Par Audrey Morrissey, directrice adjointe de My Life My Choice et
survivante de la traite, initialement publié sur le blog du site www.demandabolition.org
J’avais 16 ans la première fois que l’on m’a vendue
pour du sexe. Mon copain m’a dit que si je l’aimais, lui et notre fille,
j’accepterais de faire la rue pour que nous puissions avoir une vie
meilleure. Il m’a amenée à croire qu’il n’y avait pas d’autres options.
Il m’a convaincue que je ne le faisais pas pour lui, mais pour nous.
Je sais qu’il y a des femmes qui disent qu’elles font
cela de leur plein gré – elles se qualifient de « travailleuses du
sexe ». C’est peut-être leur vérité, mais ce n’est pas la mienne.
Ce n’est pas non plus la vérité des centaines de filles à qui j’ai servi de conseillère depuis 12 ans au sein de l’organisation Ma Vie Mon Choix.
A l’époque, je trouvais cela autonomisant : je
gagnais de l’argent, je soutenais ma famille. Mais avec le recul, je me
rends compte aujourd’hui que je n’avais pas le contrôle – j’étais
exploitée. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de mes connaissances qui ont
traversé l’industrie du sexe vous diront que le choix n’a rien à voir
là-dedans. Elles vous parleront des traumatismes, du fait de se sentir
prise au piège, et de la drogue qu’on enfile juste pour tenir une nuit
de plus. Voilà ce que ç’a été pour moi et pour tant d’autres, et nous en
portons encore les cicatrices. J’entends des gens dire que la
prostitution est un crime sans victime, et que les adultes consentants
devraient être autorisés à faire ce qu’ils veulent derrière des portes
closes. Cela sonne bien, mais le commerce du sexe est loin d’être
entièrement consensuel. Il est peuplé de jeunes filles, d’enfants
vampirisées par des exploiteurs qui cherchent à transformer leur
vulnérabilité en argent comptant. Pourquoi ? Parce que cette
vulnérabilité est précisément ce que veulent les acheteurs de sexe.
Le fantasme numéro un des acheteurs de sexe est la
jeunesse. Quand j’étais dans ce milieu, un micheton m’a dit qu’il me
donnerait plus de fric si je lui trouvais une fille de 14 ans, et les
filles que je conseille aujourd’hui me racontent des récits tout aussi
effroyables. Vous ne pouvez pas avoir une industrie du sexe adulte et ne
pas voir des enfants qui s’y font prendre – la demande est telle de la
part des acheteurs de sexe qu’il y a énormément d’argent à se faire pour
les proxénètes.
Quand des gens parlent de décriminaliser l’industrie
du sexe, ce qu’ils disent vraiment est qu’ils trouvent normal d’acheter
des gens et de les traiter comme des objets. Parce que telle est la
nature de la majorité de l’industrie du sexe : des gens qui ont de
l’argent ou du pouvoir font leurs quatre volontés avec une personne
moins fortunée qu’eux. Je ne peux accepter cela.
Le « droit » pour quelques personnes de vendre du
sexe n’annule pas le droit à ne pas être achetée pour l’ensemble des
personnes blessées dans ce système. Nous ne pouvons pas fermer les yeux
sur les enfants et les adultes vulnérables qui sont mâchés et crachés
par cette industrie. Moi, je n’ai pas eu de choix. Les filles avec qui
je travaille aujourd’hui n’ont pas eu de choix non plus. Nous n’avons
pas pris de décision ; une décision a été prise pour nous. Voilà les
personnes que nous devons protéger. Voilà pour qui je me bats.
Audrey Morrissey
Dans le clip vidéo de ci-dessous (en anglais), Audrey
Morrissey débat avec une militante pro-prostitution des notions de
choix et d’agencéité dans l’industrie illégale du sexe, à l’émission
télé WGBH News :
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