Alicen Grey : Vous commencez à savoir ce qu’est la culture du viol, mais savez-vous ce qu’est la culture pédophile ?
par Alicen Grey
Cher Todd Nickerson,
Traduction : TRADFEM https://tradfem.wordpress.com/2015/11/07/alicen-grey-vous-commencez-a-savoir-ce-quest-la-culture-du-viol-mais-savez-vous-ce-quest-la-culture-pedophile/
Cher Todd Nickerson,
Il y a quelques jours sur le site Salon, vous avez
écrit un article intitulé par provocation « Je suis un pédophile, mais
pas un monstre ». On peut supposer qu’après ça, beaucoup de personnes se
posent des questions comme « La pédophilie est-elle naturelle ? » ou
« La pédophilie se soigne-t-elle ? ». Mais je n’essaierai pas de
répondre à ces questions-là. J’aimerais plutôt dépasser ces propos en
relevant quelques omissions conséquentes de votre article.
Commençons avec un premier oubli : la grande majorité
des pédophiles sont des hommes. Et la majorité des enfants victimes, de
ces pédophiles qui font réellement le choix de suivre leurs désirs
sexuels, sont des filles. Ne diriez-vous pas que c’est un détail plutôt
important que vous taisez à votre lectorat ? Malheureusement, le
patriarcat a beau être aussi répandu et manifeste, c’est habituellement
le dernier détail mentionné dans les conversations de cette nature – si
tant est qu’on en fasse état.
Cela dit, la pédophilie peut paraître taboue et
méprisée par les gens, mais une analyse générale et honnête de notre
culture révèle tout autre chose. J’émets l’hypothèse que la pédophilie
est en fait récompensée et célébrée, et que notre culture et notre
compréhension de la sexualité sont entièrement construites autour de ce
qui semblent être des désirs pédophiles. J’appellerai cela « culture
pédophile ».
Dans la culture pédophile, on attend des femmes
qu’elles maintiennent un degré presque impossible de minceur, qu’elles
paraissent pré-pubères dans leur manque quasi-androgyne de rondeurs et
de masse. A cause de cette pression, les déséquilibres alimentaires
prolifèrent chez les jeunes filles, et les femmes sont particulièrement
ciblées toute leur vie par l’industrie multimilliardaire des régimes.
Dans la culture pédophile, le top des catégories du
site pornographique Pornhub est celle dite « adolescentes ». Des
« filles » décrites comme d’un « âge à peine légal » et portant des
tenues d’écolières incarnent des scénarios comme « le maniement des
vierges », des fantasmes d’inceste père-fille, des jeux prof-étudiante…
citez une chose, il y a du porno pour ça, et il y a eu des branlettes
dessus des millions et des millions de fois. Il est raisonnable de se
demander si le seul facteur qui retient une partie des ces mateurs de
visionner de la véritable pornographie infantile est l’âge légal du
consentement sexuel.
Sous l’influence de l’industrie du porno, la
« labiaplastie », une chirurgie qui réduit les petites lèvres à une
taille dictée par le porno, gagne rapidement en popularité. Il en est de
même d’autres pratiques, comme l’hyménoplastie, qui redonne une
étroitesse « de vierge » aux vagins.
Dans la culture pédophile, les femmes sont
complètement conditionnées à régulièrement raser ou épiler leur
bas-ventre et aisselles. L’industrie cosmétique – qui cible elle aussi
les femmes – refourgue ses crèmes et lotions « anti-âge » en promettant
de nous donner une « peau de bébé » !
Dans la culture pédophile, on appelle souvent
« filles » des femmes adultes. On a créé une expression pour désigner
les adolescentes séduisantes : les « pousse au crime ». Les femmes sont
sexualisées en étant qualifiées de poulettes, minettes, et bébés.
Dans la culture pédophile, je remarque souvent des
hommes qui me matent en public, les yeux lubriques, jusqu’à ce qu’ils
voient les poils sur mes jambes – à ce moment là, ils affichent un
dégoût ostensible. J’ai déjà entendu des groupes de mecs, en âge d’être
étudiants, qui disaient ne pas pratiquer le cunnilingus avec une femme
si ses lèvres sont trop proéminentes. Un homme qui tentait de coucher
avec moi depuis trois ans a subitement changé d’avis quand il a appris
que je ne m’épilais pas le pubis et que je ne le ferais pas. Autrement
dit, plusieurs hommes ont arrêté d’être attirés par moi quand ils ont
compris que j’étais une femme et pas une jeune fille.
Évidemment tous ces hommes qui manifestent une
« préférence » pour les qualités susmentionnées chez les femmes ne sont
pas des pédophiles au sens strict du terme. Mais il semble qu’un nombre
important d’hommes, vraisemblablement suite à un conditionnement
culturel profond, trouve séduisantes chez une femme les mêmes choses
qu’un pédophile trouvera séduisantes chez une enfant. Lèvres minimales,
vagins étroits, hymens intacts, peau de bébé, membres et vulves glabres,
jeunesse éternelle, petits corps fragiles… Comme l’écrit l’utilisatrice
de Tumblr « reddressalert », « comment se fait-il que nous ne
reconnaissions pas que c’est essentiellement la description d’un bébé ou
d’une toute-petite ? ».
Reprenons :
J’ai besoin que vous, et votre sympathique auditoire,
compreniez cette grave vérité : la pédophilie est loin d’être aussi
taboue, ou honteuse, ou répulsive pour la société que vous ne le
prétendez. J’aimerais qu’elle le soit. Mais au grand détriment des
filles et des femmes partout dans le monde, vos désirs sont constamment
reflétés et massivement produits à une échelle globale pour combler une
demande toujours grandissante. Ce monde de suprématie masculine vous
accueille les bras ouverts et répond à chacun de vos souhaits. J’affirme
que vous êtes plus en sécurité d’être vous-même que ne le sont les
filles.
Vous dites « je suis un pédophile, mais pas un
monstre », et je suis entièrement d’accord. Vous n’êtes pas un monstre –
vous êtes un homme. Un homme plutôt banal. Une représentation
microcosmique des perversions les plus fréquentes du patriarcat. Vous
n’êtes pas à part, vous n’êtes pas une anomalie, et vous n’êtes pas
seul. Loin de là. Votre « orientation sexuelle » n’est qu’une
manifestation de plus du désir collectif masculin d’assujettir les
femmes, dans une croisade pour maintenir à tout prix la suprématie des
hommes.
Donc si « comprendre et soutenir » votre pédophilie
implique de conditionner des hommes à érotiser des caractéristiques
enfantines chez les femmes, et d’apprendre aux femmes à rester
éternellement jeunes afin de ne pas aggraver les insécurités des hommes,
alors ce n’est pas notre soutien que vous demandez, mais notre
soumission. Et tout comme vous dites qu’« il n’y a pas de moyen éthique
de pleinement réaliser nos envies sexuelles », il n’y a pas de moyen
éthique de demander la coopération de celles d’entre nous qui essayent
activement de démanteler le système patriarcal que votre « orientation »
représente.
Alicen Grey, écrivaine reconnue et l’auteure de
Wolves and Other Nightmares. Artiste et activiste passionnée, elle lutte
pour amener son auditoire vers le changement et la guérison. Son blog :
http://www.alicengrey.com/
Texte original : http://www.feministcurrent.com/2015/09/28/youve-heard-of-rape-culture-but-have-you-heard-of-pedophile-culture/Traduction : TRADFEM https://tradfem.wordpress.com/2015/11/07/alicen-grey-vous-commencez-a-savoir-ce-quest-la-culture-du-viol-mais-savez-vous-ce-quest-la-culture-pedophile/
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