un très gros débat (pause) tout d’abord, je pense qu’il
devrait certainement exister des programmes de sortie, des centres,
parce qu’il y a beaucoup d’argent qui est gaspillé sur les mauvaises
choses. L’Union européenne, comme je le disais dans mon discours, donne
beaucoup d’argent chaque année à une organisation appelée TAMPEP, fondée
aux Pays-Bas... qui se promène au pays et en Europe de l’Est en donnant
des préservatifs aux prostituées. Leurs agents distribuent également
des tracts sur comment il est bon que la prostitution soit légalisée, et
qu’elle devrait l’être partout en Europe de l’Est et ils sont très
actifs dans cette région à tenter d’y faire légaliser la prostitution.
Alors je suis allée les interviewer et je leur ai demandé « Pourquoi ne
dépensez-vous pas une partie de cet argent à aider les filles à sortir
de cette situation ? » Parce que la femme qui travaille là m’a dit
qu’elle allait parfois dans ces rues… Elle est polonaise en passant et
elle me dit que beaucoup des femmes sont polonaises et elle dit que
c’est très bien parce qu’alors « Je peux leur parler et parfois il y a
une fille, elle vient, elle a dix-huit ans, elle n’a pas encore eu de
premier client... et je lui dis comment enfiler le préservatif. » Alors,
moi je lui ai dit : « Quoi ? C’est ça que ce que tu lui dis ? Pourquoi
ne lui dis-tu pas ‘As-tu besoin de quelque chose ? Peut-être que tu ne
veux pas être cela, cherches-tu un logis ou cherches-tu un emploi,
est-ce que je peux t’aider à quelque chose, tu sais ? Mais ne te
contente pas de lui enseigner le préservatif ! " Et cette femme me
répond « Non, nous ne les aidons pas à en sortir, pourquoi ferions-nous
cela », me dit-elle. « Nous les aidons à être de bonnes prostituées. »
Vous comprenez ? Et c’est de l’argent de l’Union européenne qui finance
ça ! L’UE a beaucoup d’argent et pourquoi fait-elle cela ? Parce qu’ils
ne veulent pas que le VIH se propage, alors ils vont donner des
préservatifs aux prostituées. Ils ne se soucient pas des prostituées,
ils se soucient de cela. Mais l’on pourrait donner une partie de cet
argent à des programmes où l’on pourrait dire aux femmes : « OK,
peut-être que vous êtes en difficulté dans votre vie, OK, nous allons
vous aider à retourner aux études, à trouver peut-être un endroit où
rester et un emploi, quelque chose comme cela… il ne s’agit pas de
forcer les femmes, vous n’allez pas les amener de force au programme,
vous allez aller dans ces rues et vous allez dire « Excusez moi, est-ce
que quelqu’un ici aimerait s’inscrire à ce programme ? », vous savez et
on verrait si quelqu’un est intéressée, et je pense que, oui, beaucoup
de gens s’y intéresseraient.
Q. : Pouvez-vous dire ce qui vous motive à aborder un sujet aussi... ?
Hé hé... c’est parce que je suis généralement en
COLÈRE ! (rit)... Non, vous le savez, c’est, bon, différents facteurs…
en fait, quand j’ai commencé à écrire ce livre – parce que j’ai écrit un
livre sur le sujet – c’était parce que je vivais à Barcelone et je
vivais avec une fille qui était dans la prostitution. Et quand on a vu
ce que j’ai vu, il n’y a aucun moyen de revenir en arrière, vous
comprenez ? Il est impossible de me faire croire que cette chose est OK,
de la peindre en rose, OK parce que j’ai vu ce qui est derrière tout
ça, OK, je l’ai vu de mes yeux. Et puis, j’ai d’autres amies qui ont été
en prostitution pour différentes raisons je connais aussi des hommes
qui ont payé pour du sexe et ainsi de suite, et en général je leur dis
« Vous êtes des abrutis, allez vous faire voir ! », OK... Et puis, pour
moi, c’est une question de droits des femmes, d’égalité entre les hommes
et les femmes en général, je n’aime pas à un monde où les femmes sont
vendues et achetées comme du bétail et les hommes se contentent d’y
aller avec insouciance... Je parlais tantôt de la Thaïlande – j’ai aussi
été en Thaïlande – et là, l’industrie du sexe est une affaire énorme :
alors les femmes et les filles et les jeunes garçons sont vendus en
masses à tous ces touristes masculins... alors, les hommes en Thaïlande,
que font-ils ? Ils achètent eux aussi du sexe ! Eux-mêmes en achètent !
Ainsi, au lieu de prendre la défense des femmes dans leurs pays en
disant : « Nous n’acceptons pas que les touristes viennent ici et les
achètent comme si elles étaient des animaux, nous disons ‘Non’ à cela »,
NON, ils paient pour du sexe eux aussi. Dans une très grande proportion
des hommes thaïlandais. Alors je trouve que cela démontre une
hypocrisie générale de la part de beaucoup d’hommes – je ne dis pas tous
les hommes parce qu’il y a beaucoup d’hommes aussi qui seraient prêts à
soutenir les droits des femmes –, mais je constate que si un homme
arrive dans un pays pauvre et dit, « Je vais prendre les minéraux, je
vais prendre le pétrole, je vais prendre les diamants, je vais prendre
n’importe quoi d’autre dans le pays », les hommes lui diront « Non,
allez-vous en, espèce de colonialiste ! » Mais s’il veut prendre des
femmes, ils lui diront « Oh OK, je vais vous conduire au bordel et je
vais y aller moi aussi… »
[…]
[…]
Traduction : Martin Dufresne, avec l’autorisation de Kajsa Ekis Ekman et de spiritofsquatters
Pour approfondir :http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2013/04/11/la-transgression-fetichiste-des-frontieres-se-differencie-
de-la-dissolution-revolutionnaire-des-memes-frontieres/
http://abolition13avril.wordpress.com/about/
http://www.youtube.com/watch?v=scOlrYokdJM
http://www.editionsm.info/
http://sisyphe.org/spip.php?article4379
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