Des trans féministes s’insurgent contre une proposition de réforme législative au Royaume-Uni

Debbie Hayton, une transfemme, chez elle à Birmingham.
 

Un article de Lucy Bannerman, dans The TIMES de Londres, le 6 nov. 2017
« Cela a déjà été amusant d’être transsexuel, mais les gens ont perdu leur sens de l’humour. On n’entend plus que gémissements et pleurnichements. C’est un vrai merdier. »
Miranda Yardley parle à la blague, mais il est tout à fait sérieux dans son opposition aux projets du gouvernement britannique qui veut révolutionner la définition même de ce que sont un homme et une femme.
Au cours des prochains jours ou des prochaines semaines, le gouvernement publiera les résultats de sa consultation sur des amendements à apporter à la Loi britannique sur la reconnaissance du genre. Au lieu d’avoir à obtenir un diagnostic médical de dysphorie de genre, (la condition liée au sentiment de ne pas appartenir à sa classe de sexe biologique), de démontrer que vous avez vécu dans le sexe désiré pendant au moins deux ans et de fournir des éléments de preuve à un panel de spécialistes, les gens deviendraient autorisés à changer leur sexe légal par simple déclaration, aux termes de propositions du gouvernement visant à accélérer le processus.
Justine Greening, la ministre britannique des Égalités, a salué cette mesure comme étant « la prochaine étape » dans la promotion des droits des personnes transgenres.


Miranda Yardley

Yardley, activiste transgenre, fait partie d’un nombre croissant de critiques qu’horrifie le manque apparent de réflexion des ministres sur les conséquences d’une telle réforme.
Pour Yardley, cette législation « profondément régressive » fera non seulement très peu pour lutter contre la discrimination que vivent les transsexuel·le·s comme elle, mais une telle politique rendra également les femmes incapables de tenir tête aux hommes opportunistes qui s’en serviront de mauvaise foi pour accéder à des domaines comme les refuges, les salles d’essayage de vêtements et les groupes de soutien pour survivantes d’agression sexuelle.
« Cela enlève aux femmes des droits pour en accorder à des hommes. C’est tout à fait pervers », a déclaré Miranda Yardley, 50 ans, comptable d’Essex, né de sexe masculin et qui a subi un changement de sexe il y a presque dix ans. Il se définit comme transsexuel, mais jamais comme une femme, « par respect pour les femmes. Je n’essaie aucunement de prétendre être une femme. Je n’ai pas eu la même vie. »
Lors d’une réunion au Parlement britannique la semaine dernière, Yardley s’est joint à un large éventail de cliniciens, parents, thérapeutes, universitaires et groupes de défense des droits des homosexuel·le·s et des femmes, toutes et tous unis dans leur frustration d’être incapables d’avoir la moindre discussion sur la politique gouvernementale concernant le transgenrisme – notamment sur des enjeux tels que l’opportunité de prescrire à des enfants des traitements qui transforment toute leur vie pour des conditions encore mal comprises, ou l’inquiétude de voir une politique d’auto-déclaration fausser les statistiques sur la criminalité féminine – sans se faire huer par un micro-lobby militant de transactivistes. Ces intervenant·e·s ont prévenu les parlementaires que la possibilité d’un contrôle légitime était actuellement réduite au silence par un seul mot : l’accusation d’être « transphobe ». (LIRE SON INTERVENTION AU BAS DE LA PAGE)
« Avez-vous vu mon fil de commentaires Twitter ? C’est un véritable bain de sang », mentionne Mme Yardley. « L’utilisation d’un pronom féminin est une chose, dit-elle ; mais se sentir autorisé à détourner la condition féminine pour un caprice, au détriment des droits d’autres personnes, en est une autre. On nous dit qu’un transfemme est automatiquement une femme. Pas question d’en débattre. On dirait un culte. Obéissez aux règles du culte, appliquez les règles… et quiconque n’est pas d’accord se voit expulsée. »
« Jamais dans l’histoire du mouvement des droits civiques noirs, ou du mouvement lesbien et gay, les Noirs n’ont-ils réclamé d’être appelés Blancs, ou les lesbiennes ou les gays ont réclamé d’être appelés hétérosexuel·le·s. L’égalité transgenre ne devrait pas se faire au détriment de la justice. Il arrive que la chose la plus injuste à faire soit d’imposer le même traitement à tout le monde. »
Des critiques qualifient de politique identitaire devenue folle le fait de changer la loi pour protéger les personnes transgenres sur la base de notions vagues et indéfinies d ‘« identité de genre » plutôt que sur celle plus concrète de « changement de sexe ». « C’est aussi irréaliste que de tenter d’encadrer des agnostiques par une loi », afffirme Yardley. « Ces gens cherchent à légiférer mes pensées et mes sentiments, et c’est un non-sens. »
On estime qu’environ 650 000 personnes s’identifient comme transgenres au Royaume-Uni. Beaucoup d’entre elles ont appuyé les démarches visant à alléger le fardeau administratif lié au changement de sexe.
Un porte-parole de Stonewall, l’organisme le plus connu de défense des droits des personnes LGBT, a salué la consultation publique en déclarant : « Cette réforme est désespérément nécessaire car il est temps de faire évoluer la législation au-delà d’un processus bureaucratique long et compliqué, qui traite le fait d’être transgenre comme une maladie mentale. Nous croyons qu’une meilleure loi sur la reconnaissance du genre est une prochaine étape cruciale dans la réalisation de l’égalité pour toutes les personnes transgenres et qu’elle contribuera à réduire la discrimination et les violences qui sont trop répandues dans notre société. La transphobie en Grande-Bretagne atteint des niveaux épidémiques et cela doit changer. »
Toutefois, Debbie Hayton, 49 ans, professeure de sciences à Birmingham qui a changé de sexe il y a cinq ans, éprouve de graves inquiétudes. Pour elle, l’auto-déclaration constituerait un recul et non un pas en avant.
« À l’heure actuelle, nous avons la possibilité de dire, regardez, voici des documents qui démontrent que nous avons subi une évaluation sociale. Si vous remplacez ce processus par une simple auto-identification, ces personnes ne pourront alors compter dans les faits que sur leurs propres affirmations. D’autres gens [qui peuvent être hostiles aux personnes transgenres] pourraient simplement dire : nous ne vous croyons pas. Cela a pour effet d’affaiblir notre position », dit-elle.
« L’idée selon laquelle des gens pourraient, d’une façon ou d’une autre, vivre moins de discrimination s’ils peuvent s’auto-déclarer transgenres est fallacieuse et doit être contestée. Je ne vois pas comment cela va nous aider dans notre vie de tous les jours. Cela ne traite aucunement de la transphobie dans la société ou de comment dépasser la discrimination. »
Comment exactement, demande-t-elle, est-ce que le fait de pouvoir déclarer son nouveau sexe du jour au lendemain va empêcher les personnes transgenres de se voir refuser une promotion ou imposer de la discrimination au travail ?
« Comment cela empêchera-t-il des gens d’être confinés à l’arrière-boutique ? Ou comment cela changera-t-il l’attitude des employeurs qui pourraient penser : « Si je vous embauche, cela peut causer des problèmes. » »
« C’est le genre de discrimination qui m’inquiète. C’est ce que je veux voir abordé. Au lieu de cela, nous nous impliquons dans un affrontement totalement inutile. »
Madame Hayton éprouve de l’empathie pour les préoccupations des groupes de femmes et recommande des évaluations individuelles des risques en cause si une personne née homme, mais s’identifiant comme une femme, souhaite accéder à un espace protégé comme une maison d’hébergement pour femmes victimes de violence masculine. « Oui, c’est une forme de discrimination, mais il faut parfois accepter cela si vous voulez respecter d’autres personnes dans la société. »
Le fait de débattre ne constitue pas de la discrimination, conclut Mme Hayton. « Si des gens ont des préoccupations, je préférerais de beaucoup qu’elles soient partagées et diffusées. Nous devons discuter de ces enjeux. Ce n’est aucunement être transphobe. »
Version originale : https://www.thetimes.co.uk/edition/news/transgender-women-criticise-reform-xtp9n6mn0
Traduction : TRADFEM

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